Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 septembre 2005 et 5 janvier 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société QUILLERY MEDITERRANEE, dont le siège social est sis 95, rue Camille Laurens à AIX-EN-PROVENCE (13100) ; la société QUILLERY MEDITERANEE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 30 mai 2005 de la cour administrative d'appel de Marseille réformant le jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 5 avril 2001, en tant que la cour a fait droit aux conclusions d'appel incident de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC) relatives au paiement du solde du marché de restructuration et d'extension de la maison de retraite de Beaurecueil et en tant qu'il ne lui a accordé les intérêts sur les sommes que l'office était condamné à lui payer ainsi que la capitalisation de ces intérêts respectivement qu'aux dates des 31 octobre 1995 et 6 août 1998, et à un taux inférieur à celui auquel elle avait droit ;
2°) de mettre à la charge de l'ONAC la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Denis Prieur, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Didier, Pinet, avocat de la SOCIÉTÉ QUILLERY MEDITERRANEE et de la SCP Vincent, Ohl, avocat de l'office national des anciens combattants et victimes de guerres,
- les conclusions de M. Nicolas Boulouis, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société QUILLERY MEDITERRANEE a passé le 4 septembre 1989 avec l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC) un marché de travaux de restructuration et d'extension d'une maison de retraite ; qu'à la suite de différends apparus à l'occasion du règlement financier du marché, la société QUILLERY MEDITERRANEE a saisi le tribunal administratif de Marseille de conclusions tendant à la condamnation de l'ONAC à lui payer des travaux non prévus au contrat, à la rembourser de frais supplémentaires induits par les retards qu'avait connus le chantier et à lui verser une somme représentative de la revalorisation contractuelle du prix initial du marché ; que, par un jugement du 5 avril 2001, rectifié par une ordonnance du 21 mai 2001, le tribunal a fait droit à certaines des conclusions relatives aux travaux supplémentaires et accordé à la société la revalorisation du prix initial du marché ; que la société a fait appel de ce jugement en tant qu'il rejetait certaines de ses conclusions ; que l'ONAC a formé un appel incident tendant notamment à l'annulation du jugement en tant qu'il avait fait droit à la demande de revalorisation du prix initial du marché ; que, par un arrêt du 30 mai 2005, la cour administrative d'appel de Marseille a fait droit partiellement aux conclusions d'appel de la société et d'appel incident de l'ONAC ; que la société QUILLERY MEDITERRANEE se pourvoit en cassation contre cet arrêt en tant seulement que la cour a fait droit aux conclusions d'appel incident de l'ONAC relatives à la revalorisation du prix initial du marché et qu'elle ne lui a accordé les intérêts sur les sommes que l'office était condamné à lui payer ainsi que la capitalisation de ces intérêts respectivement qu'aux dates des 31 octobre 1995 et 6 août 1998, et à un taux inférieur à celui auquel elle estimait avoir droit ;
Considérant, d'une part, que la société QUILLERY MEDITERRANEE a soulevé devant la cour le moyen tiré de ce que, portant sur un litige distinct de celui faisant l'objet de l'appel principal qu'elle avait elle-même formé et qui ne portait que sur le paiement de travaux supplémentaires, les conclusions d'appel incident de l'ONAC relatives à la revalorisation du prix initial du marché n'étaient pas recevables ; qu'en omettant de répondre à ce moyen, qui n'était pas inopérant, la cour a insuffisamment motivé son arrêt ;
Considérant, d'autre part, que la cour, qui a accordé à la société les intérêts au taux contractuel sur les sommes que l'ONAC était condamné à lui verser, a omis de statuer sur les conclusions de la société tendant à ce que ce taux soit celui qui était en vigueur à la date de signature du marché ;
Considérant, enfin, que si, par son arrêt du 30 mai 2005, la cour a fixé au 31 octobre 1995 la date à compter de laquelle la somme que l'ONAC était condamnée à verser à la société porterait intérêts et au 6 août 1998 celle à laquelle les intérêts échus seraient capitalisés, alors que la société demandait que ces intérêts courent du 13 avril 1992 et soient capitalisés au 5 janvier 1994, elle a, par un arrêt du 6 mars 2006, rectifié ces deux dates dans le sens souhaité par la société ; que, dès lors, les conclusions de cette société dirigées contre l'arrêt en tant qu'il fixait de manière erronée ces deux dates sont devenues sans objet ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société QUILLERY MEDITERRANEE est fondée à demander l'annulation de l'arrêt du 30 mai 2005 en tant qu'il statue sur la revalorisation du prix initial du marché et sur le taux des intérêts moratoires ;
Considérant que, par application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond ;
Considérant que les intérêts moratoires auxquels la société QUILLERY MEDITERRANEE a droit doivent être calculés en appliquant le taux contractuel qui était en vigueur à la date où ils ont commencé à courir, et non à la date de passation du marché ; que, par suite, la société QUILLERY MEDITERRANEE n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement attaqué du tribunal administratif de Marseille en tant qu'il lui accorde les intérêts fixés à ce taux ;
Considérant que les conclusions d'appel incident présentées par l'ONAC tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Marseille le condamnant à payer à la société QUILLERY MEDITERRANEE une somme représentative de la revalorisation contractuelle du prix initial du marché soulèvent un litige distinct de celui sur lequel porte l'appel principal de la société, qui ne contestait ce jugement qu'en tant qu'il statuait sur des travaux supplémentaires et sur des frais de retard ; qu'elles ne sont, par suite, pas recevables et ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société QUILLERY MEDITERRANEE, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande l'ONAC au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de l'ONAC la somme de 5 000 euros que demande la société QUILLERY MEDITERRANEE au titre des mêmes dispositions ;
D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la société QUILLERY MEDITERRANEE dirigées contre l'arrêt du 30 mai 2005 de la cour administrative d'appel de Marseille en tant qu'il fixe les dates auxquelles les intérêts moratoires courront et seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêt.
Article 2 : L'arrêt du 30 mai 2005 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé en tant qu'il a fait droit aux conclusions de l'ONAC tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Marseille le condamnant à payer à la société QUILLERY MEDITERRANEE la somme de 971 754,01 F (148 142,94 euros) représentative de la revalorisation contractuelle du prix initial du marché et en tant qu'il a statué sur le taux des intérêts moratoires sur la somme que l'ONAC était condamnée à lui verser.
Article 3 : Les conclusions d'appel principal de la société QUILLERY MEDITERRANEE tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Marseille en tant qu'il lui accorde les intérêts moratoires au taux contractuel sont rejetées.
Article 4 : Les conclusions d'appel incident de l'ONAC tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Marseille le condamnant à payer à la société QUILLERY MEDITERRANEE la somme de 971 754, 01 F (148 142,94 euros) représentative de la revalorisation contractuelle du prix initial du marché sont rejetées.
Article 5 : L'ONAC versera à la société QUILLERY MEDITERRANEE la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Les conclusions de l'ONAC tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 7 : La présente décision sera notifiée à la société QUILLERY MEDITERRANEE et à l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre.