Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 8 août et 21 novembre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SOCIETE ATELIER DES MAITRES D'ŒUVRE ATMO, domiciliée 75 rue de Lourmel à Paris (75008) et pour la COMPAGNIE LES SOUSCRIPTEURS DU LLOYD'S DE LONDRES, domiciliée 4 rue des Petits Pères à Paris (75002) ; la SOCIETE ATELIER DES MAITRES D'ŒUVRE ATMO et la COMPAGNIE LES SOUSCRIPTEURS DU LLOYD'S DE LONDRES demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 5 juin 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a, à la demande de la société Sneg Fayat et de la SOCIETE ATMO, annulé le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 24 février 2005 les condamnant solidairement à verser au département de la Gironde une indemnité de 84 243,82 euros en réparation des dommages subis lors de la construction d'un centre d'hébergement et de loisirs à Lacanau (Gironde) ;
2°) statuant au fond, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 24 février 2005 et de rejeter la demande du département de la Gironde ;
3°) de mettre pour chacune à la charge du département de la Gironde, la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le décret n° 65-836 du 24 septembre 1965 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Philippe Mettoux, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Peignot, Garreau, avocat de la SOCIETE ATELIER DES MAITRES D'ŒUVRE ATMO et de la COMPAGNIE LES SOUSCRIPTEURS DU LLOYD'S DE LONDRES et de la SCP Monod, Colin, avocat du département de la Gironde,
- les conclusions de M. Nicolas Boulouis, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Peignot, Garreau, avocat de la SOCIETE ATELIER DES MAITRES D'ŒUVRE ATMO et de la COMPAGNIE LES SOUSCRIPTEURS DU LLOYD'S DE LONDRES et à la SCP Monod, Colin, avocat du département de la Gironde ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le département de la Gironde a passé un marché de travaux avec la société Sneg Fayat pour la réalisation d'un centre d'hébergement et de loisirs sur le territoire de la commune de Lacanau, dont il a confié la maitrise d'oeuvre à la SOCIETE ATELIER DES MAITRES D'ŒUVRE ATMO ; que les travaux commencés en 1987 ont fait l'objet de réceptions avec réserve les 10 et 25 juin 1988, lesquelles ont été levées le 15 décembre 1988 ; que postérieurement à cette réception, des désordres sont apparus sur les menuiseries extérieures qui ont fait l'objet de la part du département de la Gironde de plusieurs déclarations de sinistre le 30 juillet 1990 et les 2 avril, 2 mai, 7 novembre et 27 décembre 1991 puis le 22 novembre 1994 auprès de l'assureur de cette collectivité, la SA Sprinks ; qu'en raison de la modicité de l'indemnisation proposée par cette société, le département de la Gironde a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Bordeaux la SA Sprinks pour obtenir d'une part, sa condamnation au paiement d'une provision et d'autre part, l'organisation d'une expertise ; que par ordonnance de référé rendue le 6 octobre 1993 le président de cette juridiction a désigné un expert dont il a défini le champ de l'expertise ; que cette expertise a, par suite, été élargie à la demande de la SA Sprinks aux constructeurs ; que ce n'est que le 10 avril 2000, soit après l'expiration du délai de dix ans, que le département de la Gironde a présenté devant le tribunal administratif de Bordeaux, une action tendant à ce que la responsabilité de la SOCIETE ATELIER DES MAITRES D'ŒUVRE ATMO soit reconnue, sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil ; que la SOCIETE ATELIER DES MAITRES D'ŒUVRE ATMO et son assureur, la COMPAGNIE DES SOUSCRIPTEURS DU LLOYD'S DE LONDRES, se pourvoient contre l'arrêt en date du 5 juin 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a condamné la Société ATMO solidairement avec le constructeur Sneg Fayat à verser au département de la Gironde une indemnité de 60 025,82 euros ;
Considérant qu'aux termes de l'article 2244 du code civil dans sa rédaction alors applicable : Une citation en justice, même en référé, un commandement ou une saisie, signifiés à celui qu'on veut empêcher de prescrire, interrompent la prescription ainsi que les délais pour agir. et de l'article 2270 du même code Toute personne physique ou morale dont la responsabilité peut être engagée en vertu des 1792 à 1792-4 du présent code est déchargée des responsabilités et garanties pesant sur elle, en application des articles 1792 à 1792-2, après dix ans à compter de la réception des travaux ou, en application de l'article 1792-3, à l'expiration du délai visé à cet article. ; qu'il résulte de ces dispositions applicables à la responsabilité décennale des architectes et des entrepreneurs à l'égard des maîtres d'ouvrage publics, qu'une citation n'interrompt la prescription qu'à la double condition d'émaner de celui qui a qualité pour exercer le droit menacé par la prescription et de viser celui-là même qui en bénéficierait ;
Considérant que pour admettre la recevabilité au-delà de l'expiration du délai de dix ans de l'action en garantie décennale engagée par le département de la Gironde, la cour administrative d'appel s'est fondée sur la circonstance que les désordres invoqués avaient fait l'objet dés 1993, dans le cadre de l'action engagée par le département à l'encontre de son assureur dommage-ouvrage devant le tribunal de grande instance de Bordeaux, de citations en justice au sens de l'article 2244 du code civil ayant eu pour effet d'interrompre le délai d'action en garantie décennale à l'encontre des sociétés Sneg Fayat et ATMO ; que, toutefois, ces demandes en référé ont été introduites par le département de la Gironde, maître de l'ouvrage, en raison de désaccords avec son assureur dommages-ouvrage sur le montant de la réparation des désordres constatés ; que si ce dernier a rapidement appelé en garantie, le constructeur, le maître d'oeuvre et leurs assureurs, ceux-ci n'étaient pas directement visés par la citation qui, de ce fait et contrairement à ce qu'a retenu l'arrêt attaqué, n'a pu interrompre la prescription à leur égard ; qu'il suit de là que l'arrêt attaqué est entaché d'erreur de droit ; que la SOCIETE ATELIER DES MAITRES D'ŒUVRE ATMO et la COMPAGNIE LES SOUSCRIPTEURS DU LLOYD'S DE LONDRES sont, pour ce motif, fondées à en demander l'annulation ;
Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;
Considérant qu'une ordonnance de référé a un effet interruptif de prescription à l'égard des seules parties appelées à la procédure initiale, pour les chefs de préjudice procédant du sinistre en litige ;
Considérant que le délai d'action décennale du département de la Gironde à l'égard du constructeur et du maître d'oeuvre a commencé à courir à la date où les réserves ont été levées, soit le 15 décembre 1988, et a donc expiré le 15 décembre 1998 ; que la requête, en date du 10 avril 2000, tendant à leur condamnation au titre de la responsabilité décennale des architectes et des entrepreneurs à l'égard des maîtres d'ouvrage, a été enregistrée le 10 avril 2000, postérieurement à l'expiration du délai décennal ; qu'à défaut de mise en cause du constructeur et du maître d'oeuvre dans la procédure initiale, la prescription décennale relative à l'ouvrage en cause n'a pu être suspendue par les ordonnances du juge des référés du tribunal de grande instance de Bordeaux faisant droit aux demandes de mesure d'instruction présentées avant tout procès ; que le délai de mise en jeu de la garantie décennale étant expiré, la SOCIETE ATELIER DES MAITRES D'ŒUVRE ATMO et la COMPAGNIE LES SOUSCRIPTEURS DU LLOYD'S DE LONDRES sont fondées à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a retenu la responsabilité de la SOCIETE ATELIER DES MAITRES D'ŒUVRE ATMO et de la Sneg Fayat et à demander pour ce motif l'annulation du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 24 février 2005 les condamnant solidairement à verser au département de la Gironde une indemnité de 84 243,82 euros en réparation des dommages subis lors de la construction d'un centre d'hébergement et de loisirs à Lacanau; que la demande présentée à ce titre devant le tribunal administratif doit être rejetée ;
Considérant en outre qu'en l'absence de tout élément apporté par le département de la Gironde de nature à justifier d'un préjudice pour trouble de jouissance et atteinte à l'image de cette collectivité, les requérantes sont aussi fondées à soutenir que c'est à tort que le jugement du tribunal administratif les a condamnées à lui verser la somme de 5 000 euros à ce titre ; que la demande d'indemnisation présentée par le département de la Gironde doit ainsi être rejetée ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SOCIETE ATELIER DES MAITRES D'ŒUVRE ATMO qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante la somme que demande le département de la Gironde au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu de mettre à la charge du département de la Gironde la somme de 2 500 euros chacune au titre des frais exposés au même titre par la SOCIETE ATELIER DES MAITRES D'ŒUVRE ATMO et par la COMPAGNIE LES SOUSCRIPTEURS DU LLOYD'S DE LONDRES ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 5 juin 2007 de la cour administrative d'appel de Bordeaux et le jugement du 24 février 2005 du tribunal administratif de Bordeaux sont annulés ;
Article 2 : La demande présentée par le département de la Gironde devant le tribunal administratif de Bordeaux est rejetée.
Article 3 : Les conclusions du département de la Gironde présentées devant le Conseil d'Etat tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le département de la Gironde versera la somme de 2 500 euros à la SOCIETE ATELIER DES MAITRES D'ŒUVRE ATMO et à la COMPAGNIE LES SOUSCRIPTEURS DU LLOYD'S DE LONDRES au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE ATELIER DES MAITRES D'ŒUVRE ATMO, à la COMPAGNIE LES SOUSCRIPTEURS DU LLOYD'S DE LONDRES et au département de la Gironde.