Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 12 janvier et 12 avril 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE MARMANDE (Lot-et-Garonne), représentée par son maire ; la COMMUNE DE MARMANDE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 09BX00279 du 27 octobre 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a, d'une part, annulé le jugement n° 0702910 du 23 décembre 2008 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a condamné l'Etat à lui payer la somme de 66 676,22 euros en réparation du préjudice qu'elle affirme avoir subi du fait du transfert illégal de la gestion des passeports et des cartes nationales d'identité, et, d'autre part, jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur sa demande devant ce tribunal ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution, notamment son article 61-1 ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble son premier protocole additionnel ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008, notamment son article 103 ;
Vu le décret n° 99-973 du 25 novembre 1999 ;
Vu le décret n° 2001-185 du 26 février 2001 ;
Vu la décision du 8 juillet 2010 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux a renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la COMMUNE DE MARMANDE ;
Vu la décision n° 2010-29/37 QPC du 22 septembre 2010 du Conseil constitutionnel ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Christine Allais, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Monod, Colin, avocat de la COMMUNE DE MARMANDE et de la SCP Peignot, Garreau, avocat du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration,
- les conclusions de M. Edouard Geffray, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Monod, Colin, avocat de la COMMUNE DE MARMANDE et à la SCP Peignot, Garreau, avocat du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration,
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les dispositions de l'article 4 du décret du 25 novembre 1999 modifiant le décret du 22 octobre 1955 instituant la carte nationale d'identité et de l'article 7 du décret du 26 février 2001 relatif aux conditions de délivrance et de renouvellement des passeports, ont eu pour effet d'imposer aux communes des dépenses, qui relevaient auparavant de l'Etat, pour la gestion des demandes de cartes nationales d'identité et de passeports ; que, par un jugement du 23 décembre 2008, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné l'Etat à verser à la COMMUNE DE MARMANDE une indemnité d'un montant de 66 676,22 euros en réparation du préjudice subi par cette commune du fait de l'illégalité de la mise à sa charge de ces dépenses ; que, par un arrêt du 27 octobre 2009, contre lequel la commune se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Bordeaux, faisant application de l'article 103 de la loi du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008, a annulé ce jugement et dit qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la demande de la commune devant le tribunal administratif ;
Considérant qu'aux termes de l'article 103 de la loi du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008 : I. - Après l'article L. 1611-2 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 1611-2-1 ainsi rédigé / Article L. 1611-2-1. - Dans le cadre des missions confiées aux maires en tant qu'agents de l'Etat, les communes assurent la réception et la saisie des demandes de cartes nationales d'identité et de passeports ainsi que la remise aux intéressés de ces titres. / II. - Sous réserve des décisions passées en force de chose jugée, les communes ne peuvent se prévaloir, sur le fondement de l'incompétence du pouvoir réglementaire à mettre à leur charge les dépenses résultant, postérieurement au 25 novembre 1999, de l'exercice par les maires des missions de réception et de saisie des demandes de cartes nationales d'identité ainsi que de remise aux intéressés de ces titres, d'un préjudice correspondant à ces dépenses. /Sous réserve des décisions passées en force de chose jugée, les communes ne peuvent se prévaloir, sur le fondement de l'incompétence du pouvoir réglementaire à mettre à leur charge les dépenses résultant, postérieurement au 26 février 2001, de l'exercice par les maires des missions de réception et de saisie des demandes de passeports ainsi que de remise aux intéressés de ces titres, d'un préjudice correspondant à ces dépenses. / III. - En contrepartie de l'application du II, une dotation exceptionnelle est attribuée aux communes au titre de l'indemnisation des charges résultant pour elles, jusqu'au 31 décembre 2008, de l'application du décret n° 99-973 du 25 novembre 1999 modifiant le décret n° 55-1397 du 22 octobre 1955 instituant la carte nationale d'identité et du décret n° 2001-185 du 26 février 2001 relatif aux conditions de délivrance et de renouvellement des passeports, pour le recueil des demandes et la remise aux intéressés des cartes nationales d'identité et des passeports. / Cette dotation, d'un montant de 3 euros par titre dans la limite de 97,5 millions d'euros, est répartie entre les communes en fonction du nombre de titres qu'elles ont délivrés en 2005, 2006, 2007 et 2008. Si le nombre total de titres émis ces quatre années est supérieur à 32,5 millions d'euros, la somme de 97,5 millions d'euros est répartie entre les communes proportionnellement au nombre de titres qu'elles ont émis en 2005, 2006, 2007 et 2008. / Les communes qui ont engagé un contentieux indemnitaire fondé sur l'illégalité du décret n° 99-973 du 25 novembre 1999 ou du décret n° 2001-185 du 26 février 2001 précités ne sont éligibles à cette dotation exceptionnelle qu'à la condition que cette instance soit close par une décision passée en force de chose jugée et excluant toute condamnation de l'Etat. ;
Considérant, en premier lieu, que, par la décision n° 2010-29/37 QPC du 22 septembre 2010, le Conseil constitutionnel a déclaré les dispositions des II et III de l'article 103 de la loi du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008 conformes à la Constitution ; que le moyen tiré par la COMMUNE DE MARMANDE de ce que ces dispositions portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit donc être écarté ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'en jugeant qu'une commune ne pouvait utilement se prévaloir des stipulations du premier paragraphe de l'article 6 et de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans le litige qui lui était soumis, dès lors que ce litige était relatif à la répartition de ressources et de charges financières publiques entre personnes publiques et ne portait donc pas sur des obligations de caractère civil au sens de cet article, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ; qu'en jugeant qu'une commune ne pouvait davantage invoquer utilement les stipulations de l'article premier du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la cour n'a non plus commis d'erreur de droit ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la COMMUNE DE MARMANDE n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à la COMMUNE DE MARMANDE d'une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de la COMMUNE DE MARMANDE le versement à l'Etat d'une somme de 3 000 euros ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la COMMUNE DE MARMANDE est rejeté.
Article 2 : La COMMUNE DE MARMANDE versera à l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE MARMANDE, au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration et au Premier ministre.