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06/04/2007 | FRANCE | N°298584

France | France, Conseil d'État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 06 avril 2007, 298584


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 et 20 novembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le DEPARTEMENT DE L'ISERE, représenté par le président du conseil général en exercice, domicilié en cette qualité à Hôtel du département, 7 rue Fantin-Latour, BP 1096, Grenoble (38022) ; le DEPARTEMENT DE L'ISERE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 20 octobre 2006 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble, statuant en application de l'article L. 551-

1 du code de justice administrative, a annulé la procédure de passation du...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 et 20 novembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le DEPARTEMENT DE L'ISERE, représenté par le président du conseil général en exercice, domicilié en cette qualité à Hôtel du département, 7 rue Fantin-Latour, BP 1096, Grenoble (38022) ; le DEPARTEMENT DE L'ISERE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 20 octobre 2006 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble, statuant en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, a annulé la procédure de passation du marché relatif à la réalisation d'un itinéraire alternatif à la route départementale RD 1075 sur le territoire de la commune de Morestel ;

2°) réglant l'affaire au titre de la procédure de référé précontractuel engagée par la société PL Favier, de rejeter la demande présentée par cette société devant le tribunal administratif de Grenoble ;

3°) de mettre à la charge de la société PL Favier une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne ;

Vu la directive 2004/18/CE du 31 mars 2004 relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services, ensemble l'arrêt rendu par la Cour de justice des Communautés européennes le 7 octobre 2004 dans l'affaire C-247/02 ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;




Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sibyle Veil, Auditeur,

- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat du DEPARTEMENT DE L'ISERE et de la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat de la société PL Favier,

- les conclusions de M. Nicolas Boulouis, Commissaire du gouvernement ;




Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation des marchés publics (…) et des conventions de délégation de service public./ Les personnes habilitées à agir sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d'être lésées par ce manquement, ainsi que le représentant de l'Etat dans le département dans le cas où le contrat est conclu ou doit être conclu par une collectivité territoriale ou un établissement public local./ Le président du tribunal administratif peut être saisi avant la conclusion du contrat. Il peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre la passation du contrat ou l'exécution de toute décision qui s'y rapporte. Il peut également annuler ces décisions et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations. Dès qu'il est saisi, il peut enjoindre de différer la signature du contrat jusqu'au terme de la procédure et pour une durée maximum de vingt jours… ;

Considérant que le DEPARTEMENT DE L'ISERE se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 20 octobre 2006 par laquelle le juge des référés précontractuels du tribunal administratif de Grenoble, saisi par la société PL Favier, a, par application des dispositions précitées, annulé la procédure de passation du marché relatif à la réalisation d'un itinéraire alternatif à la route départementale RD 1075 sur la commune de Morestel et a enjoint au département, s'il décidait de passer un tel marché, de recommencer intégralement la procédure de passation ;

Sur la mise en oeuvre par le juge des référés précontractuels des pouvoirs qui lui sont conférés par l'article L. 551-1 du code de justice administrative :

Considérant que le juge des référés précontractuels s'est vu conférer par les dispositions précitées de l'article L. 551-1 du code de justice administrative le pouvoir d'adresser des injonctions à l'administration, de suspendre la passation du contrat ou l'exécution de toute décision qui s'y rapporte, d'annuler ces décisions et de supprimer des clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat ; que, dès lors qu'il est régulièrement saisi, il dispose - sans toutefois pouvoir faire obstacle à la faculté, pour l'auteur du manquement, de renoncer à passer le contrat - de l'intégralité des pouvoirs qui lui sont ainsi conférés pour mettre fin, s'il en constate l'existence, aux manquements de l'administration à ses obligations de publicité et de mise en concurrence ; qu'ainsi le juge des référés du tribunal a pu, sans entacher l'ordonnance attaquée d'une erreur de droit, décider, eu égard à la nature du vice entachant la procédure de passation du contrat litigieux, qu'il y avait lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sans qu'y fasse obstacle la circonstance que la société PL Favier se borne à demander la suspension de la procédure, de prononcer l'annulation de cette dernière ;

Sur les autres moyens :

Considérant que, pour annuler la procédure de passation du marché relatif à la réalisation d'un itinéraire alternatif à la route départementale RD 1075 sur la commune de Morestel, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a estimé, sur le fondement de l'article 53 du code des marché publics, que le DEPARTEMENT DE L'ISERE, en retenant le seul critère du prix afin d'apprécier l'offre économiquement la plus avantageuse, avait manqué à ses obligations de mise en concurrence ;

Considérant que le II de l'article 53 du code des marchés publics dispose, dans sa rédaction issue de la loi du 18 janvier 2005, applicable aux faits de l'espèce : Pour attribuer le marché au candidat qui a présenté l'offre économiquement la plus avantageuse, la personne publique se fonde sur divers critères variables selon l'objet du marché, notamment le coût d'utilisation, la valeur technique de l'offre, son caractère innovant, ses performances en matière de protection de l'environnement, ses performances en matière d'insertion professionnelle des publics en difficulté, le délai d'exécution, les qualités esthétiques et fonctionnelles, le service après-vente et l'assistance technique, la date et le délai de livraison, le prix des prestations./ D'autres critères peuvent être pris en compte, s'ils sont justifiés par l'objet du marché./ Si, compte tenu de l'objet du marché, la personne publique ne retient qu'un seul critère, ce critère doit être le prix (…) ;

Considérant que le juge des référés a suffisamment motivé son ordonnance d'une part en écartant le moyen tiré de l'incompatibilité de l'article 53 du code des marchés publics avec la directive susvisée du 31 mars 2004 au motif que cette directive laisse la faculté de retenir le prix comme critère unique de sélection des offres compte tenu de l'objet du marché, d'autre part en relevant un manquement aux obligations de mise en concurrence par le choix du seul critère du prix afin d'apprécier l'offre économiquement la plus avantageuse, eu égard au degré de complexité que présentent les travaux ;

Considérant que les dispositions de l'article 53 de la directive du 31 mars 2004 relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services permettent au pouvoir adjudicateur, pour attribuer un marché public, soit de retenir l'offre économiquement la plus avantageuse en fonction de plusieurs critères liés à l'objet du marché, soit d'attribuer le marché sur le seul fondement du prix le plus bas ; qu'en faisant aussi dépendre de l'objet du marché le recours au seul critère du prix, l'article 53 du code des marchés publics n'a fait que préciser ces dispositions en conformité avec l'objectif de la directive ; que, par suite, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a pu, sans commettre d'erreur de droit, juger que les dispositions du II de l'article 53 du code des marchés publics étaient compatibles avec les objectifs de cette directive ;

Considérant que le juge des référés n'a pas commis d'erreur de droit en recherchant si le choix fait par le DEPARTEMENT DE L'ISERE des critères d'attribution du marché était, compte tenu de l'objet de ce marché, de nature à porter atteinte à ses obligations de mise en concurrence ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que les travaux de réalisation d'un itinéraire alternatif à la route départementale RD 1075 sur la commune de Morestel comprenaient la construction d'un barreau de liaison, d'un carrefour giratoire et d'un ouvrage d'assainissement ; que compte tenu de la complexité de ces travaux, souverainement appréciée par le juge des référés, celui-ci a pu en déduire, sans commettre d'erreur de droit, que le département avait méconnu les dispositions de l'article 53 du code des marchés publics, et ainsi ses obligations de mise en concurrence, en retenant le seul critère du prix pour apprécier l'offre économiquement la plus avantageuse ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le DEPARTEMENT DE L'ISERE n'est pas fondé à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge du DEPARTEMENT DE L'ISERE la somme de 4 000 euros que la société PL Favier demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société PL Favier, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que le DEPARTEMENT DE L'ISERE demande au titre des mêmes frais ;




D E C I D E :
--------------

Article 1er : La requête du DEPARTEMENT DE L'ISERE est rejetée.
Article 2 : Le DEPARTEMENT DE L'ISERE versera à la société PL FAVIER la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au DEPARTEMENT DE L'ISERE et à la société PL FAVIER.


Synthèse
Formation : 7ème et 2ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 298584
Date de la décision : 06/04/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 06 avr. 2007, n° 298584
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: Mme Sibyle Veil
Rapporteur public ?: M. Boulouis
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE ; SCP VIER, BARTHELEMY, MATUCHANSKY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2007:298584.20070406
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