Vu la requête, enregistrée le 19 mars 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Amara A, demeurant ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat :
1°) de suspendre l'exécution de la décision en date du 26 mai 2006 par laquelle le consul de France à Dakar a refusé de délivrer un visa à son épouse ;
2°) d'enjoindre au ministre de délivrer le visa sollicité dans un délai de 15 jours ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
il soutient que sa femme Khadidiatou B, née en 1964 et mariée en 1980, a du repartir au Sénégal en décembre 2003 pour régulariser sa situation ; que le préfet de police de Paris a autorisé le 20 décembre 2004 le regroupement familial de son épouse, et de leurs deux enfants Bouna et Hawa, afin de rejoindre le requérant qui vit régulièrement à Paris, avec leurs quatre autres enfants, Fatoumata, Mamadou, Binou et Soma ; que le consul motive son refus de visa par des incohérences de dates dans les renseignements d'état civil de sa femme et par le fait que son mariage civil n'aurait pas été validé par l'autorité judiciaire ; qu'il a déféré ce refus le 10 juillet 2006 à la commission de recours ; que la condition d'urgence est remplie eu égard à la situation des jeunes enfants séparés de leur mère, plus de deux ans après la décision favorable du préfet ; que la décision du consul est insuffisamment motivée et entachée d'erreurs de fait et d'appréciation ; que les légères incohérences alléguées sont dues à de simples erreurs de retranscription et ne remettent pas en cause l'identité de Mme B, épouse A ; que celle-ci est née le 20 septembre 1964 à Golmy, et non le 18 août ni le 13 mars, et que leur mariage est bel et bien intervenu le 20 décembre 1980 ; que si le jugement d'autorisation en date du 28 août 1983 n'a pu être retrouvé, cette disparition a été régularisée par deux nouveaux jugements d'autorisation intervenus les 3 août et 26 août 2005 ; qu'aucun doute ne peut exister ni sur l'identité de Mme A, ni sur la réalité de ses liens matrimoniaux avec le requérant, ni sur le fait qu'elle est la mère des six enfants nés de cette union ; que la décision litigieuse méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la décision de refus de visa litigieuse ;
Vu, enregistré le 29 mars 2007, le mémoire en défense présenté par le ministre des affaires étrangères, tendant au rejet de la requête par les motifs qu'elle est irrecevable, faute d'être dirigée contre la décision implicite de rejet née le 5 septembre 2006 du silence gardé par la commission de recours, qui s'est substituée à la décision du consul ; que l'absence d'urgence résulte de ce que la requête ne demande pas la suspension du refus de visa opposé aux deux enfants Bouna et Hawa ; que la décision du consul est motivée ; qu'elle n'est entachée d'aucune erreur d'appréciation, eu égard aux doutes qui pèsent sur l'authenticité de l'identité de Mme A et sur la réalité du lien matrimonial qui l'unit à M. A ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. Amara A et d'autre part, le ministre des affaires étrangères ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du 2 avril 2004 à 12 h 30 au cours de laquelle ont été entendus, Me Roger, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour M. A, M. A, une représentante du Secours catholique et le représentant du ministre des affaires étrangères ;
Considérant qu'à l'audience, M. A a rectifié ses conclusions en demandant la suspension de la décision implicite, née le 5 septembre 2006 du silence gardé par la commission de recours sur le recours dont il l'a saisie le 5 juillet 2006, impliquant le refus de délivrer un visa tant à sa femme qu'à leurs deux enfants Bouna et Hawa ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : « quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation..., le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision »
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Amara A, né en 1953 à Kounghany (Sénégal, département de Bakel), a épousé le 20 décembre 1980 Mme Khadidiatou B, née le 20 septembre 1964 à Golmy (Sénégal, département de Bakel) ; qu'ils ont eu ensemble 6 enfants : Fatoumata, née en 1982 à Pikine (Sénégal), Bouna (né le 28 juillet 1986 à Pikine), Mamadou (né en 1988 à Kounghany), Hawa (née le 22 décembre 1990 à Pikine), Bintou (né en 1998 à Paris) et Soma (née le 3 décembre 2003 à Paris) ; que M. A réside régulièrement en France, au moins depuis 1984 ; que son épouse l'y ayant rejoint irrégulièrement dans les années 1990, il a cherché à régulariser la situation ; que pour se conformer aux exigences de la préfecture de police, qui refusait cette régularisation tant que Mme A résiderait en France, celle-ci est repartie pour le Sénégal le 18 décembre 2003, en laissant à Paris son mari, ainsi que Fatoumata, Mamadou, Bintou, et même la petite Soma qui venait de naître ; que par décision du 20 décembre 2004, la préfecture de police a alors autorisé l'introduction en France, au titre du regroupement familial, de Mme A et de ses enfants Bouna et Hawa ; qu'en dépit de cette décision, Mme A et les deux enfants qui vivent avec elle au Sénégal n'ont pu obtenir du consulat de France à Dakar qu'il leur délivre un visa d'entrée en France, cette administration arguant, d'une part, de ce que certaines pièces fournies pour attester l'identité de Mme A indiqueraient une naissance le 18 août ou le 13 mars de 1964 et, d'autre part, de ce que le jugement en date du 28 août 1983 par lequel le tribunal départemental de Pikine a autorisé le mariage de M. et Mme A n'avait pu être retrouvé ; que toutefois, il ressort du dossier, d'une part, que les incertitudes que ces éléments ont pu provoquer sur l'identité de Mme A et sur la réalité de son mariage avec M. A ont été respectivement levées d'abord par un certificat de concordance du consul général du Sénégal à Paris et ensuite par deux nouveaux jugements d'autorisation intervenus les 3 août et 26 août 2005 ; que la préfecture de police, qui avait déjà relevé les légères incohérences susmentionnées, a néanmoins été convaincue par les explications données par l'intéressé ; qu'à l'audience de référé, les explications du requérant ont été confirmées par la déléguée du secours catholique qui suit personnellement les difficultés de son ménage depuis 1996 ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que le consul, puis la commission de recours, auraient commis une erreur d'appréciation en estimant que n'étaient pas établies l'identité et le lien matrimonial de Mme A paraît, en l'état du dossier, de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité des décisions contestées ; que la longueur de la séparation familiale imposée aux intéressés et la durée limitée impartie pour mettre en oeuvre l'autorisation de rapprochement familial établissent l'urgence à suspendre ces décisions ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant qu'il n'appartient pas au juge des référés de prescrire des mesures préjudiciant au principal ; qu'ainsi doit être rejetée la demande tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre de délivrer les visas sollicités ; qu'en revanche il y a lieu d'enjoindre à la commission de recours contre les décisions de refus de visas d'entrée en France de réexaminer les demandes de Mme A et de ses deux enfants Bouna et Hawa dans un délai de quinze jours ;
Sur les conclusions relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, en l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1500 euros demandée par le requérant au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
O R D O N N E :
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Article 1er : L'exécution des décisions par lesquelles la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a tacitement rejeté les recours dont elle a été saisie le 5 juillet 2006 par Mme Khadidiatou B, épouse A, et ses deux enfants Bouna et Hawa A, tendant à l'octroi d'un visa d'entrée en France, est suspendue.
Article 2 : Il est enjoint à cette commission de réexaminer ces recours, dans un délai de quinze jours après la notification de la présente ordonnance.
Article 3 : l'Etat versera à M. Amara A la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Amara A et au ministre des affaires étrangères.