Vu la procédure suivante :
La société Compagnie Immobilière d'Aménagement a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'ordonner la restitution des droits de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a déclarés au titre de la période allant du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2009 pour un montant de 262 405 euros. Par un jugement n° 1102881 du 5 juillet 2012, le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 12NT02563 du 25 juillet 2013, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté sa requête tendant à l'annulation de ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 25 septembre, 26 décembre 2013 et 31 décembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Compagnie Immobilière d'Aménagement demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la directive 77/388/CEE du Conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977, reprise par la directive 2006/112/CE du Conseil du 26 novembre 2006 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Maryline Saleix, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la société Compagnie Immobilière d'Aménagement ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Compagnie Immobilière d'Aménagement, qui exerce une activité de lotisseur et de marchand de biens, a sollicité, par réclamation présentée le 23 décembre 2010, la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée qu'elle estimait avoir déclarée à tort, au titre de la période allant du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2009, pour un montant de 262 405 euros ; qu'elle se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 25 juillet 2013 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 5 juillet 2012 du tribunal administratif d'Orléans rejetant sa demande de restitution de cette taxe ;
Sur l'étendue du litige :
2. Considérant que, par deux décisions en date du 27 octobre et du 10 novembre 2014, postérieures à l'introduction du pourvoi, l'administration a prononcé le dégrèvement des droits de taxe sur la valeur ajoutée en litige pour les sommes de 33 365 euros au titre de l'année 2004, 220 euros au titre de l'année 2005, 12 640 euros au titre de l'année 2006 et 1 149 euros au titre de l'année 2009, ainsi que des pénalités dont ces droits étaient assortis, à hauteur de 21 158 euros ; que les conclusions du pourvoi sont, à due concurrence de ces sommes, devenues sans objet ; qu'il n'y a plus lieu, dans cette mesure, d'y statuer ;
Sur le surplus des conclusions du pourvoi :
3. Considérant qu'aux termes de l'article 257 du code général des impôts, dans sa rédaction en vigueur avant sa modification par l'article 16 de la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010 : " Sont également soumis à la taxe sur la valeur ajoutée : (...) 6° Sous réserve du 7° : a) Les opérations qui portent sur des immeubles, des fonds de commerce ou des actions ou parts de sociétés immobilières et dont les résultats doivent être compris dans les bases de l'impôt sur le revenu au titre des bénéfices industriels et commerciaux ; (...) 7° Les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles. / Ces opérations sont imposables même lorsqu'elles revêtent un caractère civil. 1. Sont notamment visés : a) Les ventes et les apports en société de terrains à bâtir, des biens assimilés à ces terrains par le A de l'article 1594-0 G ainsi que les indemnités de toute nature perçues par les personnes qui exercent sur ces immeubles un droit de propriété ou de jouissance, ou qui les occupent en droit ou en fait ; ... / Ces dispositions ne sont pas applicables aux terrains acquis par des personnes physiques en vue de la construction d'immeubles que ces personnes affectent à un usage d'habitation (...) " ;
4. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, celles du 7° n'étant pas applicables aux cessions de terrains à bâtir acquis par des personnes physiques en vue de la construction d'immeubles que ces personnes affectaient à un usage d'habitation, ces opérations étaient soit exonérées de taxe sur la valeur ajoutée, soit soumises à la taxe sur la valeur ajoutée sur le fondement des dispositions du 6° lorsqu'elles étaient réalisées par des personnes relevant de ces dernières ; que, dans ces conditions, dès lors qu'était invoquée devant lui l'incompatibilité des dispositions excluant l'application du 7° à ces opérations avec la sixième directive du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires et avec la directive du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, il appartenait au juge du fond d'examiner les motifs d'incompatibilité invoqués et de vérifier, le cas échéant, au regard des motifs qu'il aurait estimé fondés, si cette incompatibilité imposait de taxer l'ensemble de ces opérations sur le fondement du 7° ou si, s'agissant de celles réalisées par les personnes relevant du 6°, la taxation sur la marge prévue par la combinaison de ce dernier avec l'article 268 du code général des impôts suffisait à rétablir, dans cette mesure, la compatibilité des dispositions précitées avec ces directives ; que, dès lors, la société Compagnie immobilière d'aménagement est fondée à soutenir qu'en écartant le moyen tiré de cette incompatibilité comme inopérant, sans se livrer à cet examen, la cour administrative d'appel de Nantes a commis une erreur de droit ;
5. Considérant, toutefois, que les dispositions du 7° de l'article 257 du code général des impôts prévoyant que ce 7° n'était pas applicable aux cessions de terrains acquis par des personnes physiques en vue de la construction d'immeubles que ces personnes affectent à un usage d'habitation n'étaient incompatibles avec la directive du 17 mai 1977 et avec la directive du 28 novembre 2006 qu'en tant qu'elles aboutissaient à faire échapper entièrement à cette taxe les opérations en cause, dès lors qu'en application des dispositions combinées de l'article 13 B, h) et de l'article 2 de la première puis de l'article 135 § 1, point k) et de l'article 2 de la seconde, toute livraison de terrains à bâtir réalisée à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel doit être soumise à la taxe sur la valeur ajoutée ; que, cependant, tel n'était pas le cas des opérations ainsi visées lorsqu'elles étaient réalisées par des lotisseurs ou des marchands de biens, ces dispositions n'ayant pas pour effet, pour de telles opérations, d'aboutir à une exonération mais seulement, compte tenu des dispositions du 6°, de les soumettre au régime de taxation sur la marge prévu par la combinaison de ce dernier et de l'article 268 du code général des impôts ; que le régime ainsi prévu au 6° était lui-même compatible avec les directives précitées, l'article 28-3-f de la directive du 17 mai 1977 puis l'article 392 de la directive du 28 novembre 2006 autorisant les Etats membres à prévoir que, pour la livraison de terrains à bâtir achetés en vue de la revente par un assujetti qui n'a pas eu droit à déduction à l'occasion de l'acquisition, la base d'imposition est constituée par la différence entre le prix de vente et le prix d'achat ; que, par suite, la société Compagnie immobilière d'aménagement n'est pas fondée à soutenir que l'incompatibilité des dispositions du 7° mentionnées ci-dessus imposait d'écarter l'application du 6° aux opérations de cession de terrains à bâtir à des personnes physiques en vue de la construction d'immeubles que ces personnes affectaient à un usage d'habitation qu'elle a réalisées au cours des années 2003 à 2009 ; que ce motif, qui n'implique l'appréciation d'aucune circonstance de fait, doit être substitué à celui retenu par l'arrêt attaqué, dont il justifie légalement le dispositif ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le surplus des conclusions du pourvoi de la société Compagnie immobilière d'aménagement tendant à l'annulation de l'arrêt attaqué doit être rejeté ; qu'il n'y a pas lieu, en l'espèce, de faire droit à ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions du pourvoi de la société Compagnie Immobilière d'Aménagement à concurrence des dégrèvements prononcés en cours d'instance et mentionnés dans les motifs de la présente décision pour un montant total de 68 532 euros.
Article 2 : Le surplus des conclusions du pourvoi de la société Compagnie Immobilière d'Aménagement est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Compagnie Immobilière d'Aménagement et au ministre des finances et des comptes publics.