Vu l'ordonnance n° 10MA03254-10MA03255-10MA03403-10MA03404 du 13 juin 2013, enregistrée le 20 juin 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président de la sixième chambre de la cour administrative d'appel de Marseille, après avoir joint les demandes de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité présentées par l'association Collectif aletois " gestion publique de l'eau " et par l'association Avenir d'Alet, et avant qu'il soit statué sur les requêtes de ces deux associations tendant, premièrement, à l'annulation des jugements nos 0802497 et 0802498 du 21 mai 2010 par lesquels le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leurs demandes d'annulation des délibérations du conseil municipal de la commune d'Alet-les-Bains du 14 avril 2008 relatives à la délégation à la société Saur du service public de l'eau et du service public de l'assainissement, deuxièmement, à l'annulation de ces deux délibérations et, troisièmement, à ce qu'il soit enjoint au maire de la commune de saisir le juge du contrat afin qu'il " prononce la nullité " des contrats de délégation du service public de l'eau et du service public de l'assainissement conclus avec la société Saur, a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article L. 1413-1 du code général des collectivités territoriales ;
Vu les mémoires, enregistrés le 19 avril 2013 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, présentés par l'association Collectif aletois " gestion publique de l'eau ", dont le siège est à Fajols à Alet-les-Bains (11580), et par l'association Avenir d'Alet, dont le siège est impasse du séminaire à Alet-les-Bains (11580), en application de l'article 23-1 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Christophe Pourreau, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Delamarre, avocat de l'Association Avenir d'Alet et à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat de la commune d'Alet-les-Bains ;
1. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1413-1 du code général des collectivités territoriales : " Les (...) communes de plus de 10 000 habitants (...) créent une commission consultative des services publics locaux pour l'ensemble des services publics [qu'elles] confient à un tiers par convention de délégation de service public ou [qu'elles] exploitent en régie dotée de l'autonomie financière. (...) / Cette commission, présidée par le maire (...) ou [son] représentant, comprend des membres de l'assemblée délibérante (...), désignés dans le respect du principe de la représentation proportionnelle, et des représentants d'associations locales, nommés par l'assemblée délibérante (...). / Elle est consultée pour avis par l'assemblée délibérante (...) sur : / 1° Tout projet de délégation de service public, avant que l'assemblée délibérante (...) se prononce dans les conditions prévues par l'article L. 1411-4 ; (...) " ;
3. Considérant que l'association Collectif aletois " gestion public de l'eau " et l'association Avenir d'Alet soutiennent que ces dispositions méconnaissent le principe d'égalité garanti par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen en tant qu'elles dispensent les communes de moins de 10 000 habitants de l'obligation de créer une commission consultative des services publics locaux ;
4. Considérant que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ;
5. Considérant qu'en ne rendant obligatoire la création d'une commission consultative des services publics locaux que pour les communes les plus importantes, le législateur a entendu, tout en poursuivant un objectif général d'amélioration de la gestion des services publics locaux, ne pas imposer des contraintes et des charges excessives aux communes ; qu'en fixant à 10 000 habitants le seuil de population au-delà duquel une commune a l'obligation de créer une telle commission, le législateur a entendu, en retenant un critère objectif et rationnel en rapport avec l'objet de la loi, tenir compte des différences dans la capacité des communes à réunir et à faire fonctionner une telle commission et de la plus ou moins grande proximité entre les services publics locaux et leurs usagers ;
6. Considérant, au surplus, qu'en application des dispositions de l'article L. 2143-2 du code général des collectivités territoriales, le conseil municipal de toute commune a la faculté de créer un comité, composé de membres de ce conseil et de représentants d'associations locales, chargé de donner son avis sur le fonctionnement des services publics locaux ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ; que, par suite, il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée par l'association Collectif aletois " gestion publique de l'eau " et par l'association Avenir d'Alet ;
Sur les conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
8. Considérant que les conclusions présentées par l'association Avenir d'Alet au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique sont irrecevables au stade de la présente décision, qui statue sur la seule demande de renvoi d'une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité transmise par la cour administrative d'appel de Marseille.
Article 2 : Les conclusions présentées par l'association Avenir d'Alet au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'association Collectif aletois " gestion publique de l'eau ", à l'association Avenir d'Alet, à la commune d'Alet-les-Bains et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au Premier ministre, au Conseil constitutionnel et à la cour administrative d'appel de Marseille.