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08/02/2007 | FRANCE | N°300858

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 08 février 2007, 300858


Vu la requête, enregistrée le 23 janvier au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour l'association FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT, sise 57 rue Cuvier 75231 Paris cedex 05, représentée par Mme Dominique PY ; l'association requérante demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de l'arrêté du ministre de l'écologie et du développement durable en date du 17 novembre 2006 modifiant son arrêté du 17 janvier 2005 relatif aux dates de fe

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2°) de...

Vu la requête, enregistrée le 23 janvier au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour l'association FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT, sise 57 rue Cuvier 75231 Paris cedex 05, représentée par Mme Dominique PY ; l'association requérante demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de l'arrêté du ministre de l'écologie et du développement durable en date du 17 novembre 2006 modifiant son arrêté du 17 janvier 2005 relatif aux dates de fermeture de la chasse aux oiseaux de passage et au gibier d'eau ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

l'association requérante soutient que la condition d'urgence est remplie dès lors qu'en autorisant la chasse au pigeon ramier, du 11 au 20 février, pendant la période de migration prénuptiale dans le département du Gers, l'arrêté dont la suspension est demandée crée un risque de destruction des espèces du pigeon ramier ainsi que du pigeon colombin en raison des risques de confusion ; qu'une telle destruction créerait un préjudice irréparable et que l'arrêté contesté préjudicie donc de façon grave et immédiate aux intérêts défendus par l'association ; elle ajoute que l'arrêté est contraire à l'article 7-4 de la directive communautaire du 2 avril 1979, repris par l'article L. 424-2 du code de l'environnement, tel qu'interprété par la cour de justice des communautés européennes et le Conseil d'Etat, qui interdit la chasse aux oiseaux migrateurs pendant les périodes de migration et nidification ; qu'au regard des données scientifiques disponibles, il apparaît que la date de fermeture retenue par l'arrêté contesté est incompatible avec l'objectif de protection complète pendant leur période de migration prénuptiale fixé par la directive ; que ce moyen est de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté dont la suspension est demandée ;

Vu la décision dont la suspension est demandée ;

Vu la requête à fin d'annulation présentée à l'encontre de cette décision ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 2 février 2007, présenté par le ministre de l'écologie et du développement durable, qui conclut au rejet de la requête ; le ministre soutient qu'il n'existe pas de doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté dont la suspension est demandée ; que la jurisprudence de la cour de justice des communautés européennes reconnaît la possibilité d'une dérogation à l'interdiction d'échelonnement en cas de preuve, fondée sur des données scientifiques et techniques, qu'un tel échelonnement n'empêcherait pas la protection complète des espèces ; que la jurisprudence du Conseil d'Etat admet elle-même un système de décompte par période de 10 jours au regard des données scientifiques et techniques ; que la Commission européenne a publié en 2004 un guide interprétatif qui a confirmé le principe de décade ; que le dernier état de la question a été publié dans le rapport scientifique n°3 de mars 2005 de l'observatoire de la faune sauvage et de ses habitats, qui démontre que le début de la période de migration prénuptiale du pigeon ramier commence au cours de la 3ème décade de février à l'est du Rhône ; que le risque de confusion avec le pigeon colombin est faible dès lors que ce dernier n'est pas ou peu présent sur les zones de chasse, qu'il se distingue du ramier par sa morphologie, que les chasseurs expérimentés concernés par l'arrêté l'identifient facilement et que le rapport ORNIS de 2001 proposait de toute façon la troisième décade de février comme période de migration prénuptiale ; elle ajoute que la condition d'urgence n'est pas remplie en ce que l'arrêté dont la suspension est demandée ne porte pas une atteinte suffisamment grave aux intérêts que l'association requérante entend défendre, compte tenu de son champ d'application très limité, d'une part au seul département du Gers, d'autre part au seul « tir au posé dans les arbres à l'aise d'appelants vivants à poste fixe matérialisé de main d'hommes », c'est à dire à la chasse à partir de « palombières » pratiquée par un faible nombre de chasseurs ; que le prélèvement sera très réduit au regard de la population du pigeon ramier dont la préservation n'est pas menacée :

Vu le mémoire en intervention, enregistré le 5 février 2007, présenté pour l'association FEDERATION DEPARTEMENTALE DES CHASSEURS DU GERS, dont le siège est route de Toulouse à AUCH ( 32000) qui intervient au soutien de l'arrêté dont la suspension est demandée ; elle soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie dès lors que l'association requérante a attendu près d'un mois pour former son recours et que la prolongation de la période de chasse n'a aucune incidence sur la protection des espèces comme le démontre le dernier rapport du G.I.F.S ; que l'arrêté contesté est légal au regard de l'interprétation par la cour de justice des communautés européennes, de l'article 7et4 de la directive du 2 avril 1979, qui concilie les différents objectifs et permet l'échelonnement, qui est également autorisé par la jurisprudence du Conseil d'Etat ; que les rapports scientifiques invoqués par l'association requérante sont dépassés mais que de nouveaux travaux ont démontré que les débuts de migration du pigeon ramier étaient bien plus tardifs ; elle soutient enfin que les risques de confusion avec d'autres espèces sont nuls en raison de caractéristiques physiques bien distinctes et de l'inexistence de vols groupés ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 5 février 2007, présenté pour l'association FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT, qui reprend les mêmes conclusions par les mêmes moyens ; elle ajoute que le guide invoqué par la ministre de l'écologie et du développement durable n'a pas de valeur juridique et souligne par ailleurs qu'il convient d'éviter les chevauchements ; que les rapports scientifiques allégués, s'ils procèdent à des distinctions pour l'est du Rhône et la Corse ne concernent pas le département du Gers qui se situe à l'ouest ; que les risques de confusion avec le pigeon colombin sont avérés ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive 79/409/CEE du Conseil du 2 avril 1979, concernant la conservation des oiseaux sauvages, notamment son article 7et4 ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, l'association FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT, d'autre part, la FEDERATION DEPARTEMENTALE DES CHASSEURS DU GERS et le ministre de l'écologie et du développement durable ;

- Vu le procès verbal de l'audience publique du 7 février 2007 à 15 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- le représentant de l'association FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT;

- les représentants du ministre de l'écologie et du développement durable ;

- Me FARGE, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la FEDERATION DEPARTEMENTALE DES CHASSEURS DU GERS ;

Considérant que la FEDERATION DEPARTEMENTALE DES CHASSEURS DU GERS a intérêt au maintien de l'arrêté attaqué ; que son intervention en défense est par suite recevable ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision » ;que la demande de suspension d'une décision présente un caractère d'urgence lorsque son exécution porte une atteinte suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ;

Considérant que l'arrêté du ministre de l'écologie et du développement durable du 17 janvier 2005 relatif aux dates de fermeture de la chasse aux oiseaux de passage et au gibier d'eau a fixé cette date au 10 février en ce qui concerne la chasse au pigeon ramier ; que l'arrêté du 17 novembre 2006 dont fédération FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT demande la suspension reporte cette date du 10 au 20 février pour le seul département du Gers et pour le seul mode de chasse « au tir au posé dans les arbres à l'aide d'appelants vivants à poste fixe matérialisé de main d'homme » ; que si l'application de cet arrêté est imminente, il ne ressort ni des pièces du dossier ni des déclarations recueillies au cours de l'audience qu'elle est susceptible de porter un atteinte suffisamment grave à la protection des espèces animales que la fédération FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT a pour objet de défendre, dès lors que, d'une part, les travaux scientifiques invoqués ne permettent pas d'établir que les premières migrations prénuptiales qui pourraient se produire dans le département du Gers durant la seconde décade de février affecteraient une proportion importante des pigeons ramiers migrateurs, d'autre part, que la chasse pratiquée selon la seule méthode autorisée n'est susceptible d'entraîner qu'un prélèvement modeste sur la population des pigeons ramiers au regard tant du prélèvement autorisé par l'arrêté du 17 janvier 2005 que de la population totale de cette espèce, dont la conservation n'est pas menacée, et ne comporte que des risques réduits de confusion entre le pigeon ramier et le pigeon colombin dont la chasse n'est autorisée que jusqu'au 10 février ; qu'ainsi la condition d'urgence ne peut être regardée comme remplie ;

Considérant qu'il suit de là que, sans qu'il soit besoin de rechercher si le moyen tiré de la méconnaissance de la réglementation européenne est propre à crée un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté, il y a lieu de rejeter la requête y compris les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

O R D O N N E :

------------------

Article 1er : L'intervention de la FEDERATION DEPARTEMENTALE DES CHASSEURS DU GERS est admise.

Article 2 : La requête de l'association FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT est rejetée.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à l'association FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT, à la FEDERATION DEPARTEMENTALE DES CHASSEURS DU GERS et au ministre de l'écologie et du développement durable.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 300858
Date de la décision : 08/02/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

54-035-02-03-02 PROCÉDURE. PROCÉDURES INSTITUÉES PAR LA LOI DU 30 JUIN 2000. RÉFÉRÉ SUSPENSION (ART. L. 521-1 DU CODE DE JUSTICE ADMINISTRATIVE). CONDITIONS D'OCTROI DE LA SUSPENSION DEMANDÉE. URGENCE. - ABSENCE - ARRÊTÉ REPORTANT LA DATE DE FERMETURE DE LA CHASSE D'UNE ESPÈCE ANIMALE - ABSENCE D'ATTEINTE SUFFISAMMENT GRAVE À LA PROTECTION DES ESPÈCES ANIMALES QUE L'ASSOCIATION REQUÉRANTE A POUR OBJET DE DÉFENDRE [RJ1].

54-035-02-03-02 En dépit de l'imminence de l'application d'un arrêté reportant de 10 jours, pour un seul département et pour un seul mode de chasse, la date de fermeture de la chasse au pigeon ramier, la condition d'urgence fixée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative ne peut être regardée comme remplie, cette mesure n'étant pas susceptible de porter une atteinte suffisamment grave à la protection des espèces animales que l'association requérante a pour objet de défendre, dès lors que, d'une part, les travaux scientifiques invoqués ne permettent pas d'établir que les premières migrations prénuptiales qui pourraient se produire dans le département et la période concernés affecteraient une proportion importante des pigeons ramiers migrateurs, d'autre part, que la chasse pratiquée selon la seule méthode autorisée n'est susceptible d'entraîner qu'un prélèvement modeste sur la population de cette espèce, dont la conservation n'est pas menacée, et ne comporte que des risques réduits de confusion avec d'autres espèces.


Références :

[RJ1]

Rappr. 5 février 2004, Ligue pour la protection des oiseaux et autres, n° 264011-264022-264037-264140, T. p. 822. Comp. 12 février 2001, Association France Nature Environnement et autres, n° 229797-229876-230026, p. 56.


Publications
Proposition de citation : CE, 08 fév. 2007, n° 300858
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Durand-Viel
Rapporteur ?: M. Marc Durand-Viel
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2007:300858.20070208
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