Vu l'ordonnance du 17 avril 2008, enregistrée le 25 avril 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée à cette cour par M. Etienne A, demeurant ... ;
Vu la requête, enregistrée le 14 mars 2008 au greffe de la cour administrative d'appel de Paris, et le mémoire complémentaire, enregistré le 4 juin 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par lesquels M. A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement n° 0700193 du 18 décembre 2007 par lequel le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 17 avril 2007 par laquelle le directeur général de l'aviation civile a rejeté sa demande tendant à la prolongation de son affectation en Polynésie française au motif qu'il n'y avait pas transféré le centre de ses intérêts moraux et matériels ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 26 janvier 2011, présentée pour M. A ;
Vu le décret n° 96-1026 du 26 novembre 1996 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Suzanne von Coester, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. A,
- les conclusions de Mme Delphine Hedary, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. A ;
Considérant qu'en vertu de son article 1er, le décret du 26 novembre 1996 relatif à la situation des fonctionnaires de l'Etat affectés notamment en Polynésie française qui établit dans son article 2 une limitation de la durée de séjour à deux ans renouvelables une seule fois, ne s'applique pas aux personnels dont le centre des intérêts matériels et moraux se situe dans la collectivité où ils exercent leurs fonctions ; que la localisation du centre des intérêts matériels et moraux d'un agent, qui peut varier dans le temps, doit être appréciée, dans chaque cas, à la date à laquelle l'administration, sollicitée le cas échéant par l'agent, se prononce sur l'application d'une disposition législative ou réglementaire ; qu'en refusant, pour rejeter la requête de M. A, de prendre en compte l'acquisition récente de sa maison d'habitation en Polynésie française, au seul motif du caractère tardif de cette acquisition et de ce que M. A avait depuis le début de son premier séjour déclaré le centre de ses intérêts en métropole et bénéficié des avantages correspondants, le tribunal administratif, qui devait se fonder sur les seuls éléments pertinents à la date de la décision litigieuse, sans pouvoir légalement refuser de les prendre en compte au seul motif de leur caractère récent, a commis une erreur de droit, ainsi d'ailleurs qu'en ne prenant en compte que le lieu de naissance de l'intéressé sans rechercher s'il constituait, en raison des liens familiaux ou sociaux ou de la durée du séjour, un élément contribuant à établir le centre des intérêts de l'intéressé ; qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de la Polynésie française du 18 décembre 2007 ;
Considérant qu'il y a lieu de faire application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au fond ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, ingénieur des études et de l'exploitation de l'aviation civile, a été affecté, en application des dispositions du décret du 26 novembre 1996, au service d'Etat de l'aviation civile en Polynésie française du 1er août 2003 au 31 juillet 2005, puis jusqu'au 31 juillet 2007 ; que, si M. A avait effectué en Polynésie française en qualité de volontaire de l'aide technique un premier séjour d'une durée de seize mois à compter de septembre 1989, au cours duquel était née sa fille aînée, ses deux autres filles ne sont pas nées en Polynésie française et ni lui-même ni son épouse n'ont d'autre membre de leur famille installé en Polynésie française ; que cependant M. A, qui avait présenté des demandes répétées d'affectation en Polynésie française à la suite du premier séjour qu'il y avait effectué entre 1989 et 1991, y est inscrit sur les listes électorales, y a domicilié ses comptes bancaires et y participe à la vie associative ; que son épouse y exerce son activité professionnelle d'enseignante ; que sa fille y fait l'objet d'un suivi médical dont atteste un certificat médical qui recommande d'éviter les bouleversements de sa vie scolaire, familiale et sociale ; qu'il a fait l'acquisition en Polynésie française d'une maison d'habitation ; que, dans les circonstances de l'espèce, il ressort de la combinaison de ces éléments, dont aucun, pris séparément, ne serait à lui seul déterminant, que M. A devait être regardé comme ayant, au moment de sa demande, transféré en Polynésie française le centre de ses intérêts matériels et moraux ; que, par suite, il est en tout état de cause fondé à demander l'annulation de la décision par laquelle le directeur général de l'aviation civile a rejeté sa demande tendant à la prolongation de son affectation en Polynésie française au vu du centre de ses intérêts matériels et moraux ;
Sur les conclusions présentées par M. A sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A de la somme de 2 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 18 décembre 2007 du tribunal administratif de la Polynésie française est annulé.
Article 2 : La décision du directeur général de l'aviation civile du 17 avril 2007 est annulée.
Article 3 : L'Etat versera à M. A la somme de 2 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Etienne A et au ministre de l'écologie, du développement durable des transports et du logement.