Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 mars 2010 et 18 août 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Anne A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement n° 0405470 du 14 janvier 2010 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 mai 2004 par lequel le maire de Salon-de-Provence l'a maintenue en position de congé de longue durée pour une période de six mois à compter du 1er mars 2004 ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Salon-de-Provence la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, notamment son article 6 quinquies ;
Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
Vu le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Christophe Pourreau, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Haas, avocat de Mme Anne A et de la SCP Laugier, Caston, avocat de la commune de Salon-de-Provence,
- les conclusions de M. Edouard Geffray, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à Me Haas, avocat de Mme Anne A et à la SCP Laugier, Caston, avocat de la commune de Salon-de-Provence,
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A, agent administratif titulaire de la commune de Salon-de-Provence, a, par un arrêté du 1er mars 2002, été placée d'office en position de congé de longue maladie pour une période de six mois à compter du 1er mars 2002, puis, par deux arrêtés du 30 septembre 2002 et du 20 mars 2003, été placée en congé de longue durée pour une période de six mois à compter du 1er septembre 2002 et maintenue dans cette position pour une période de douze mois à compter du 1er mars 2003 ; que, par un arrêté du 3 mai 2004, le maire de Salon-de-Provence l'a maintenue en position de congé de longue durée pour une période de six mois à compter du 1er mars 2004 ; que Mme A se pourvoit en cassation contre le jugement du 14 janvier 2010 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce dernier arrêté ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi ;
Considérant qu'aux termes de l'article 6 quinquies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, issu de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale : Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que ces dispositions ont procédé à la transposition pour la fonction publique des dispositions relatives à la lutte contre le harcèlement de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail ;
Considérant qu'il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;
Considérant que, pour écarter le moyen tiré de ce que Mme A aurait été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, le tribunal administratif de Marseille a jugé qu'elle n'établissait l'existence d'un tel harcèlement ni par la référence aux changements d'affectation subis depuis 1981, ni par les autres faits rapportés, qui étaient dépourvus de justifications suffisantes ou insusceptibles de caractériser un tel harcèlement ; que, ce faisant, il a fait porter la charge de la preuve de l'existence d'un harcèlement moral sur Mme A ; qu'il a, par suite, commis une erreur de droit ; que Mme A est fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L. 821-2 du code justice administrative et de régler l'affaire au fond ;
Considérant, en premier lieu, que Mme A soutient que le docteur Royer, médecin agréé auprès du comité médical départemental des Bouches-du-Rhône, aurait fait état d'allégations qui [pouvaient] avoir de lourdes conséquences dans [sa] vie de tous les jours et compromettre [ses] intérêts ; qu'elle ne fournit aucun élément à l'appui de ses allégations à l'encontre du docteur ROYER ; que le moyen ne peut, par suite et en tout état de cause, qu'être écarté ;
Considérant, en second lieu, que Mme A soutient qu'elle a été victime d'agissements constitutifs d'un harcèlement moral de la part de la commune de Salon-de-Provence ; que, notamment, elle a changé fréquemment d'affectation ; qu'elle a été hospitalisée d'office contre son gré entre mars et mai 2000, puis qu'elle a été l'objet de pressions, remarques insidieuses sur sa santé et ses opinions, manipulations diverses et refus de formation ;
Considérant toutefois, d'une part, qu'il ressort de l'ensemble des écritures et des pièces du dossier que, si Mme A a changé très régulièrement de fonctions au sein des différents services de la commune de Salon-de-Provence, ces changements, qui sont d'ailleurs intervenus dès son recrutement le 12 octobre 1981, ne sauraient, dans les circonstances de l'espèce, caractériser l'existence d'agissements constitutifs d'un harcèlement moral ;
Considérant, d'autre part, que Mme A n'apporte aucun élément de fait à l'appui de ses allégations relatives aux conditions de son hospitalisation d'office et aux pressions, remarques insidieuses sur sa santé et ses opinions, manipulations diverses et refus de formation dont elle aurait été l'objet ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce qu'elle aurait été victime d'agissements constitutifs d'un harcèlement moral doit, en conséquence, être écarté ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la demande de Mme A doit être rejetée ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune de Salon-de-Provence qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la commune de Salon-de-Provence au même titre ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 14 janvier 2010 est annulé.
Article 2 : La demande de Mme A est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi de Mme A et les conclusions de la commune de Salon-de-Provence présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme Anne A et à la commune de Salon-de-Provence.