Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 décembre 2013 et 27 mars 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la ville de Lyon, représentée par son maire ; la ville de Lyon demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 12LY02272 du 30 octobre 2013 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a, sur la requête de la société Fayat, en premier lieu, annulé le jugement n° 1002586 du 14 juin 2012 du tribunal administratif de Lyon, en deuxième lieu, déchargé la société Fayat de l'obligation de lui payer la somme de 1 885 939,75 euros et, enfin, annulé le titre exécutoire émis par la ville le 8 août 2008 en ce qu'il constituait la société Fayat débitrice de cette somme ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d'appel ;
3°) de mettre à la charge de la société Fayat le versement de la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Natacha Chicot, auditeur,
- les conclusions de M. Bertrand Dacosta, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, Coudray, avocat de la ville de Lyon, et à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de la société Fayat ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un jugement du 13 mars 2003, le tribunal administratif de Lyon a condamné la ville de Lyon, dans le cadre d'un litige relatif au marché de travaux signé le 30 novembre 1990 avec le groupement constitué par les sociétés Fayat et Vilquin, à verser à ces sociétés, sur le fondement de sa responsabilité contractuelle, une somme globale de 1 487 056,04 euros, comportant, d'une part, une somme de 998 363,12 euros, augmentée des intérêts et de leur capitalisation, au titre de divers travaux supplémentaires, et, d'autre part, une somme de 488 692,92 euros, augmentée des intérêts et de leur capitalisation, au titre des pénalités contractuelles ; que l'article 1er du jugement dispose ainsi que : " La ville de Lyon est condamnée à verser la somme d'un million quatre cent quatre-vingt-sept mille cinquante-six euros et quatre centimes (1 487 056,04 euros) aux sociétés Fayat compagnie financière et Vilquin, avec intérêts de droit sur la somme de neuf cent quatre-vingt-dix-huit mille trois cent-soixante-trois euros et douze centimes (998 363,12 euros) à compter du 8 février 1993 et sur celle de quatre cent quatre-vingt-huit mille six cent quatre-vingt-douze euros et quatre-vingt-douze centimes (488 692,92 euros) à compter du 17 mars 1994. Les intérêts échus sur la somme de neuf cent quatre-vingt-dix-huit mille trois cent soixante-trois euros et douze centimes (998 363,12 euros) à la date du 18 mai 1994 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux mêmes intérêts. Il en sera de même pour les intérêts échus sur la somme de quatre cent quatre-vingt-huit mille six cent quatre-vingt-douze euros et quatre-vingt-douze centimes (488 692,92 euros) à la date du 16 octobre 1995. " ;
2. Considérant qu'il ressort également des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, sur appel de la ville de Lyon et appel incident des sociétés Fayat et Vilquin contre le jugement cité au point 1, la cour administrative d'appel de Lyon a, par un arrêt du 29 mai 2008 devenu définitif, écarté l'application du contrat passé entre la ville de Lyon et les deux entreprises et, s'étant placée sur le terrain des responsabilités quasi-contractuelle et quasi-délictuelle de la ville de Lyon, a condamné celle-ci à verser aux entreprises Fayat et Vilquin une somme de 1 646 314,75 euros au titre du remboursement des dépenses utiles à la ville et une somme de 107 540,96 euros au titre de leur perte de bénéfices, la somme totale de 1 753 855,71 euros étant assortie des intérêts ; que l'article 3 de cet arrêt dispose ainsi que " La somme que la ville de Lyon a été condamnée à verser aux sociétés Fayat Compagnie Financière et Vilquin par l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Lyon du 13 mars 2003 est portée d'un montant de 1 487 056,04 euros à un montant de 1 753 855,71 euros. Cette somme portera intérêts dans les conditions définies par les dispositions combinées de l'article 178 du code des marchés publics, auquel renvoie l'article 352, de l'article 50 de la loi de finances rectificative du 30 décembre 1996 et de l'article 2 de l'arrêté du 17 décembre 1993, dans sa rédaction issue de l'arrêté du 31 mai 1997, à l'expiration d'un délai de 45 jours à compter de la date de notification du décompte général du groupement " ; que son article 4 dispose que " l'article 1er du jugement du 13 mars 2003 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt " ;
3. Considérant, enfin, qu'en exécution de ce dernier arrêt, la ville de Lyon a émis le 8 août 2008 à l'encontre de la société Fayat un état exécutoire d'un montant de 1 938 186,09 euros pour obtenir le remboursement de la somme qu'elle estimait lui être due au titre de la différence entre le montant de la condamnation prononcée par la cour administrative d'appel de Lyon, qui excluait selon elle la capitalisation des intérêts, et les sommes qu'elle avait versées à la société Fayat en application du jugement du 13 mars 2003 ; que, par un jugement du 14 juin 2012, le tribunal administratif de Lyon, confirmant la lecture de l'arrêt du 29 mai 2008 faite par la ville de Lyon, a rejeté la demande de la société Fayat tendant à l'annulation de cet état exécutoire ; que, par l'arrêt contre lequel la ville de Lyon se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Lyon a annulé ce jugement au motif que son arrêt du 29 mai 2008 devait être interprété comme ayant implicitement confirmé la capitalisation des intérêts prononcée en première instance par le jugement du 13 mars 2003 ;
4. Considérant, d'une part, qu'il résulte des motifs et du dispositif de l'arrêt du 29 mai 2008 de la cour administratif d'appel de Lyon que la cour, qui, ayant substitué à la condamnation prononcée par le tribunal administratif de Lyon une condamnation fondée sur un autre terrain de responsabilité, était saisie par l'effet dévolutif de l'appel de la demande de capitalisation des intérêts sur les sommes dont la société Fayat réclamait le paiement, doit être regardée comme ayant omis de statuer sur ce chef de conclusions ;
5. Considérant, d'autre part, que l'article 1er du jugement du 13 mars 2003 fixe le départ des intérêts à deux dates distinctes pour les deux parties du montant de la condamnation et fixe leurs premières capitalisations à des dates également distinctes, alors que l'article 3 de l'arrêt du 29 mai 2008 fixe le départ des intérêts à une autre date, en les faisant porter sur un unique montant ; qu'ainsi, la réformation de cet article 1er du jugement " en ce qu'il a de contraire " à l'arrêt du 29 mai 2008 par l'article 4 de ce même arrêt ne peut être regardée que comme ayant entièrement substitué à cet article 1er du jugement l'article 3 de l'arrêt, lequel, ainsi qu'il a été dit au point 4 ci-dessus, ne prononce aucune capitalisation des intérêts ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'en jugeant que son arrêt du 29 mai 2008 devait être interprété comme ayant confirmé la capitalisation des intérêts dus par la ville de Lyon, la cour en a donné une interprétation inexacte ; que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, son arrêt du 30 octobre 2013 doit être annulé ;
7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
8. Considérant que, ainsi qu'il a été dit aux points 4 et 5 ci-dessus, il ressort de ses termes mêmes que l'arrêt du 29 mai 2008 de la cour administrative d'appel de Lyon ne statue pas sur les conclusions de la société Fayat tendant à la capitalisation des intérêts et abroge, en lui substituant l'article 3 de son dispositif, l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Lyon du 13 mars 2003 qui avait prononcé la capitalisation des intérêts sur les sommes au paiement desquelles il condamnait la ville de Lyon ;
9. Considérant que la société Fayat n'est par suite pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation du titre exécutoire émis à son encontre pour le reversement des sommes correspondant à la capitalisation des intérêts dus par la ville de Lyon et fixé la créance de la ville de Lyon à la somme de 1 562 597,92 euros ;
10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la ville de Lyon qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la ville de Lyon au titre des mêmes dispositions ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 30 octobre 2013 est annulé.
Article 2 : La requête présentée par la société Fayat devant la cour administrative d'appel de Lyon est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la ville de Lyon et à la société Fayat.