Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 8 avril et 9 juillet 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme A...B..., demeurant ... Saint Laurent de la Prée ; Mme B...demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 12BX00631 du 5 février 2013 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux, sur l'appel de l'association de gestion du groupe école supérieure de commerce de la Rochelle, a, d'une part, annulé le jugement n° 0901188-0902374 du tribunal administratif de Poitiers du 18 janvier 2012, en tant qu'il rejetait la demande de cette association tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 17 août 2009 par laquelle le ministre du travail avait refusé d'autoriser son licenciement, d'autre part, a annulé pour excès de pouvoir cette décision, et, enfin, a enjoint au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social de se prononcer à nouveau sur la demande d'autorisation de licenciement dans un délai de deux mois à compter de la notification de son arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de l'association de gestion du groupe école supérieure de commerce de la Rochelle ;
3°) de mettre à la charge de cette association la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Bruno Bachini, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Gaëlle Dumortier, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gaschignard, avocat de Mme B...et à la SCP Didier, Pinet, avocat de l'association de gestion du groupe école supérieure de commerce de la Rochelle ;
1. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des représentants syndicaux, délégués du personnel et membres du comité d'entreprise, qui bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle, est subordonné à une autorisation de l'administration en charge du respect de la législation relative au travail ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale ; que, dans le cas où la demande est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'autorité compétente de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables à son contrat de travail et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir un motif d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ;
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'une procédure de licenciement pour faute a été engagée à l'encontre de MmeB..., salariée protégée, par l'association de gestion du groupe école supérieure de commerce de la Rochelle en raison d'actes d'insubordination et d'obstruction qui lui étaient reprochés ; que la décision de l'inspecteur du travail refusant de délivrer l'autorisation sollicitée et celle du ministre confirmant ce refus ont été annulées par un jugement du tribunal administratif de Poitiers en date du 19 décembre 2008, confirmé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 2 mars 2010 ; qu'à la suite de ce jugement, l'association a réitéré, le 23 janvier 2009, sa demande de licenciement en invoquant les mêmes faits ; que, par une décision du 17 août 2009, le ministre chargé du travail a, d'une part, annulé la décision de l'inspecteur du travail refusant d'accorder l'autorisation sollicitée et, d'autre part, refusé, à son tour, d'autoriser le licenciement ; que Mme B... se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 5 février 2013 en tant qu'il a, d'une part, annulé le jugement du tribunal administratif de Poitiers en tant que celui-ci avait rejeté le recours formé par l'employeur contre le refus opposé par le ministre à sa demande de licenciement, et, d'autre part, annulé pour excès de pouvoir cette décision du ministre ;
3. Considérant que si l'annulation par le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 19 décembre 2008, confirmée en appel par l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 2 mars 2010, des décisions de l'inspecteur du travail et du ministre chargé du travail précédemment mentionnées impliquait, eu égard à l'autorité de chose jugée qui s'attachait à cette annulation contentieuse et dès lors que l'employeur avait réitéré sa demande d'autorisation de licenciement pour faute à l'encontre l'intéressée en raison des mêmes faits, que l'autorité administrative reconnût à ces faits, tels qu'ils s'étaient présentés lors de l'examen de la première demande d'autorisation, un caractère fautif suffisamment grave pour justifier un licenciement, cette circonstance ne pouvait faire obstacle à ce que celle-ci prît en considération les éléments de faits et de droit nouveaux existant à la date du réexamen de la demande ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le ministre chargé du travail, saisi du recours hiérarchique de l'employeur, a, d'une part, annulé la décision de l'inspecteur du travail au motif qu'en déniant aux faits en cause tout caractère fautif, ce dernier avait méconnu l'autorité de la chose jugée et, d'autre part, refusé d'autoriser le licenciement de l'intéressée ; que, pour refuser d'autoriser le licenciement demandé, le ministre s'est fondé sur le motif tiré de ce que, à la date à laquelle il avait à se prononcer, des changements étaient intervenus dans le comportement de la salariée en ce que, d'une part, aucun fait nouveau d'insubordination ne lui avait été reproché depuis la demande initiale et que, d'autre part, les relations avec sa hiérarchie s'étaient désormais apaisées ; qu'ainsi, le ministre s'est fondé sur des éléments de faits nouveaux pour estimer que le comportement de la salariée ne pouvait plus, à la date à laquelle il se prononçait, être qualifié de faute suffisamment grave pour justifier son licenciement ; que Mme B...est, dès lors, fondée à soutenir qu'en jugeant que le ministre avait, ce faisant, méconnu l'autorité de la chose jugée, la cour administrative d'appel de Bordeaux a commis une erreur de droit ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requérante est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant, d'une part, qu'il a annulé le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 18 janvier 2012 en tant que celui-ci avait rejeté la demande de l'association de gestion du groupe école supérieure de commerce de la Rochelle tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du ministre du travail refusant à celle-ci l'autorisation de la licencier et en tant, d'autre part, qu'il a annulé pour excès de pouvoir cette décision du ministre ;
Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association de gestion du groupe école supérieure de commerce de la Rochelle la somme de 2 500 euros à verser à Mme B...au titre de ces dispositions ; que celles-ci font, en revanche, obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de cette dernière qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 5 février 2013 est annulé en tant, d'une part, qu'il annule le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 18 janvier 2012 en tant que celui-ci avait rejeté la demande de l'association de gestion du groupe école supérieure de commerce de la Rochelle tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du ministre du travail du 17 août 2009 et en tant, d'autre part, qu'il annule pour excès de pouvoir cette décision.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Article 3 : L'association de gestion du groupe école supérieure de commerce de la Rochelle versera à Mme B...une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de l'association de gestion du groupe école supérieure de commerce de la Rochelle présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme A...B...et à l'association de gestion du groupe école supérieure de commerce de la Rochelle.
Copie en sera adressée pour information au ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social.