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03/10/2016 | FRANCE | N°401385

France | France, Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 03 octobre 2016, 401385


Vu la procédure suivante :

La SOCIETE SHELLFISH GROWERS OF IRELAND, la SARL GROUPE A...anciennement SARL PASCAL, la SOCIETE RESEAU MER, la SOCIETE LA FAMILLE A...ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Rennes de mettre fin à la procédure de flagrance fiscale engagée par procès-verbal de flagrance du 10 mai 2016 et la mainlevée de la saisie conservatoire de créances pratiquée le 11 mai 2016 à l'encontre de la SOCIETE SHELLFISH GROWERS OF IRELAND. Par une ordonnance du 30 mai 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Rennes a rejeté cette

demande.

Par un jugement n° 1602440 du 30 juin 2016, le tribunal ad...

Vu la procédure suivante :

La SOCIETE SHELLFISH GROWERS OF IRELAND, la SARL GROUPE A...anciennement SARL PASCAL, la SOCIETE RESEAU MER, la SOCIETE LA FAMILLE A...ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Rennes de mettre fin à la procédure de flagrance fiscale engagée par procès-verbal de flagrance du 10 mai 2016 et la mainlevée de la saisie conservatoire de créances pratiquée le 11 mai 2016 à l'encontre de la SOCIETE SHELLFISH GROWERS OF IRELAND. Par une ordonnance du 30 mai 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Rennes a rejeté cette demande.

Par un jugement n° 1602440 du 30 juin 2016, le tribunal administratif de Rennes a rejeté l'appel de ces sociétés contre cette ordonnance.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés sous le n°401385 les 11 juillet et 26 juillet 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SOCIETE SHELLFISH GROWERS OF IRELAND, la SARL GROUPE A...anciennement SARL PASCAL, la SOCIETE RESEAU MER, la SOCIETE LA FAMILLE A...demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire distinct et un nouveau mémoire, enregistrés les 26 juillet et 16 septembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, la SOCIETE SHELLFISH GROWERS OF IRELAND, la SARL GROUPE A...anciennement SARL PASCAL, la SOCIETE RESEAU MER, la SOCIETE LA FAMILLE A...demandent au Conseil d'État, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de leur pourvoi en cassation, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L.16-0 AB du livre des procédures fiscales.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Célia Verot, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Delaporte, Briard, avocat de la société Shellfish Growers Of Ireland Limited, de la société Groupe A...anciennement Pascal, de la société Réseau mer et de la société La famille A...;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que la société Shellfish Growers of Ireland, enregistrée en Irlande et filiale de la société française SARL GroupeA..., a fait l'objet, à la suite de visites domiciliaires autorisées par ordonnance du 4 mai 2016 du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Saint-Malo, d'un procès-verbal de flagrance fiscale établi le 10 mai 2016, sur le fondement des dispositions de l'article L.16-0 BA du livre des procédures fiscales, en raison de l'exercice en France d'une activité non déclarée, et de la saisie conservatoire, prononcée le 11 mai 2016, d'une somme de 151 109 euros représentant les créances d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée, auprès d'établissements bancaires au sein desquels cette société détenait des comptes bancaires en France. Elle a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Rennes de mettre fin à la procédure de flagrance fiscale et de prononcer la mainlevée des mesures de saisie conservatoire. Par une ordonnance du 30 mai 2016, le juge des référés a rejeté ces demandes. Par un jugement du 30 juin 2016, le tribunal administratif de Rennes a rejeté l'appel des sociétés requérantes contre cette ordonnance.

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

3. Les sociétés requérantes soutiennent, à l'appui de leur pourvoi en cassation contre le jugement attaqué, que les dispositions de l'article L.16-0 BA du livre des procédures fiscales, complétées par celles de l'article L. 252 B du même livre, méconnaissent le droit au recours garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et la liberté d'entreprendre, en ce qu'elles limitent l'office du juge statuant en référé à l'examen des moyens de nature à créer un doute sérieux quant à la régularité de la procédure de flagrance fiscale.

4. Aux termes de l'article L.16-0 BA du livre des procédures fiscales : " I.-Lorsque, dans le cadre des procédures mentionnées aux articles L. 16 B, L. 16 D et L. 80 F, de la vérification sur place de la taxe sur la valeur ajoutée, ainsi que dans le cadre du contrôle inopiné mentionné au dernier alinéa de l'article L. 47, les agents de l'administration des impôts ayant au moins le grade de contrôleur constatent pour un contribuable se livrant à une activité professionnelle et au titre des périodes pour lesquelles l'une des obligations déclaratives prévues aux articles 170, 172, 223 et 287 du code général des impôts n'est pas échue, l'un au moins des faits suivants : 1° L'exercice d'une activité que le contribuable n'a pas fait connaître à un centre de formalité des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, sauf s'il a satisfait, au titre d'une période antérieure, à l'une de ses obligations fiscales déclaratives ; 2° La délivrance de factures ne correspondant pas à la livraison d'une marchandise ou à l'exécution d'une prestation de services, ou de factures afférentes à des livraisons de biens ou à des prestations de services au titre desquelles la taxe sur la valeur ajoutée ne peut faire l'objet d'aucune déduction en application du 3 de l'article 272 du code général des impôts ou la comptabilisation de telles factures reçues ; 3° Lorsqu'ils sont de nature à priver la comptabilité de valeur probante : a) La réitération d'achats, de ventes ou de prestations non comptabilisés ; b) L'utilisation d'un logiciel de comptabilité ou de caisse aux fins de permettre la réalisation de l'un des faits mentionnés au 1° de l'article 1743 du code général des impôts ; 4° Une infraction aux interdictions mentionnées à l'article L. 8221-1 du code du travail ; 5° L'absence réitérée du respect de l'obligation déclarative prévue au 2 de l'article 287 du code général des impôts, / ils peuvent, en cas de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement d'une créance fiscale de la nature de celle mentionnée au premier alinéa, dresser à l'encontre de ce contribuable un procès-verbal de flagrance fiscale. (...) / II.-La notification du procès-verbal de flagrance fiscale permet d'effectuer les mesures conservatoires mentionnées à l'article L. 252 B. (...) / V. Le juge du référé administratif mentionné à l'article L. 279, saisi dans un délai de huit jours à compter de la réception du procès-verbal de flagrance fiscale mentionné au I, met fin à la procédure s'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux sur la régularité de cette procédure. / Le juge du référé statue dans un délai de quinze jours. Faute d'avoir statué dans ce délai, le juge des référés est dessaisi au profit du tribunal administratif qui se prononce en urgence. / La décision du juge du référé est susceptible d'appel devant le tribunal administratif dans le délai de huit jours. Le tribunal se prononce en urgence. / La décision du juge du référé ou du tribunal administratif ordonnant qu'il soit mis fin à la procédure entraîne la mainlevée immédiate des mesures conservatoires éventuellement prises. ". L'article L. 252 B du même livre dispose : " I. Dès la notification du procès-verbal mentionné à l'article L. 16-0 BA, le comptable peut procéder, par dérogation au livre V de la partie législative du code des procédures civiles d'exécution, à une ou plusieurs mesures conservatoires mentionnées aux articles L. 521-1 à L. 533-1 du code des procédures civiles d'exécution (...) ", à hauteur d'un montant dont ce même article fixe la limite supérieure selon l'impôt en cause. Selon le II du même article : " II. Le juge du référé administratif mentionné à l'article L. 279, saisi dans un délai de huit jours à compter de la signification des mesures conservatoires mentionnées au I, ordonne qu'il soit mis fin à l'exécution de ces mesures en cas d'urgence et s'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux sur la régularité de cette procédure. / Le juge du référé statue dans un délai de quinze jours. Faute d'avoir statué dans ce délai, le juge des référés est dessaisi au profit du tribunal administratif qui se prononce en urgence. / La décision du juge du référé est susceptible d'appel devant le tribunal administratif dans le délai de huit jours. Le tribunal se prononce en urgence. / La décision du juge du référé ou du tribunal administratif ordonnant qu'il soit mis fin à l'exécution des mesures conservatoires entraîne leur mainlevée immédiate ".

5. Il résulte des dispositions des articles L.16-0 BA et L. 252 B du livre des procédures fiscales que la mise en oeuvre de la procédure de flagrance fiscale qu'elles prévoient est subordonnée à la constatation par l'administration fiscale d'une des circonstances limitativement énumérées aux 1° à 5° du I de l'article L 16-0 BA et de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement des créances fiscales. Il incombe au juge des référés, saisi d'une demande tendant à mettre fin à cette procédure et à la mainlevée des mesures conservatoires, comme au tribunal administratif statuant en appel, de juger s'il est fait état d'un moyen propre à créer un doute sérieux sur la régularité de cette procédure, en vérifiant notamment, au regard des conditions posées par ces dispositions, d'une part pour engager la procédure de flagrance fiscale, d'autre part pour le prononcé de mesures conservatoires, et au vu des éléments qui lui ont été soumis par les parties, la légalité de l'engagement par l'administration de cette procédure et des mesures prononcées. Dans ces conditions, les dispositions critiquées, qui complètent au demeurant les garanties dont dispose en tout état de cause le contribuable s'il entend contester devant le juge de l'impôt les impositions supplémentaires mises le cas échéant à sa charge à l'issue des procédures de contrôle engagées par l'administration fiscale, ne sauraient être regardées comme méconnaissant le droit au recours ou la liberté d'entreprendre. Ainsi, la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. Il n'y a donc pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.

Sur l'admission du pourvoi en cassation :

6. Aux termes de l'article L. 822-1 du code de justice administrative : " Le pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat fait l'objet d'une procédure préalable d'admission. L'admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n'est fondé sur aucun moyen sérieux ".

7. Pour demander l'annulation du jugement qu'elles attaquent, les sociétés requérantes soutiennent que :

- le tribunal administratif de Rennes a commis une erreur de droit et dénaturé les pièces du dossier en jugeant que n'était pas de nature à créer un doute sérieux quant à la régularité de la procédure le moyen tiré de l'absence d'exercice d'une activité en France de la société Shellfish Growers of Ireland ;

- le tribunal administratif de Rennes a commis une erreur de droit et insuffisamment motivé le jugement attaqué en jugeant que n'était pas de nature à créer un doute sérieux quant à la régularité de la procédure le moyen tiré de l'absence de risque de non recouvrement des créances du Trésor.

8. Ces moyens ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi.

D E C I D E :

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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société Shellfish Growers of Ireland et autres.

Article 2 : Le pourvoi de la société Shellfish Growers of Ireland et autres n'est pas admis.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE SHELLFISH GROWERS OF IRELAND, à la SARL GROUPE A...anciennement SARL PASCAL, à la SOCIETE RESEAU MER, à la SOCIETE LA FAMILLEA..., au Premier ministre et au ministre de l'économie et des finances.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel.


Synthèse
Formation : 3ème - 8ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 401385
Date de la décision : 03/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 03 oct. 2016, n° 401385
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Célia Verot
Rapporteur public ?: Mme Emmanuelle Cortot-Boucher
Avocat(s) : SCP DELAPORTE, BRIARD

Origine de la décision
Date de l'import : 21/02/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:401385.20161003
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