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30/09/2015 | FRANCE | N°373355

France | France, Conseil d'État, 8ème ssjs, 30 septembre 2015, 373355


Vu la procédure suivante :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner la ville de Paris à lui verser une indemnité provisoirement estimée à 168 537,11 euros au titre des préjudices qu'il aurait subis à raison de la sous-estimation de la prime de gestion et de l'indemnité spécifique qui lui ont été attribuées depuis 1994 en sa qualité d'architecte voyer de la ville de Paris. Par un jugement n° 0917870 du 2 mars 2011, le tribunal administratif a condamné la ville de Paris à lui verser la somme globale de 91 084 euros et a rejeté le surplus de se

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Par un arrêt nos 11PA02137, 11PA02138 du 19 septembre 2...

Vu la procédure suivante :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner la ville de Paris à lui verser une indemnité provisoirement estimée à 168 537,11 euros au titre des préjudices qu'il aurait subis à raison de la sous-estimation de la prime de gestion et de l'indemnité spécifique qui lui ont été attribuées depuis 1994 en sa qualité d'architecte voyer de la ville de Paris. Par un jugement n° 0917870 du 2 mars 2011, le tribunal administratif a condamné la ville de Paris à lui verser la somme globale de 91 084 euros et a rejeté le surplus de ses conclusions.

Par un arrêt nos 11PA02137, 11PA02138 du 19 septembre 2013, la cour administrative d'appel de Paris, après avoir joint les appels formés par la ville de Paris et par M. C... contre ce jugement, l'a annulé et a rejeté la demande présentée devant ce tribunal par M. C....

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 19 novembre 2013, les 19 février et 11 octobre 2014, M. C...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de la ville de Paris et de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de la ville de Paris la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 2003-799 du 25 août 2003 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Mathieu Herondart, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, Coudray, avocat de M. C...et à la SCP Foussard, Froger, avocat de la ville de Paris ;

1. Considérant que M.C..., architecte voyer de la ville de Paris, a présenté par réclamation du 29 juin 2009 une demande aux fins d'être indemnisé à hauteur des pertes de rémunération qu'il estime avoir subies illégalement, depuis l'année 1994, du fait de la fixation à un très faible montant de la prime de gestion et de l'indemnité spécifique dues aux architectes-voyers de la ville de Paris ; que cette demande ayant été implicitement rejetée, il a demandé au tribunal administratif de Paris, le 12 novembre 2009, de condamner la ville de Paris à l'indemniser à hauteur de la somme de 168 537,11 euros dont il soutenait avoir ainsi été illégalement privé au cours de la période couvrant les années 1994 à 2009 ; que par jugement du 2 mars 2011, le tribunal administratif de Paris a, d'une part, relevé que les créances alléguées sur la période antérieure à l'année 2005 étaient atteintes par la prescription quadriennale des dettes des collectivités publiques, et, d'autre part, a fait droit aux prétentions de M. C...relatives aux années 2005 à 2009 en condamnant la ville de Paris à lui verser la somme de 91 084 euros ; que la ville de Paris a fait appel de ce jugement et demandé le rejet de la demande de M. C... ; que ce dernier a conclu, tant par sa propre requête d'appel que par ses conclusions incidentes présentées en réponse à l'appel de la ville de Paris, à ce que la condamnation prononcée par les premiers juges soit portée à la somme de 316 824 euros au titre du préjudice subi au cours des années 1994 à 2012, ou subsidiairement à hauteur de 204 829 euros au titre du préjudice subi au cours des années 2002 à 2012 ; que la cour administrative d'appel de Paris a annulé le jugement du tribunal administratif et rejeté la demande présentée par M.C... ;

2. Considérant, en premier lieu, que c'est sans erreur de droit que la cour a jugé qu'en tant que les conclusions d'appel tendent à la réparation du préjudice né du caractère insuffisant des montants de la prime de gestion et de l'indemnité spécifique qui lui ont été versés au cours des années 2010 à 2012, elles sont, dans cette mesure, irrecevables dès lors que la demande présentée au tribunal administratif de Paris portait sur la réparation du préjudice né du caractère insuffisant de ces versements au cours de la seule période s'achevant en 2009 et que les décisions d'attribution de ces prime et indemnité spécifique sont prises annuellement ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du maire de Paris du 11 février 2010, modifiant l'article 1er d'un arrêté antérieur du 19 juin 2008, MmeB..., chargée de la sous-direction du développement des ressources humaines, s'est vu accorder une délégation de signature notamment pour tous les arrêtés, actes et décisions préparés par les différents services de la direction des ressources humaines ; que le dernier alinéa de l'article 1er de l'arrêté du 19 juin 2008, non modifié, précise que cette délégation s'étend aux actes ayant pour objet, notamment, de défendre la commune dans les actions intentées contre elle ; que si l'article 2 inchangé de l'arrêté du 19 juin 2008 précise que les dispositions de l'article 1er ne sont pas applicables, notamment, aux actes ou décisions relatifs à la situation administrative des architectes voyers, ou aux décisions portant attribution des primes, indemnités au bénéfice de ceux-ci, cette restriction ne s'applique qu'à la mention de " tous les arrêtés, actes et décisions " préparés par les différents services de la direction des ressources humaines et non aux mentions du dernier alinéa de son article 1er ; que la cour n'a ni commis d'erreur de droit ni dénaturé les pièces du dossier en jugeant qu'en vertu de la délégation de signature ainsi accordée, la signataire du mémoire en défense présenté devant les premiers juges le 5 octobre 2010 était compétente pour opposer la prescription quadriennale à la demande de M. C... ;

4. Considérant, en troisième lieu, d'une part, qu'en vertu de la délibération du Conseil de Paris des 15 et 16 novembre 2004, la prime de gestion accordée aux architectes voyers au taux moyen de 9 % pour les architectes-voyers de deuxième classe, peut être modulée, dans la seule limite d'un doublement du taux moyen, en fonction de l'importance du poste et de la qualité des services rendus et, d'autre part, qu'en vertu de la délibération du Conseil de Paris du 8 juillet 1991, accordant une indemnité spécifique aux architectes voyers à compter du 1er janvier 1993, et de l'article 7 du décret du 25 août 2003 relatif à l'indemnité spécifique allouée aux ingénieurs des ponts, des eaux et des forêts et aux fonctionnaires des corps techniques de l'équipement, auquel cette délibération doit être regardée comme renvoyant pour la détermination, notamment, des modalités d'attribution individuelle de cette indemnité, celle-ci donne lieu à une modulation devant tenir compte des fonctions exercées et de la qualité des services rendus ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la manière de servir de M.C..., estimée très insuffisante à plusieurs reprises depuis son entrée dans le corps des architectes voyers, ce qui avait notamment conduit le maire à envisager une procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle en janvier 2002 dont la mise en oeuvre n'avait été abandonnée qu'au vu d'une vigoureuse protestation des collègues de l'intéressé, ne s'était pas améliorée au cours des années suivantes, donnant lieu, sur les années 2005 à 2009, à des notations comportant des notes chiffrées très inférieures à la moyenne des agents de même grade et ancienneté, et à des appréciations littérales très défavorables ; que les rapports établis par les supérieurs de l'intéressé, notamment à l'occasion de la contestation par celui-ci de ses notations des années 2006 et 2008, mettent l'accent, entre autres, sur l'insuffisance de ses connaissances et de son comportement professionnel, portant préjudice au fonctionnement normal du service ; que la cour n'a par suite pas dénaturé les pièces du dossier en estimant que les décisions annuelles fixant les montants de la prime de gestion et de l'indemnité de gestion attribués à M. C...ne révélaient pas une erreur manifeste d'appréciation et par suite une faute de nature à engager la responsabilité de la ville de Paris envers l'intéressé ;

6. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la délibération du Conseil de Paris du 8 juillet 1991 : " A compter du 1er janvier 1993, les architectes voyers de la commune de Paris perçoivent, en sus de la prime de gestion qui leur est attribuée conformément aux dispositions règlementaires en vigueur, et à l'exclusion de toute autre prime et indemnité, une indemnité spécifique (...) / Les avantages annexes de rémunération des architectes voyers sont versés dans des conditions identiques à celles des avantages correspondants des personnels techniques de référence (...) " ; qu'aux termes de l'article 7 du décret du 25 août 2003 : " Les montants de l'indemnité spécifique de service susceptibles d'être servis peuvent faire l'objet de modulation pour tenir compte des fonctions exercées et de la qualité des services rendus dans des conditions fixées par arrêté conjoint du ministre chargé de l'équipement, du ministre chargé du budget et du ministre chargé de la fonction publique " ; que l'arrêté d'application de ce décret, qui fixe des coefficients maximaux de modulation individuelle, selon les corps et les grades, par rapport au taux moyen de l'indemnité spécifique, se borne à préciser " qu'à titre exceptionnel, et par dérogation aux dispositions du présent article, pour tenir compte de la manière de servir, les coefficients de modulation individuelle peuvent être inférieurs aux minimas prévus " ; que par ailleurs, la délibération n° D. 870 du 25 juin 1984, visée par la délibération du 8 juillet 1991, indique en son article 10 que " pour les attributions individuelles, les directeurs doivent respecter les enveloppes de dotation ainsi que les écarts fixés par arrêté du maire de Paris " ; que la ville de Paris a versé au dossier des juges du fond les décisions prises pour chacune des années 2005 à 2009 par le maire de Paris en application des dispositions de l'article 10 de la délibération du 25 juin 1984, prescrivant que les directeurs doivent respecter, par leurs décisions d'attribution individuelle, des écarts compris entre 0,85 et 1,15 pour les fonctionnaires de catégorie A et entre 0,90 et 1,10 pour les fonctionnaires de catégories B et C, et précisant que " les dérogations destinées à tenir compte des situations particulières pourront être autorisées au vu des propositions motivées des directeurs " ;

7. Considérant, d'une part, qu'il résulte de la combinaison des dispositions précitées que la cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que les décisions d'attribution individuelle d'indemnité spécifique prises à l'égard de M. C...au cours des années 2005 à 2009 pouvaient légalement donner lieu à une modulation à la baisse inférieure à 15 % du montant du seuil de référence ;

8. Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, et notamment des nombreuses pièces produites pour la première fois devant la cour par la ville de Paris et relatives à la manière de servir de l'intéressé au cours des années concernées, que la cour n'a ni dénaturé les pièces du dossier ni inexactement qualifié les faits en jugeant que la modulation de l'indemnité spécifique au-delà du seuil de 15 % n'avait pas méconnu les textes applicables ;

9. Considérant, enfin, qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. C...a fait valoir que la procédure d'attribution individuelle a été irrégulière, sur chacune des années litigieuses, en l'absence de propositions motivées du directeur, et que les décisions dérogeant au seuil de 15 % auraient été irrégulièrement prises faute d'avoir été précédées d'une invitation à prendre connaissance du dossier en application de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 ; que la cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que ces vices de procédure, à les supposer établis, ne peuvent en tout état de cause ouvrir droit à réparation au profit de M. C...dès lors qu'il ne ressort pas de l'instruction que les diverses décisions litigieuses étaient entachées d'erreur manifeste d'appréciation eu égard à la manière de servir de l'intéressé, ou entachées d'erreur de fait, d'erreur de droit ou de détournement de pouvoir ; qu'elle n'a ni dénaturé les pièces du dossier ni inexactement qualifié les faits en jugeant que si les décisions d'attribution des primes avaient été régulières, des décisions semblables auraient pu être prises ;

10. Considérant, en cinquième lieu, que le moyen soulevé à titre subsidiaire devant la cour et tiré de ce que le délai de prescription avait été interrompu par la réclamation préalable du 21 juillet 2006 adressée à la ville de Paris, qui se rapportait au moins pour partie aux créances nées de la sous-estimation des indemnités en cause dans le présent litige, n'était pas inopérant ; qu'il appartenait dès lors à la cour d'y répondre ; qu'en n'y répondant pas, la cour administrative d'appel de Paris a insuffisamment motivé son arrêt ; que cet arrêt doit, par suite, être annulé en tant qu'il y est statué sur les conclusions de M. C...relatives aux années antérieures à 2005 ;

11. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler au fond, dans cette mesure, le litige porté par M. C...devant la cour administrative d'appel de Paris ;

12. Considérant que le requérant a soutenu devant la cour administrative d'appel de Paris que le délai de prescription avait été interrompu par la réclamation préalable du 21 juillet 2006 adressée à la ville de Paris, en tant qu'elle se rapportait au moins pour partie aux créances nées de la sous-estimation des prime et indemnité en cause dans le présent litige ; que, toutefois, il ressort de la lettre même de la réclamation préalable en date du 21 juillet 2006 que celle-ci porte exclusivement sur le déroulement de carrière de M. C...et ne peut être regardée comme contestant, même indirectement, les montants de prime de gestion et d'indemnité spécifique attribués au requérant ; que, par suite, M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la révision du montant de la prime de gestion et de l'indemnité qui lui ont été attribuées au titre des années 1984 à 2004 ;

13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la ville de Paris le versement de la somme demandée par M. C...sur ce fondement ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances, de l'espèce de faire droit aux conclusions de la ville de Paris présentée au titre des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris est annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions de M. C...relatives aux années antérieures à 2005.

Article 2 : La requête présentée par M. C...devant la cour administrative d'appel de Paris est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de la ville de Paris présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. A...C...et à la ville de Paris.


Synthèse
Formation : 8ème ssjs
Numéro d'arrêt : 373355
Date de la décision : 30/09/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 30 sep. 2015, n° 373355
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Mathieu Herondart
Rapporteur public ?: Mme Nathalie Escaut
Avocat(s) : SCP MASSE-DESSEN, THOUVENIN, COUDRAY ; SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:373355.20150930
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