Vu la procédure suivante :
M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Nice à l'indemniser des préjudices qu'il estime avoir subis en raison des fautes commises par ce centre hospitalier lors de sa prise en charge en novembre 2002. Par un jugement avant-dire droit n° 0701221 du 6 novembre 2009 et un jugement n° 0701221,0904487 du 1er avril 2011, le tribunal administratif a estimé que la pathologie de M. B...avait été causée par un aléa thérapeutique, que le CHU de Nice avait commis des fautes dans la prise en charge de cette pathologie à l'origine d'une perte de chance de 21,7 %, que l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) devait être considéré comme responsable de 78,3 % des préjudices restants et a condamné l'ONIAM et le centre hospitalier à indemniser M. B... de ses préjudices en fonction de ces pourcentages.
Par un arrêt n° 11MA02643 du 27 février 2014, la cour administrative d'appel de Marseille, saisie en appel par l'ONIAM, a réformé le jugement du tribunal administratif en estimant à 30 % la part de responsabilité de l'ONIAM et à 70 % celle du CHU de Nice puis, après avoir réévalué les préjudices subis par M.B..., a condamné l'ONIAM à l'indemniser à hauteur de 30 % et le CHU de Nice à l'indemniser à hauteur de 21,7 %.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 23 avril et 23 juillet 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de l'ONIAM et du CHU de Nice le versement d'une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Lionel Collet, conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Laurence Marion, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP de Nervo, Poupet, avocat de M.B..., à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à Me Le Prado, avocat du centre hospitalier universitaire de Nice et à la SCP Boutet, Hourdeaux, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes et de l'Institution de prévoyance des salariés de l'automobile, du cycle et du motocycle ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'après avoir subi une opération dentaire au centre hospitalier universitaire (CHU) de Nice, M. B... a développé une myélite inflammatoire et une méningite bactérienne qui ont rendu nécessaire une amputation partielle de sa jambe gauche ; que, saisi par l'intéressé, le tribunal administratif de Nice, par un jugement avant dire droit du 6 novembre 2009, a, d'une part, jugé qu'il avait été victime d'un aléa thérapeutique et que le CHU de Nice avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité dans la prise en charge de la méningite bactérienne ayant résulté de cet aléa et, d'autre part, ordonné une expertise afin de déterminer la perte de chance subie du fait de cette faute ; que, par un jugement du 1er avril 2011, le tribunal administratif a condamné le CHU de Nice à prendre en charge au titre d'une perte de chance 21,7 % des préjudices subis par M. B..., mis le surplus de ces préjudices à la charge de l'ONIAM au titre de l'indemnisation de l'aléa thérapeutique et a accordé à l'intéressé des indemnités d'un montant total de 610 039,85 euros ; que saisie par l'ONIAM, la cour administrative d'appel de Marseille, par un arrêt du 27 février 2014, a estimé que le retard de diagnostic avait été à l'origine pour M. B... d'une perte de chance de 70 % et que l'ONIAM ne devait, par suite, réparer que 30 % des dommages subis ; que si, par le même arrêt, la cour a constaté que le jugement n'était pas contesté en tant qu'il indemnisait la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes, a rejeté comme irrecevables les conclusions des Mutuelles du soleil et condamné le CHU de Nice à rembourser à l'Institut de prévoyance des salariés de l'automobile (IPSA) 70% des frais exposés par lui au titre des pertes de revenus subis par M.B..., elle n'a en revanche condamné le CHU de Nice à indemniser ce dernier qu'à hauteur de 21,7 % des dommages subis par lui ; que M. B... se pourvoit en cassation contre cet arrêt en tant qu'il limite ainsi le montant de son indemnisation ; que, par la voie du pourvoi incident, le CHU de Nice demande la cassation de l'arrêt en tant qu'il fixe à 70% la part de la perte de chance qui lui est imputable ;
2. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que si l'expert désigné par le tribunal administratif de Nice a estimé que, dans le cas d'une infection telle que celle subie par M.B..., une prise en charge au bout de quatorze heures d'évolution des symptômes permettait dans 78,3 % des cas une guérison sans séquelles, il a également précisé que le délai normal de diagnostic d'une telle pathologie était de quatre heures et que, en cas de prise en charge adaptée durant ces premières heures, la victime disposait de 100 % de chances de guérir sans séquelles ; qu'au point 7 de son arrêt, la cour administrative d'appel a relevé que M. B...s'était présenté une première fois aux urgences de l'hôpital le 10 novembre, où le diagnostic de lombo-sciatique avait été posé, et qu'il avait été autorisé à regagner son domicile ; qu'elle a également relevé, d'une part, que M. B...s'était présenté à nouveau dans ce service le lendemain 11 novembre à 10 h 37 et que l'expert avait estimé que le diagnostic posé en fin de matinée aurait dû conduire à l'hospitaliser immédiatement et, d'autre part, que le sapiteur que l'expert s'est adjoint a indiqué qu'un traitement antibiotique mis en route dès 14 h 00 le même jour aurait stabilisé l'état du patient ; que, dans ces conditions, en jugeant, après avoir relevé que, compte tenu du délai normal de diagnostic de ce type de pathologie, M. B...aurait dû recevoir un traitement approprié au plus tard à partir de 14 h 30, heure à laquelle, en l'absence d'installation de lésions irréversibles, il disposait encore d'importantes chances de guérir sans séquelles, que la faute résultant du retard de diagnostic avait entraîné une perte de chance de 70 % d'éviter l'amputation, la cour administrative d'appel a, par un arrêt suffisamment motivé, porté sur les faits de l'espèce une appréciation souveraine exempte de dénaturation ; que, par suite, les conclusions de M. B... et celles du pourvoi incident du centre hospitalier de Nice tendant à l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel en tant qu'il réduit la part du dommage imputable à l'ONIAM doivent être écartées ;
3. Considérant, en second lieu, que pour juger que le CHU de Nice ne devait être condamné à prendre en charge que 21,7 % des préjudices subis par M.B..., alors qu'elle estimait que cet établissement avait été à l'origine d'une perte de chance de 70 % d'éviter le dommage, la cour administrative d'appel a relevé que, dans ses écritures d'appel, M. B...se bornait à conclure à la confirmation de la répartition arrêtée par le tribunal administratif entre les deux établissements publics poursuivis et qu'il avait dès lors abandonné ses conclusions de première instance tendant à ce qu'une indemnisation intégrale soit mise à la charge du CHU de Nice ; qu'en se prononçant ainsi, alors qu'il ressort des pièces du dossier qui lui était soumis que M. B...concluait au rejet de l'appel de l'ONIAM et, par la voie de l'appel incident et de l'appel provoqué, à la majoration des sommes mises à la charge de l'ONIAM et du CHU de Nice, à due concurrence de leurs parts de responsabilité, et que de telles conclusions, qui n'étaient pas nouvelles en appel, étaient recevables, la cour administrative d'appel s'est méprise sur les conclusions qui lui étaient soumises ;
4. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi de M.B..., qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et compte tenu notamment de l'absence de contestation de l'arrêt en ce qui concerne les tiers payeurs, ainsi qu'il a été indiqué au point 1 de la présente décision, de n'annuler l'article 2 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille qu'en tant qu'il se prononce sur le taux de l'indemnisation des préjudices de M. B...mis à la charge du CHU de Nice ;
5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond dans la limite de la cassation prononcée, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
6. Considérant que l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille est devenu définitif en ce qu'il évalue à 70% la chance perdue par M. B...d'échapper aux séquelles dont il souffre en raison du retard fautif du CHU de Nice ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu'il y a lieu de mettre à la charge de cet établissement la réparation de cette fraction des préjudices subis par la victime, la réparation du solde, soit 30% de ces préjudices, incombant à l'ONIAM ; que, par les motifs devenus définitifs de son arrêt, la cour administrative d'appel de Marseille a arrêté à 373 542,68 euros l'assiette totale des sommes devant revenir à M. B...au titre de la réparation de ses préjudices à caractère patrimonial et à 255 000 euros le montant total de ses préjudices à caractère extra-patrimonial ; qu'elle a condamné l'ONIAM à lui verser 30% de ces sommes, soit 188 562,80 euros, et le CHU de Nice à verser à l'IFSA 50 192,68 euros en remboursement de ses débours ; que, par suite, le CHU de Nice doit être condamné à verser à M. B... la somme totale de 289 787,20 euros en réparation des préjudices imputables à la faute commise ; qu'ainsi, la somme de 132 378,65 euros que l'article 3 du jugement du tribunal administratif de Nice a condamné le CHU de Nice à lui verser, sous déduction des sommes déjà versées à titre de provision en application de l'ordonnancer rendue par le juge des référés de ce tribunal, doit être portée à la somme de 289 787,20 euros ;
7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'ONIAM, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B...la somme que demande l'ONIAM au titre de ces dispositions ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CHU de Nice le versement à M. B...de la somme de 3 000 euros au titre de ces dispositions ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'article 2 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 27 février 2014 est annulé en tant qu'il se prononce sur le taux de l'indemnisation des préjudices de M. B...mis à la charge du CHU de Nice.
Article 2 : Le principal de la somme que le centre hospitalier universitaire de Nice a été condamné à payer à M. B... par l'article 3 du jugement du tribunal administratif de Nice du 1er avril 2011 est porté à 289 787,20 euros.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 1er avril 2011 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : Le CHU de Nice versera la somme de 3 000 euros à M. B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions du pourvoi de M. B...est rejeté.
Article 6 : Les conclusions du pourvoi incident du CHU de Nice sont rejetées.
Article 7 : Les conclusions présentées par l'ONIAM au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 8 : La présente décision sera notifiée à M. A...B..., à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, au centre hospitalier universitaire de Nice, à la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes, à l'Institution de prévoyance des salariés de l'automobile, du cycle et du motocycle et aux Mutuelles du soleil.