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02/06/2010 | FRANCE | N°301817

France | France, Conseil d'État, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 02 juin 2010, 301817


Vu l'arrêt du 8 février 2007, enregistré le 20 février 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi présenté à cette cour pour M. Marcel A et M. Claude B ;

Vu le pourvoi, enregistré au greffe de la cour administrative d'appel de Versailles le 14 décembre 2005, présenté pour M. Marcel A et pour M. Claude B élisant domicile en leur cabinet, ... ; M. A et M. B demandent au Conseil d'Etat :

1°)

d'annuler le jugement du 18 octobre 2005 par lequel le tribunal administr...

Vu l'arrêt du 8 février 2007, enregistré le 20 février 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi présenté à cette cour pour M. Marcel A et M. Claude B ;

Vu le pourvoi, enregistré au greffe de la cour administrative d'appel de Versailles le 14 décembre 2005, présenté pour M. Marcel A et pour M. Claude B élisant domicile en leur cabinet, ... ; M. A et M. B demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 18 octobre 2005 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande tendant, d'une part, à titre principal, à la décharge de la taxe locale d'équipement, de la taxe complémentaire à la taxe locale d'équipement et de la taxe départementale pour le financement des dépenses des conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement, auxquelles ils ont été assujettis pour un montant de 378 598 F (57 717 euros) majoré des intérêts de droit, à titre subsidiaire, de condamner l'Etat à leur verser la somme de 57 717 euros, majorée des intérêts de droit, en réparation du préjudice qu'ils ont subi du fait de leur assujettissement auxdites taxes et, d'autre part, de condamner l'Etat à leur verser la somme de 6 330 euros, majorée des intérêts de droit, à titre d'indemnité complémentaire ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur demande de décharge des taxes acquittées ;

3°) de condamner l'Etat à leur verser la somme de 8 171, 42 euros au titre des frais payés en sus des taxes d'urbanisme, avec intérêts de droit à compter du 26 décembre 2002, capitalisés à compter du 19 mars 2004 ;

4°) de condamner l'Etat à leur verser la somme de 6 329,99 euros au titre des frais d'avocat exposés précédemment pour faire établir l'identité du bénéficiaire des permis de construire, faits générateurs des taxes en litige, avec intérêts de droit à compter du 26 décembre 2002, capitalisés à compter du 19 mars 2004 ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Frédéric Boudier, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,

- les observations de Me Bertrand, avocat de M. A,

- les conclusions de Mme Claire Legras, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à Me Bertrand, avocat de M. A ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A et M. B, architectes, ont obtenu en leur nom des permis de construire portant sur onze habitations individuelles à Athis-Mons ; qu'ayant été assujettis à la taxe locale d'équipement, à la taxe de 1 % complémentaire à la taxe locale d'équipement versée à la région d'Ile-de-France et à la taxe départementale pour le financement des dépenses des conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement prévus à l'article 8 de la loi du 3 janvier 1977, ils ont saisi du rejet de leur réclamation le tribunal administratif de Versailles qui, par jugement du 20 décembre 1994, a rejeté leur demande ; que, statuant sur la question préjudicielle soumise, à la suite d'un jugement du tribunal de grande instance d'Evry du 23 décembre 1996, par MM. A et B au tribunal administratif de Versailles, ce dernier, par jugement du 9 juillet 2002, a jugé que le bénéficiaire des permis était M. C, le propriétaire des terrains ; qu'ils ont alors présenté une nouvelle réclamation tendant à obtenir le dégrèvement des taxes mentionnées ci-dessus ; que cette réclamation ayant été rejetée par décision du 22 janvier 2004, MM. A et B ont saisi le tribunal administratif de Versailles qui, par jugement du 18 octobre 2005, a rejeté leur demande tendant, à titre principal, à la décharge des taxes mises à leur charge, en droits, pénalités et intérêts de retard, pour un montant de 378 598 F, à titre subsidiaire au versement d'une indemnité de 378 598 F, d'une indemnité de 6 330 euros au titre des frais d'avocat exposés, assortis des intérêts de droit capitalisés ; que, par arrêt du 8 février 2007, la cour administrative d'appel de Versailles a transmis au Conseil d'Etat le pourvoi présenté par MM. A et B à l'encontre de ce jugement ;

En ce qui concerne les conclusions tendant à l'annulation du jugement en tant qu'il se prononce sur les conclusions principales tendant à la décharge de la taxe locale d'équipement, de la taxe de 1 % complémentaire à la taxe locale d'équipement versée à la région d'Ile-de-France et de la taxe départementale pour le financement des dépenses des conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement :

Sur les conclusions présentées par M. A :

Considérant qu'il ressort des motifs du jugement du tribunal administratif de Versailles du 20 décembre 1994 que la demande de MM. A et B en date du 17 décembre 1990 tendant à la décharge des taxes mentionnées ci-dessus a été rejetée en raison de son caractère prématuré ; que, dès lors, en opposant l'autorité de la chose jugée par cette décision à la demande de MM. A et B du 19 mars 2004 tendant à la décharge des mêmes taxes, les premiers juges ont entaché leur jugement d'erreur de droit ; que M. A est fondé à en demander l'annulation ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant qu'aux termes de l'article 406 nonies de l'annexe III au code général des impôts : Les réclamations des redevables de la taxe locale d'équipement sont recevables jusqu'au 31 décembre de la deuxième année suivant celle du versement ou de la mise en recouvrement de la taxe. / Dans les situations définies à l'article 1723 quinquies du code général des impôts les réclamations sont recevables jusqu'au 31 décembre de la deuxième année suivant celle soit de la péremption du permis de construire soit de la démolition des constructions en vertu d'une décision de justice soit de la modification apportée au permis de construire ou à l'autorisation tacite de construire (...) ; qu'aux termes de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales : Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts, doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : (...) / c) De la réalisation de l'événement qui motive la réclamation (...) ;

Considérant que les permis de construire, ainsi qu'il a été dit, ont été délivrés à MM. A et B conformément à leur demande ; que l'administration pouvait, dès lors, les regarder comme redevables des taxes en cause ; qu'ils ont contesté cet assujettissement et ont saisi du rejet de leur réclamation le tribunal administratif de Versailles qui, par jugement du 20 décembre 1994, a rejeté leur demande ; que MM. A et B ont alors saisi le tribunal de grande instance d'Evry pour obtenir le remboursement des taxes acquittées soit du promoteur, propriétaire des terrains à la délivrance des permis de construire, soit des acquéreurs ultérieurs de lots ; que l'administration a rejeté le 22 janvier 2004 la nouvelle réclamation formée par MM. A et B après que le tribunal administratif de Versailles eut indiqué par un jugement du 9 juillet 2002, en réponse à la question préjudicielle posée par jugement du tribunal de grande instance d'Evry du 23 décembre 1996, que le promoteur était le bénéficiaire des permis de construire ; que l'article 406 nonies de l'annexe III au code général des impôts prévoit, après l'expiration du délai de réclamation que cet article fixe, que lorsque le redevable n'a pas été en mesure de donner suite à l'autorisation de construire dont il est bénéficiaire, celui-ci peut former une réclamation pour obtenir le dégrèvement des taxes mises à sa charge ; qu'il est constant que la réclamation présentée le 24 décembre 2002 par MM. A et B l'a été après l'expiration des délais prévus à l'article 406 nonies de l'annexe III au code général des impôts, sans que le jugement du 9 juillet 2002 se prononçant sur une question préjudicielle relative au bénéficiaire des permis de construire puisse être regardé comme un événement motivant la réclamation au sens de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales ; que le ministre est, dès lors fondé à soutenir que la demande de M. A est irrecevable en raison de la tardiveté de sa réclamation ;

Sur les conclusions présentées par M. B :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 432-1 du code de justice administrative : La requête et les mémoires des parties doivent, à peine d'irrecevabilité, être présentés par un avocat au Conseil d'Etat. / Leur signature par l'avocat vaut constitution et élection de domicile chez lui ; que l'irrecevabilité tirée de la présentation d'un pourvoi sans le ministère d'avocat au Conseil d'Etat ne peut être opposée à des conclusions soumises à cette obligation que si le requérant a été invité à régulariser son pourvoi ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'après le rejet de sa demande d'aide juridictionnelle, M. B a été invité à régulariser sa situation par une mise en demeure du 7 juillet 2009, mais que M. B n'a pas constitué d'avocat au Conseil d'Etat ; que, par suite, les conclusions de M. B ne sont pas recevables et doivent être rejetées ;

En ce qui concerne les conclusions tendant à l'annulation du jugement en tant qu'il se prononce sur les conclusions tendant au versement d'indemnités :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-13 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable à la date du jugement : Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin (...) statue en audience publique et après audition du commissaire du gouvernement : (...) / 5° Sur les recours relatifs aux taxes syndicales et aux impôts locaux autres que la taxe professionnelle ; (...) / 7° Sur les actions indemnitaires, lorsque le montant des indemnités demandées est inférieur au montant déterminé par les articles R. 222-14 et R. 222-15 (...) ; que ce montant est fixé à 10 000 euros par l'article R. 222-14 ; qu'aux termes de l'article R. 811-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction résultant de l'article 11 du décret du 24 juin 2003 et applicable aux décisions des tribunaux administratifs rendues à compter du 1er septembre 2003 en application de l'article 14 du même décret : (...) dans les litiges énumérés aux 1°, 4°, 5°, 6°, 7°, 8° et 9° de l' article R. 222-13, le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort (...) ;

Considérant que le montant des sommes demandées, à titre subsidiaire, s'élève aux sommes de 378 598 F (57 717 euros) et de 6 330 euros ; que ces montants excèdent ceux pour lesquels l'article R. 811-1 du code de justice administrative ne prévoit pas d'appel ; que ces conclusions relèvent ainsi de la compétence de la cour administrative d'appel de Versailles ; que, par suite, c'est à tort que la cour a renvoyé ces conclusions au Conseil d'Etat ; que son arrêt doit être annulé dans cette mesure ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, en l'espèce, la partie perdante, le versement de la somme que M. A demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Versailles du 18 octobre 2005 est annulé en tant qu'il rejette la demande de M. A tendant à la décharge de la taxe locale d'équipement, de la taxe de 1 % complémentaire à la taxe locale d'équipement versée à la région d'Ile-de-France et de la taxe départementale pour le financement des dépenses des conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement.

Article 2 : La demande en décharge de ces mêmes taxes présentée par M. A devant le tribunal administratif de Versailles est rejetée.

Article 3 : Le pourvoi de M. B est rejeté en tant qu'il demande l'annulation du jugement du tribunal administratif de Versailles du 18 octobre 2005 rejetant sa demande en décharge de ces mêmes taxes.

Article 4 : L'arrêt de la cour administrative de Versailles du 8 février 2007 est annulé en tant qu'il transmet au Conseil d'Etat les conclusions de la requête de MM. A et B dirigées contre le jugement du 18 octobre 2005 du tribunal administratif de Versailles en tant qu'il rejette leurs demandes d'indemnités.

Article 5 : Les conclusions du pourvoi tendant à l'annulation du jugement du 18 octobre 2005 du tribunal administratif de Versailles en tant qu'il rejette les conclusions à fins d'indemnité sont renvoyées à la cour administrative d'appel de Versailles.

Article 6 : Le surplus des conclusions du pourvoi de M. A est rejeté.

Article 7 : La présente décision sera notifiée à M. Marcel A, à M. Claude B et au ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.


Synthèse
Formation : 9ème et 10ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 301817
Date de la décision : 02/06/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - RÈGLES DE PROCÉDURE CONTENTIEUSE SPÉCIALES - RÉCLAMATIONS AU DIRECTEUR - DÉLAI - RÈGLES SPÉCIFIQUES À LA TAXE LOCALE D'ÉQUIPEMENT (ART - 406 NONIES DE L'AN - III AU CGI) - APPLICATION EXCLUANT CELLE DES RÈGLES GÉNÉRALES ROUVRANT UN DÉLAI EN CAS D'ÉVÉNEMENT MOTIVANT UNE RÉCLAMATION (ART - R - 196-1 - C DU LPF) - ABSENCE [RJ1].

19-02-02-02 Les dispositions de l'article 406 nonies de l'annexe III au code général des impôts (CGI) fixent des conditions de délais aux réclamations que les contribuables peuvent déposer pour contester les montants de taxe locale d'équipement mis à leur charge. Leur application n'est pas exclusive de celle des dispositions du c) de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales (LPF) prévoyant, s'agissant des impôts autres que les impôts directs locaux et leurs taxes annexes, qu'une réclamation peut être présentée jusqu'au 31 décembre de la deuxième année suivant celle au cours de laquelle intervient l'événément qui motive cette réclamation.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOSITIONS LOCALES AINSI QUE TAXES ASSIMILÉES ET REDEVANCES - TAXES ASSIMILÉES - TAXE LOCALE D'ÉQUIPEMENT - RÈGLES SPÉCIFIQUES RELATIVES AUX DÉLAIS DE RÉCLAMATION (ART - 406 NONIES DE L'AN - III AU CGI) - APPLICATION EXCLUANT CELLE DES RÈGLES GÉNÉRALES ROUVRANT UN DÉLAI EN CAS D'ÉVÉNEMENT MOTIVANT UNE RÉCLAMATION (ART - R - 196-1 - C DU LPF) - ABSENCE [RJ1].

19-03-05-02 Les dispositions de l'article 406 nonies de l'annexe III au code général des impôts (CGI) fixent des conditions de délais aux réclamations que les contribuables peuvent déposer pour contester les montants de taxe locale d'équipement mis à leur charge. Leur application n'est pas exclusive de celle des dispositions du c) de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales (LPF) prévoyant, s'agissant des impôts autres que les impôts directs locaux et leurs taxes annexes, qu'une réclamation peut être présentée jusqu'au 31 décembre de la deuxième année suivant celle au cours de laquelle intervient l'événément qui motive cette réclamation.


Références :

[RJ1]

Rappr. 17 décembre 2003, Min. c/ Mme Rado, n°s 237044 237045, T. pp. 771-899.


Publications
Proposition de citation : CE, 02 jui. 2010, n° 301817
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Frédéric Boudier
Rapporteur public ?: Mme Legras Claire
Avocat(s) : BERTRAND

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:301817.20100602
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