Vu la requête, enregistrée le 20 mars 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Karamoko A, élisant domicile à ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'État :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 1204606 du 19 mars 2012 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a rejeté sa demande tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la région Ile-de-France de l'orienter vers une structure d'hébergement d'urgence, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la notification de l'ordonnance ;
2°) de faire droit à sa demande de première instance sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
il soutient que sa requête est recevable ; que l'association " Droit au logement Paris et environs " pouvait valablement saisir le dispositif de veille sociale pour demander sa prise en charge ; que le préfet de la région Ile-de-France, autorité administrative compétente aux termes de l'article L. 345-2-1 du code de l'action sociale et des familles, a été valablement saisi ; que les dispositions de l'article 21 de la loi du 12 avril 2000 ne sont pas applicables à la procédure définie par les articles L. 345-2 et suivants du même code ; que la condition d'urgence est remplie ; qu'étant sans-abri et dans une situation de grande détresse constatée par les agents de la mairie de Gentilly, la décision attaquée a porté une atteinte grave et immédiate à ses conditions matérielles d'existence ; que la méconnaissance par l'administration des dispositions des articles L. 345-2, L. 345-2-2 et L. 345-2-3 du code de l'action sociale et des familles est constitutive d'une carence caractérisée portant une atteinte grave et manifestement illégale à son droit d'accéder à tout moment à une structure d'hébergement d'urgence ;
Vu l'ordonnance attaquée ;
Vu l'intervention, enregistrée le 27 mars 2012, présentée par l'association " Droit au logement Paris et environs ", dont le siège est 29 avenue Ledru-Rollin à Paris (75012), représentée par son président en exercice, qui demande au Conseil d'Etat d'annuler l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Paris du 19 mars 2012, en se fondant sur les mêmes moyens que ceux présentés par M. A dans sa requête ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 27 mars 2012, présenté par le ministre des solidarités et de la cohésion sociale, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que l'application par l'administration des dispositions des articles L. 345-2, L. 345-2-2 et L. 345-2-3 du code de l'action sociale et des familles n'est pas constitutive d'une carence caractérisée portant une atteinte grave et manifestement illégale au droit de M. A d'accéder à tout moment à une structure d'hébergement d'urgence, dès lors que, d'une part, les autorités de l'Etat s'efforcent d'accomplir avec les moyens dont elles disposent les diligences nécessaires afin d'assurer le droit à l'hébergement d'urgence, et que, d'autre part, l'âge, l'état de santé et la situation familiale du requérant ne le faisaient pas figurer dans les cas d'urgence majeure ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'action sociale et des familles ;
Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. A et, d'autre part, le ministre des solidarités et de la cohésion sociale, ainsi que l'association Droit au logement Paris et environs ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du 28 mars 2012 à 9 heures au cours de laquelle ont été entendus :
- Me Ricard, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. A ;
- M. A ;
- le représentant de l'association Droit au logement Paris et environs ;
- les représentants du ministre des solidarités et de la cohésion sociale ;
Sur l'intervention de l'association " Droit au logement Paris et environs " :
Considérant qu'aux termes de l'article 2 de ses statuts, l'association " Droit au logement Paris et environs " a pour objet : " D'unir et d'organiser les familles et les individus mal logés ou concernés par le problème du logement pour la défense du droit à un logement décent pour tous, (...)" ; qu'il en résulte que l'association " Droit au logement Paris et environs " justifie d'un intérêt à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la requête de M. A ; que, dès lors, son intervention est recevable ;
Sur l'appel de M. Karamoko A :
Considérant qu'en vertu de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une autorité administrative aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. "
Considérant que l'article L. 345-2 du code de l'action sociale et des familles prévoit que, dans chaque département, est mis en place, sous l'autorité du préfet " un dispositif de veille sociale chargé d'accueillir les personnes sans abri ou en détresse " ; qu'en vertu de l'article L. 345-2-1 un dispositif unique de veille sociale est mis en place en Ile-de-France sous l'autorité du préfet de région ; que l'article L. 345-2-2 précise que : " Toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique et sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d'hébergement d'urgence (...) " ; qu'aux termes enfin de l'article L. 345-2-3 : " Toute personne accueillie dans une structure d'hébergement d'urgence doit pouvoir y bénéficier d'un accompagnement personnalisé et y demeurer, dès lors qu'elle le souhaite, jusqu'à ce qu'une orientation lui soit proposée (...) " ;
Considérant qu'il appartient aux autorités de l'Etat de mettre en oeuvre le droit à l'hébergement d'urgence reconnu par la loi à toute personne sans abri qui se trouve en situation de détresse médicale, psychique et sociale ; qu'une carence caractérisée dans l'accomplissement de cette tâche peut faire apparaître, pour l'application de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale lorsqu'elle entraîne des conséquences graves pour la personne intéressée ; qu'il incombe au juge des référés d'apprécier dans chaque cas les diligences accomplies par l'administration en tenant compte des moyens dont elle dispose ainsi que de l'âge, de l'état de la santé et de la situation de famille de la personne intéressée ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment des échanges au cours de l'audience publique, qu'en l'espèce, suite à l'ordonnance du juge des référés du Conseil d'Etat du 10 février 2012, M. A, ressortissant de Côte d'Ivoire, célibataire et sans enfant et qui réside depuis de nombreuses années en France, a été appelé par l'administration puis pris en charge dans des foyers d'hébergement d'urgence chaque fois qu'il en a fait la demande en appelant le service téléphonique du 115 ; qu'une évaluation par un travailleur social le 1er mars 2012 a conclu, dans sa situation, à l'absence de détresse médicale, psychique et sociale ; qu'il résulte des indications données par l'administration lors de l'audience que M. A peut, à sa demande, être orienté par les autorités de l'Etat, après une nouvelle évaluation par un travailleur social, vers des solutions d'hébergement adaptées ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en l'absence d'atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, le requérant n'est pas fondé à demander l'annulation de l'ordonnance ; qu'il y a lieu dès lors de rejeter sa requête ;
O R D O N N E :
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Article 1er : L'intervention de l'association " Droit au logement Paris et environs " est admise.
Article 2 : La requête de M. A est rejetée.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Karamoko A, au ministre des solidarités et de la cohésion sociale et à l'association " Droit au logement Paris et environs ".
Copie en sera adressée au préfet de la région Ile-de-France.