Vu la décision du 23 mars 2011 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a prononcé l'admission des conclusions du pourvoi de la SOCIETE GEODIS CALBERSON GE, dont le siège est 141, boulevard Mac Donald à Paris (75019), dirigées contre l'arrêt n° 07PA03793 du 6 avril 2010 de la cour administrative d'appel de Paris en tant que cet arrêt a rejeté ses conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice résultant du retard dans la main-levée des cautions pour le montant correspondant aux factures BRU n° 9132021 et BRU n° 9132022 et en tant qu'il a rejeté ses conclusions présentées à titre subsidiaire pour l'indemnisation du retard de paiement ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
Vu le règlement CE n° 2802/98 du Conseil du 17 décembre 1998 ;
Vu le règlement CE n° 111/1999 de la Commission du 18 janvier 1999 ;
Vu le règlement CE n° 1799/1999 de la Commission du 16 août 1999 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Nicolas Polge, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat de la SOCIETE GEODIS CALBERSON GE et de la SCP Ancel, Couturier-Heller, Meier-Bourdeau, avocat de l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer,
- les conclusions de M. Nicolas Boulouis, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat de la SOCIETE GEODIS CALBERSON GE et à la SCP Ancel,
Couturier-Heller, Meier-Bourdeau, avocat de l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer ;
Considérant que par décision du 23 mars 2011, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a prononcé l'admission des conclusions du pourvoi de la SOCIETE GEODIS CALBERSON GE dirigées contre l'arrêt du 6 avril 2010 de la cour administrative d'appel de Paris en tant que cet arrêt a rejeté ses conclusions tendant à l'indemnisation de son préjudice résultant du retard dans la main-levée des cautions pour le montant correspondant aux factures BRU n° 9132021 et BRU n° 9132022 et en tant qu'il a rejeté ses conclusions présentées à titre subsidiaire pour l'indemnisation du retard de paiement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis à la cour administrative d'appel de Paris que la SOCIETE GEODIS CALBERSON GE a été attributaire, au terme de l'adjudication ouverte par le règlement de la Commission du 16 août 1999 relatif à la fourniture de viande bovine à la Russie, d'un marché de la Commission européenne pour le transport de viande bovine en carcasse depuis le territoire français jusqu'en Russie, dans le cadre d'un programme de ravitaillement au profit de ce pays prévu par le règlement du Conseil du 17 décembre 1998 relatif à un programme d'approvisionnement en produits agricoles de la Fédération de Russie et le règlement de la Commission du 18 janvier 1999 portant modalités générales d'application de ce règlement ; que ses demandes tendent à l'indemnisation du préjudice qu'elle aurait subi du fait du retard de l'Office national interprofessionnel des viandes, de l'élevage et de l'agriculture, aux droits duquel vient l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer), d'une part, à libérer, dans les conditions prévues au 2 de l'article 12 du règlement de la Commission du 18 janvier 1999, la garantie de fourniture constituée en faveur de cet organisme par la SOCIETE GEODIS CALBERSON GE conformément au 4 de l'article 7 du même règlement et, d'autre part, à donner suite à la demande de paiement qu'elle lui a présentée conformément à l'article 10 de ce règlement ;
Considérant que s'il appartient aux seules juridictions communautaires de connaître des actions en responsabilité dirigées contre les organes de l'Union européenne, les autorités nationales s'acquittant des missions confiées aux Etats membres par le Traité sur l'Union européenne et le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ou par les actes émanant de ces organes relèvent, sous réserve des questions préjudicielles relatives à l'interprétation ou la validité de ces actes, de la juridiction des tribunaux français ;
Considérant, toutefois, qu'aux termes de l'article 272 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " La Cour de justice de l'Union européenne est compétente pour statuer en vertu d'une clause compromissoire contenue dans un contrat de droit public ou de droit privé passé par l'Union ou pour son compte " ; qu'aux termes de l'article 16 du règlement de la Commission du 18 janvier 1999 : " La Cour de justice des Communautés européennes est compétente pour statuer sur tout litige résultant de l'exécution, de la
non-exécution ou de l'interprétation des modalités des fournitures effectuées conformément au présent règlement. " ; que, par un arrêt du 11 février 1993 Cebag BV (aff. C-142/91), la Cour de justice des Communautés européennes a jugé, d'une part, que les droits et obligations des adjudicataires des fournitures gratuites de produits alimentaires des Communautés européennes ne sont pas entièrement déterminés par des règlements communautaires mais résultent des contrats entre la Commission et ces adjudicataires prévus par le règlement applicable à ces fournitures, et, d'autre part, que les dispositions d'un règlement de la Commission identiques à celles de l'article 16 du règlement de la Commission du 18 janvier 1999, citées ci-dessus, doivent être regardées comme une clause compromissoire faisant partie intégrante du contrat de fourniture ; que, de même, le Tribunal de première instance, par des arrêts du 9 octobre 2002 Hans Fuchs Versandschlachterei KG (aff. T-134-01) et du 10 février 2004 Calberson GE
(aff. jointes T-215/01, T-220/01 et T-221/01), a jugé, en premier lieu, qu'il résulte des dispositions du règlement du Conseil du 17 décembre 1998 et du règlement de la Commission du 18 janvier 1999 qu'une relation juridique s'est créée entre la Commission et l'adjudicataire, sans que l'existence de cette relation soit infirmée par le fait que les mesures de mobilisation des fournitures sont exécutées en partie par les organismes d'intervention des Etats membres, notamment en ce qui concerne le paiement des adjudicataires selon la procédure prévue à l'article 10 du règlement, en deuxième lieu, que cette relation, en l'absence de qualification contractuelle explicite dans les règlements applicables, remplit néanmoins les critères d'un contrat bilatéral, et, en troisième lieu, que l'article 16 du règlement de la Commission du 18 janvier 1999 revêt le caractère d'une clause compromissoire au sens de l'article 238 du Traité instituant la Communauté européenne, dont les dispositions sont reprises à l'article 272 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
Considérant que la compétence de la juridiction administrative pour connaître des demandes de la SOCIETE GEODIS CALBERSON GE dépend de la réponse à la question de savoir si les dispositions, citées plus haut, de l'article 16 du règlement de la Commission du 18 janvier 1999 doivent être interprétées comme attribuant compétence à la Cour de justice de l'Union européenne pour statuer sur les litiges relatifs aux conditions dans lesquelles l'organisme d'intervention désigné pour recevoir les offres soumises à l'adjudication de prestations de fourniture gratuite de produits agricoles à la Russie procède au paiement dû à l'adjudicataire et à la libération de la garantie de fourniture constituée par l'adjudicataire en faveur de cet organisme, notamment les actions tendant à l'indemnisation du préjudice résultant de fautes commises par l'organisme d'intervention dans l'exécution de ces opérations ;
Considérant que cette question est déterminante pour la solution du litige que doit trancher le Conseil d'Etat ; qu'elle présente une difficulté sérieuse ; qu'il y a lieu, par suite, d'en saisir la Cour de justice de l'Union européenne en application de l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et, jusqu'à ce que celle-ci se soit prononcée, de surseoir à statuer sur la requête de la SOCIETE GEODIS CALBERSON GE ainsi que sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : Il est sursis à statuer sur les conclusions du pourvoi de la SOCIETE GEODIS CALBERSON GE dirigées contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 6 avril 2010 en tant que cet arrêt a rejeté ses conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice subi du fait d'un retard dans la mainlevée des cautions et ses conclusions présentées à titre subsidiaire pour l'indemnisation d'un retard de paiement ainsi que sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne se soit prononcée sur la question de savoir si les dispositions de l'article 16 du règlement CE n° 111/1999 de la Commission du 18 janvier 1999 doivent être interprétées comme attribuant à la Cour de justice de l'Union européenne compétence pour statuer sur les litiges relatifs aux conditions dans lesquelles l'organisme d'intervention désigné pour recevoir les offres soumises à l'adjudication des prestations de fourniture gratuite de produits agricoles à la Russie procède au paiement dû à l'adjudicataire et à la libération de la garantie de fourniture constituée par l'adjudicataire en faveur de cet organisme, notamment les actions tendant à l'indemnisation du préjudice résultant de fautes commises par l'organisme d'intervention dans l'exécution de ces opérations.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE GEODIS CALBERSON GE, à l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) et au président de la Cour de justice de l'Union européenne.
Copie en sera adressée au Premier ministre.