Vu la requête enregistrée le 27 mars 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Francis A, demeurant ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, d'ordonner la communication, dans les dix jours et sous astreinte de 300 euros par jour de retard, des pièces nécessaires à l'exercice des recours contentieux qu'il envisage à la suite de son licenciement, intervenu le 30 mars 2006, de ses fonctions de chef de cuisine à la résidence de l'ambassadeur de France à Washington, et plus particulièrement :
- le rapport établi après la mission d'inspection de l'ambassade de France à Washington en mai 2004 ;
- les éléments issus de l'enquête approfondie conduite sur l'exposant lors de -cette mission d'inspection ;
il demande également que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
il soutient qu'il a été recruté en septembre 1973 et était alors rémunéré par des « arrangements » non officiels ; qu'en fin 1985, il a obtenu un contrat « parisien » ; que le 18 décembre 1995, ce contrat a été placé sous le régime du droit local ; que le 30 mars 2006, l'ambassadeur lui a notifié son licenciement immédiat et sans indemnités, pour fautes graves ; que d'après cette lettre de licenciement, ces prétendues fautes auraient été révélées par une enquête approfondie initiée lors de la mission d'inspection effectuée à Washington en mai 2004 ; ces fautes auraient consisté à utiliser à titre personnel des quantités importantes de nourriture appartenant à la résidence, à faire travailler à titre personnel des agents rémunérés par l'ambassade pour des prestations privées, à utiliser à titre personnel l'argenterie de la résidence, au besoin en fracturant la porte du local où elle est entreposée, et à avoir un comportement raciste et injurieux avec le personnel de l'ambassade ; que pour exercer ses droits de la défense, et en particulier agir en responsabilité devant le juge compétent, il a besoin de connaître les éléments du dossier qu'on lui oppose ; que le dossier que son avocat a pu consulter à la direction des ressources humaines du ministère en septembre 2006, après saisine de la commission d'accès aux documents administratifs (CADA), ne comporte aucun rapport retraçant de l'enquête qui aurait été effectuée par l'inspection générale du ministère et est donc incomplet ;
Vu, enregistré comme ci-dessus le 17 avril 2007, le mémoire en défense produit par le ministre des affaires étrangères, qui tend au rejet de la requête par les motifs qu'un examen des factures de la cuisine de la résidence a révélé l'existence de facturations sur le budget de l'Etat d'activités de traiteur exercées à titre privé par M. A ; qu'aucune enquête disciplinaire n'a été menée ; que le juge administratif n'est pas compétent dès lors que le contrat de travail de M. A était régi par la législation locale ; qu'en tout état de cause, la mesure d'instruction sollicitée ne présente pas le caractère d'utilité auquel l'article R. 532-1 du code de justice administrative subordonne la possibilité de prescrire une mesure d'instruction, eu égard à l'existence de la procédure spécialement instaurée par la loi du 17 juillet 1978 pour contraindre l'administration à communiquer des documents administratifs ; qu'en l'espèce, la CADA a constaté le 28 septembre 2006 que l'intégralité des documents concernant M. A lui avait été communiquée et a donc déclaré sans objet la demande d'avis qu'il lui avait adressée ; qu'il appartient à M. A, qui a présenté devant le tribunal administratif de Paris un recours pour excès de pouvoir contre cet avis, de saisir le juge des référés de ce tribunal d'une demande de suspension fondée sur l'article L. 521-1 du code de justice administrative ; que le rapport de l'inspection générale des affaires étrangères en date du 23 juin 2004 relatif au fonctionnement de l'ambassade de France aux Etats-Unis n'évoque pas la gestion de la cuisine de la résidence ; que ce rapport est communiqué au seul juge des référés, pour qu'il puisse vérifier cette affirmation, sans contradictoire ; que ce sont les travaux de préparation de cette mission d'inspection, effectués par les services de l'ambassade, qui ont révélé les exactions de M. A ; qu'il n'existe aucune urgence à ordonner des mesures d'instruction en l'espèce ;
Vu, enregistré comme ci-dessus le 20 avril 2007, le mémoire en réplique présenté pour M. A, qui tend aux mêmes fins que la requête, et en outre à ce que le juge des référés ordonne que lui soient communiqués :
- toutes pièces établissant l'examen méthodique des factures de la cuisine, auquel il a été procédé à l'occasion de la préparation de la mission d'inspection de 2004 ;
- toutes pièces relatives aux échanges intervenus à cette occasion entre les services de l'ambassade et l'équipe de l'inspection ;
- les comptes de la cuisine auquel fait référence le telex TD Washington 1267 ;
- le justificatif du décompte des convives au cours de chacune des saisons 2003/2004 à 2006/2007 ;
M. A soutient que le juge administratif est compétent pour juger de l'application du contrat qui le liait à l'ambassade ; que la procédure qui avait été engagée devant la CADA n'avait pas le même objet que la présente requête en référé, puisqu'elle portait sur la communication d'un rapport d'enquête disciplinaire ; que le mémoire en défense susvisé, et les pièces qui y sont jointes, notamment le télex TD Washington 1267, démontrent que l'administration possède des pièces qui n'ont pas encore été communiquées au requérant ;
Vu le rapport de la mission menée en mai 2004 par l'inspection générale du ministère dans les services de l'ambassade de France aux Etats-Unis, produit par le ministère des affaires étrangères, et qui n'a pas été communiqué au requérant ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
Vu le décret n° 69-697 du 18 juin 1969, modifié, portant fixation du statut des agents contractuels de l'Etat et des établissements publics de l'Etat à caractère administratif, de nationalité française, en service à l'étranger ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. Francis A, d'autre part, le ministre des affaires étrangères ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du lundi 14 mai 2007 à 12 heures au cours de laquelle ont été entendus :
- Me Gaschignard, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. Francis A ;
- les représentants du ministre des affaires étrangères ;
Considérant que l'ambassadeur de France aux Etats-Unis a notifié le 30 mars 2006 à M. A, alors chef de cuisine à sa résidence, son licenciement immédiat pour fautes graves ; que d'après la lettre de licenciement, ces fautes avaient été relevées par les conclusions d'une enquête approfondie initiée lors de l'inspection générale de mai 2004 ; que M. A a eu ensuite accès à son dossier, qui contenait notamment divers témoignages relatifs aux conditions dans lesquelles il aurait prélevé dans la cuisine de la résidence d'importantes quantités de nourriture pour des réceptions privées qu'il organisait personnellement à l'extérieur, obligé des agents de l'ambassade à travailler pour ces réceptions et utilisé l'argenterie de la résidence, mais qui ne comportait aucun rapport d'enquête ni aucune trace d'une intervention de l'inspection générale du ministère ; que, saisie par M. A aux fins d'obtenir communication du rapport de l'enquête disciplinaire menée à son encontre, la commission d'accès aux documents administratifs a estimé le 2 octobre 2006 que sa demande était sans objet, dès lors que le ministère des affaires étrangères avait déclaré qu'aucun rapport d'enquête disciplinaire n'avait été établi et qu'au nombre des documents déjà communiqués à M. A figuraient tous ceux qu'avait rassemblés l'inspection générale du ministère sur cette affaire ; que M. A a demandé au juge des référés du Conseil d'Etat d'ordonner d'abord la communication du rapport rédigé par l'inspection générale du ministère à l'issue de la mission qu'elle a effectuée à Washington en mai 2004, puis, au vu des indications données en défense par le ministre, celle de divers documents qui, soit retraceraient l'étude comparative menée sur les factures de nourriture et les frais de réception de l'ambassade avant et après son départ, soit décriraient les modalités de l'intervention de l'inspection générale du ministère dans cette affaire ;
Considérant que, eu égard aux termes du décret du 18 juin 1969 modifié susvisé, le Conseil d'Etat n'est pas manifestement incompétent pour juger d'un litige relatif aux conditions dans lesquelles M. A a été licencié ;
Considérant qu'aux termes de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : « Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction » ;
Considérant que sur le fondement de ces dispositions, et quelles que soient les possibilités d'action qu'offre par ailleurs la procédure de demande d'avis à la commission d'accès aux documents administratifs instituée par la loi susvisée du 17 juillet 1978, il peut être demandé au juge des référés du Conseil d'Etat de prescrire la communication des pièces ou informations indispensables pour l'introduction d'une requête que le demandeur envisage de présenter au Conseil d'Etat, telles que la décision à attaquer, ou les pièces du dossier qui eussent dû lui être communiquées avant la sanction disciplinaire qu'il désire contester ; qu'en revanche, il n'appartient pas au juge des référés de prescrire la communication d'autres pièces ou informations, rassemblées par l'administration pour préparer sa défense dans le contentieux annoncé, et que le demandeur pourra consulter lors du débat contradictoire auquel donnera lieu cette requête ;
Considérant qu'il ne résulte pas du dossier que l'administration des affaires étrangères détienne des pièces qui eussent du figurer au dossier personnel de M. A lors de la sanction dont il a fait l'objet et qui ne lui auraient pas encore été communiquées ; qu'en particulier le rapport de la mission menée en mai 2004 par l'inspection générale du ministère dans les services de l'ambassade de France aux Etats Unis, tel que le juge des référés a pu le consulter, ne comporte aucune donnée relative à la gestion des cuisines de la résidence de l'ambassadeur ; que la demande de communication de ce rapport doit donc être rejetée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est en mesure d'introduire l'action en annulation ou en responsabilité qu'il envisage ; que dans ces conditions sa demande portant sur les autres données que l'administration a réunies en vue de ce contentieux éventuel doit également être rejetée ;
Considérant que par voie de conséquence du rejet de la requête, doivent également être rejetées les conclusions présentées par M. A sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de M. Francis A est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Francis A et au ministre des affaires étrangères.