Vu, 1° sous le n° 347360, la requête, enregistrée le 9 mars 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par l'association BUTTE PAILLADE 91, dont le siège social est 59, rue André Puig-Aubert, résidence Jean Prat, appartement 21 à Montpellier (34070) ; l'association BUTTE PAILLADE 91 demande au juge des référés du Conseil d'Etat :
1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension du décret du 31 janvier 2011 portant suspension d'activité de l'association BUTTE PAILLADE 91 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
elle soutient que l'atteinte portée à l'exercice de la liberté d'association est, par principe, constitutive d'une situation d'urgence ; que la condition d'urgence est remplie dès lors que le championnat de France de Ligue 1 est en cours, qu'il reste 13 matches à jouer et que le Montpellier Hérault Sport Club doit disputer la finale de la coupe de la Ligue le 23 avril 2011 ; qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité de l'acte attaqué ; que le décret litigieux viole l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, qui est méconnu par l'article R. 332-11 du code du sport, en ce que ses représentants n'ont pas été informés de leur droit de se faire assister d'un conseil ou de leur droit de se faire représenter par un mandataire ; qu'il existe un vice de procédure en raison de l'absence de transmission fidèle de ses observations formulées à la Commission nationale consultative de prévention des violences lors des manifestations sportives ; que le décret contesté contrevient aux dispositions de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 dès lors que le document joint au courrier de la commission, intitulé exposé des griefs qui l'informe de l'intention de suspendre ses activités, n'est ni daté, ni signé et ne mentionne ni son auteur ni sa provenance ; que le décret contesté est entaché d'erreurs de fait, tant dans leur exactitude matérielle que dans leur qualification juridique ; que la mesure de suspension de quatre mois de son activité est disproportionnée dès lors que, d'une part, le risque de trouble à l'ordre public est très hypothétique et que, d'autre part, la sévérité de la sanction privera ses membres de matches pour une durée réelle de six mois ;
Vu le décret du 31 janvier 2011 dont la suspension est demandée ;
Vu la copie de la requête en annulation ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 31 mars 2011, présenté par l'association BUTTE PAILLADE 91, qui produit copie de la délibération de son assemblée générale du 25 mars 2011 ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 1er avril 2011, présenté par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie dès lors que l'association BUTTE PAILLADE 91 a tardé à contester le décret du 31 janvier 2011 ; que la suspension temporaire pour une durée de quatre mois de l'activité de l'association ne suffit pas à présumer l'urgence ; que les dispositions du premier alinéa de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ne sauraient utilement être invoquées dès lors qu'il existe une procédure contradictoire particulière applicable aux suspensions d'activités susceptibles de frapper les associations ayant pour objet le soutien à une association sportive ; qu'il n'était tenu ni d'informer l'association de sa faculté de présenter des observations écrites, ni de lui adresser la lettre par laquelle ses services ont saisi le président de la Commission nationale consultative de prévention des violences lors des manifestations sportives ; que l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 n'est pas applicable ; que la matérialité et l'imputabilité des faits du 20 février 2010, du 7 août 2010, du 18 septembre 2010 et du 8 janvier 2011 aux membres de l'association BUTTE PAILLADE 91 sont avérés ; que la mesure de suspension n'est pas disproportionnée dès lors que les membres de l'association BUTTE PAILLADE 91 ont commis des actes de violence de façon régulière et répétée, tout au long de la saison, en déplacement comme à domicile ;
Vu, 2° sous le n° 348041, la requête, enregistrée le 31 mars 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Cyril A, demeurant ... ; M. A reprend les mêmes conclusions et les mêmes moyens que ceux exposés par l'association BUTTE PAILLADE 91 sous le n° 347360 ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 6 avril 2011, présenté par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, qui conclut au rejet de la requête pour les mêmes motifs que ceux exposés sous le n° 347360 ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code du sport ;
Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, l'association BUTTE PAILLADE 91 et M. A et, d'autre part le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration ;
Vu le procès-verbal de l'audience du 7 avril 2011 à 10 heures, au cours de laquelle ont été entendus :
- Me Ricard, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de l'association BUTTE PAILLADE 91 et de M. A ;
- le représentant du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, qui a produit une nouvelle pièce ;
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;
Considérant que les requêtes de l'association BUTTE PAILLADE 91 et de M. A demandent la suspension du même décret ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule ordonnance ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 332-18 du code du sport : Peut être dissous ou suspendu d'activité pendant douze mois au plus par décret, après avis de la Commission nationale consultative de prévention des violences lors des manifestations sportives, toute association ou groupement de fait ayant pour objet le soutien à une association sportive mentionnée à l'article L. 122-1, dont des membres ont commis en réunion, en relation ou à l'occasion d'une manifestation sportive, des actes répétés ou un acte d'une particulière gravité et qui sont constitutifs de dégradations de biens, de violence sur des personnes ou d'incitation à la haine ou à la discrimination contre des personnes à raison de leur origine, de leur orientation sexuelle, de leur sexe ou de leur appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée. / Les représentants des associations ou groupements de fait et les dirigeants de club concernés peuvent présenter leurs observations à la commission (...) ;
Considérant que sur le fondement de ces dispositions, le Premier ministre a, par décret du 31 janvier 2011, suspendu pour une durée de quatre mois l'activité de l'association BUTTE PAILLADE 91, ayant pour objet de soutenir moralement le Montpellier Hérault Sport Club ; que cette association et son président, M. A, demandent au juge des référés de suspendre l'exécution de ce décret ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment de rapports et procès-verbaux de police, de jugements correctionnels, de documents photographiques et de la délibération de l'assemblée générale de l'association du 25 mars 2011, qui concernent tant les faits que la qualité de membre de l'association, que des membres de l'association BUTTE PAILLADE 91 ont commis en réunion le 20 février 2010, à l'occasion du déplacement du Montpellier Hérault Sport Club à Saint-Etienne, le 7 août 2010, à l'occasion du déplacement à Montpellier du Football Club des Girondins de Bordeaux et le 8 janvier 2011, à l'occasion du déplacement du Montpellier Hérault Sport Club à Reims, des actes de violences à l'égard de personnes, ainsi que, le 18 septembre 2010, à l'occasion du déplacement du Montpellier Hérault Sport Club à Saint-Etienne, des actes de dégradation de biens ; que les actes commis au centre ville de Reims le 8 janvier 2011, comportant des violences sur fonctionnaires de police intervenus pour protéger des personnes agressées, sont d'une particulière gravité ; qu'eu égard à ces éléments et aux conséquences de la mesure de suspension, les moyens tirés de ce que le décret contesté serait entaché d'erreurs de fait, de qualification juridique et de disproportion ne paraissent pas de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de ce décret ; qu'aucun des autres moyens présentés par les requérants ne paraît de nature, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux quant à la légalité du décret ; qu'il y a lieu, par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition d'urgence, de rejeter les requêtes de l'association BUTTE PAILLADE 91 et de M. A, y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
O R D O N N E :
------------------
Article 1er : Les requêtes de l'association BUTTE PAILLADE 91 et de M. A sont rejetées.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à l'association BUTTE PAILLADE 91, à M. Cyril A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.