Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 avril et 14 août 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SNC D'ARBOIS, dont le siège est 174 rue Chesney à Sallanches (74700) ; la SNC D'ARBOIS demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'article 2 de l'arrêt du 16 février 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 6 avril 2000 du tribunal administratif de Grenoble rejetant sa demande de remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée déductible dont elle disposait à l'expiration du mois d'octobre 1993 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Frédéric Boudier, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de la SNC D'ARBOIS,
- les conclusions de Mme Claire Legras, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de la SNC D'ARBOIS ;
Considérant que la SNC D'ARBOIS, qui exerçait une activité d'hôtellerie et de restauration à Sallanches (Haute-Savoie), avant d'être placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de grande instance de Bonneville du 1er décembre 1993, demande l'annulation de l'arrêt par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 6 avril 2000 rejetant comme irrecevable sa contestation du rejet par l'administration de trois demandes de remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée dont elle estimait disposer au 31 octobre 1993 à concurrence d'une somme de 2 772 487 F, formulées respectivement les 18 novembre 1993, 18 janvier 1994 et 10 décembre 1996 ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens du pourvoi ;
Considérant qu'aux termes du IV de l'article 271 du code général des impôts : La taxe déductible dont l'imputation n'a pu être opérée peut faire l'objet d'un remboursement dans les conditions, selon les modalités et dans les limites fixées par décret en Conseil d'Etat ; qu'aux termes de l'article 242-0A de l'annexe II au même code, pris sur le fondement de l'article 271 précité : Le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée déductible dont l'imputation n'a pu être opérée doit faire l'objet d'une demande des assujettis. Le remboursement porte sur le crédit de taxe déductible constaté au terme de chaque année civile ; qu'aux termes de l'article 242-0C de la même annexe, dans sa rédaction applicable dans la présente affaire : I. 1. Les demandes de remboursement doivent être déposées au cours du mois de janvier (...). / II. 1. Par dérogation aux dispositions du I, une demande de remboursement peut être déposée au titre de chaque trimestre civil lorsque chacune des déclarations de ce trimestre fait apparaître un crédit de taxe déductible. La demande de remboursement est déposée au cours du mois suivant le trimestre considéré (...) ; qu'enfin, aux termes de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales : Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts, doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon les cas : (...) / b) Du versement de l'impôt contesté lorsque cet impôt n'a pas donné lieu à l'établissement d'un rôle ou à la notification d'un avis de mise en recouvrement ; / c) De la réalisation de l'événement qui motive la réclamation (...) ; qu'il résulte de ces textes que les demandes de remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée sont des réclamations régies par les articles 242-0A et suivants de l'annexe II au code général des impôts, sans faire obstacle à ce qu'elles puissent être également faites, en l'absence de toute précision apportée par les textes relatifs à la taxe sur la valeur ajoutée, en application des dispositions de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales ;
Considérant que la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté pour tardiveté de la demande de première instance la contestation par la SNC D'ARBOIS des décisions de rejet du 3 janvier 1994 et du 18 mars 1994 opposées par l'administration aux demandes de remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée dont la société estimait disposer au 31 octobre 1993 ; que la cour a rejeté, pour tardiveté de la réclamation, la contestation de la décision de rejet du 29 avril 1997 opposée à la demande du 10 décembre 1996 ; qu'en estimant que la demande de la SNC D'ARBOIS du 10 décembre 1996 avait le caractère d'une demande de remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée et en en déduisant qu'elle était tardive au regard des dispositions précitées du b) de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales, sans égard pour celles des articles 242-0A et 242-0C de l'annexe II au code général des impôts, la cour a commis une erreur de droit ; que l'article 2 de son arrêt, qui porte sur le droit à remboursement d'un seul et même crédit de taxe sur la valeur ajoutée, doit, pour ce motif, être annulé ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
Sur les conclusions relatives aux décisions de rejet des 3 janvier et 18 mars 1994 :
Considérant qu'aux termes de l'article 152 de la loi du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises, alors en vigueur : Le jugement qui prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens même de ceux qu'il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n'est pas clôturée. Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur (...) ; qu'aux termes de l'article L. 199 du livre des procédures fiscales : En matière d'impôts directs et de taxes sur le chiffre d'affaires ou de taxes assimilées, les décisions rendues par l'administration sur les réclamations contentieuses et qui ne donnent pas entière satisfaction aux intéressés peuvent être portées devant le tribunal administratif (...) ; qu'aux termes de l'article R. 199-1 du même code : L'action doit être introduite devant le tribunal compétent dans le délai de deux mois à partir du jour de la réception de l'avis par lequel l'administration notifie au contribuable la décision prise sur la réclamation, que cette notification soit faite avant ou après l'expiration du délai de six mois prévu à l'article R. 198-10 (...) ; que les règles posées par l'article 152 de la loi du 25 janvier 1985 ne sont édictées que dans l'intérêt des créanciers ; que, dès lors, seul le liquidateur peut s'en prévaloir pour exciper de l'irrecevabilité du dirigeant de la société dont la liquidation judiciaire a été prononcée à se pourvoir en justice ou à poursuivre une instance en cours ; que, faute pour le liquidateur d'avoir contesté la recevabilité de la réclamation adressée par le gérant de la SNC D'ARBOIS à l'administration fiscale, celle-ci doit être regardée comme régulièrement formée ; que, par suite, la notification régulière le 21 janvier et le 23 mars 1994 à la SNC D'ARBOIS des deux décisions motivées du directeur des services fiscaux de Haute-Savoie rejetant les demandes de remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée de la SNC D'ARBOIS formulées par le gérant le 18 novembre 1993 et le 18 janvier 1994 a fait courir le délai de deux mois imparti au contribuable par les dispositions de l'article R. 199-1 du livre des procédures fiscales pour saisir le tribunal administratif, et, ce, alors même que l'administration connaissait l'existence de la liquidation judiciaire en cours et n'aurait pas notifié ces décisions au liquidateur ; qu'ainsi, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Grenoble a jugé que la demande dont il avait été saisi le 3 juin 1997 était tardive pour les deux décisions de rejet des 3 janvier et 18 mars 1994 ;
Sur les conclusions relatives à la décision du 29 avril 1997 :
Considérant que, par son courrier du 10 décembre 1996, après avoir invoqué l'intervention du jugement du 21 décembre 1994 du tribunal de grande instance de Bonneville, dont il n'est pas contesté qu'il soit devenu définitif, prononçant la confusion du patrimoine des treize sociétés dirigées par son gérant comme étant de nature à permettre la déduction ou le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée, le gérant de la SNC D'ARBOIS a demandé à l'administration de réviser sa position sans apporter d'autres précisions ; que cette demande est tardive au regard des dispositions de l'article 242-0C de l'annexe II au code général des impôts ; qu'en tout état de cause, la confusion de patrimoine invoquée ne constitue pas un événement au sens du c) de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales ; que, par suite, la SNC D'ARBOIS n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 29 avril 1997 ;
Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente affaire, la partie perdante, le versement de la somme demandée par la SNC D'ARBOIS au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'article 2 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 16 février 2006 est annulé.
Article 2 : La requête présentée par la SNC D'ARBOIS devant la cour administrative d'appel de Lyon et ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SNC D'ARBOIS et au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat.