Vu la procédure suivante :
Mme B...A...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Melun d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du président du conseil départemental du Val-de-Marne du 21 octobre 2016 rejetant sa demande de prolongation d'activité au-delà de la limite d'âge.
Par une ordonnance n° 1608917 du 9 novembre 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Melun a suspendu l'exécution de la décision litigieuse jusqu'à ce que le tribunal administratif statue sur la requête à fin d'annulation de cette décision.
Par un pourvoi sommaire et deux mémoires complémentaires, enregistrés les 25 novembre 2016, 12 décembre 2016 et 29 décembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le département du Val-de-Marne demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demande de Mme A...;
3°) de mettre à la charge de Mme A...la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 ;
- le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ;
- le décret n° 2009-1744 du 30 décembre 2009 ;
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Géraud Sajust de Bergues, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat du département du Val-de-Marne et à Me Haas, avocat de Mme B...A...;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que MmeA..., médecin territorial affecté au conseil départemental du Val-de-Marne, a, sur sa demande, obtenu une prolongation d'activité au-delà de l'âge limite de la retraite, qu'elle a atteint le 17 novembre 2015, jusqu'au 16 novembre 2016. L'intéressée ayant sollicité une nouvelle prolongation d'activité, le président du conseil départemental du Val-de-Marne n'a pas fait droit à cette demande par décision du 21 octobre 2016. Mme A...a saisi le tribunal administratif de Melun d'une demande tendant à l'annulation de cette décision ainsi que le juge des référés du tribunal administratif de Melun d'une demande de suspension de l'exécution de cette même décision sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative. Par une ordonnance n° 1608917 du 9 novembre 2016, contre laquelle le département du Val-de-Marne se pourvoit en cassation, le juge des référés de ce tribunal a suspendu l'exécution de la décision litigieuse.
2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (...) ".
3. Aux termes, d'une part, de l'article 1er de la loi du 13 septembre 1984 relative à la limite d'âge dans la fonction publique et le secteur public : " Sous réserve des reculs de limite d'âge pouvant résulter des textes applicables à l'ensemble des agents de l'Etat, la limite d'âge des fonctionnaires civils de l'Etat est fixée à soixante-sept ans lorsqu'elle était, avant l'intervention de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, fixée à soixante-cinq ans (...) ". Aux termes de l'article 1-1 de cette même loi : " Sous réserve des droits au recul des limites d'âge reconnus au titre des dispositions de la loi du 18 août 1936 concernant les mises à la retraite par ancienneté, les fonctionnaires dont la durée des services liquidables est inférieure à celle définie à l'article L. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite peuvent, lorsqu'ils atteignent les limites d'âge applicables aux corps auxquels ils appartiennent, sur leur demande, sous réserve de l'intérêt du service et de leur aptitude physique, être maintenus en activité (...) ". Aux termes de l'article 1-3 de cette même loi : " Sous réserve des droits au recul des limites d'âge prévus par l'article 4 de la loi du 18 août 1936 concernant les mises à la retraite par ancienneté, les fonctionnaires régis par la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires appartenant à des corps ou des cadres d'emplois dont la limite d'âge est inférieure à la limite d'âge prévue au premier alinéa de l'article 1er de la présente loi sont, sur leur demande, lorsqu'ils atteignent cette limite d'âge, maintenus en activité jusqu'à un âge égal à la limite d'âge prévue au même premier alinéa, dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat, sous réserve de leur aptitude physique (...) ".
4. Aux termes, d'autre part, de l'article 4 du décret du 30 décembre 2009 pris pour l'application de l'article 1-3 de la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 relative à la limite d'âge dans la fonction publique et le secteur public : " I. - La demande de prolongation d'activité est présentée par le fonctionnaire à l'employeur public au plus tard 6 mois avant la survenance de la limite d'âge. (...) / La demande est accompagnée d'un certificat médical appréciant, au regard du poste occupé, l'aptitude physique de l'intéressé. Il est délivré par le médecin agréé prévu à l'article 1er du décret du 14 mars 1986 susvisé ou, le cas échéant, lorsque les statuts particuliers le prévoient, par le médecin habilité à apprécier l'aptitude physique du fonctionnaire. (...) / II. - Le demandeur et l'employeur public peuvent contester les conclusions du certificat médical devant le comité médical prévu à l'article 6 du décret du 14 mars 1986, ou, si le demandeur appartient à la fonction publique territoriale, devant le comité médical prévu à l'article 3 du décret du 30 juillet 1987 susvisés (...) ".
5. Pour juger que le moyen tiré de ce que le président du conseil départemental du Val-de-Marne devait saisir le comité médical s'il souhaitait ne pas se conformer à l'avis du médecin agréé était propre à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision litigieuse, le juge des référés s'est fondée sur les dispositions précitées du décret du 30 décembre 2009. Il ressort toutefois des pièces du dossier qui lui était soumis que la demande de prolongation d'activité de MmeA..., qui n'appartenait pas à un cadre d'emplois dont la limite d'âge est inférieure à la limite d'âge prévue au premier alinéa de l'article 1er de la loi du 13 septembre 1984, se fondait sur les dispositions de l'article 1-1 de cette loi. Dès lors, en faisant application des dispositions du décret du 30 décembre 2009, qui ne concernent que les demandes présentées sur le fondement de l'article 1-3 de la loi du 13 septembre 1984, le juge des référés a entaché son ordonnance d'erreur de droit. Par suite, le département du Val-de-Marne est fondé, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, à en demander l'annulation.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de statuer sur la demande de suspension en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
7. La condition d'urgence à laquelle est subordonné le prononcé d'une mesure de suspension doit être regardée comme remplie lorsque la décision contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à la situation du requérant et aux intérêts qu'il entend défendre. Il en va ainsi, alors même que cette décision n'aurait un objet ou des répercussions que purement financiers et que, en cas d'annulation, ses effets pourraient être effacés par une réparation pécuniaire. Il appartient au juge des référés, saisi d'une demande tendant à la suspension d'une telle décision, d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de celle-ci sur la situation de ce dernier ou, le cas échéant, des personnes concernées, sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue.
8. Aux termes de l'article 20 du décret du 26 décembre 2009 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) : " I.- La durée d'assurance totalise la durée des services et bonifications admissibles en liquidation prévue à l'article 16, augmentée, le cas échéant, de la durée d'assurance et des périodes reconnues équivalentes validées dans un ou plusieurs autres régimes de retraite de base obligatoires. Pour le calcul de la durée d'assurance, une année civile ne peut compter plus de quatre trimestres, sous réserve des bonifications mentionnées à l'article 15 et des majorations de cette durée prévues par l'article 21 du présent décret. / II.- Lorsque la durée d'assurance est inférieure au nombre de trimestres nécessaires pour obtenir le pourcentage maximum de la pension mentionné à l'article 16, un coefficient de minoration de 1,25 % par trimestre s'applique au montant de la pension liquidée en application des articles 16 et 17 dans la limite de vingt trimestres (...) ".
9. Pour justifier l'urgence que présenterait la suspension de la décision 21 octobre 2016 par laquelle le président du conseil départemental du Val-de-Marne a rejeté sa demande de prolongation d'activité au-delà de la limite d'âge, Mme A...se borne à invoquer les conséquences pécuniaires de cette décision en cas de mise à la retraite d'office, en relevant que le montant de la pension qu'elle percevrait serait réduit du fait qu'elle n'aurait pas pu bénéficier de dix trimestres supplémentaires d'activité, sans toutefois apporter aucune précision sur le caractère insuffisant de la pension qui lui a déjà été octroyée au regard de ses charges actuelles. Dans ces conditions, Mme A...ne justifie pas d'une situation d'urgence au sens des dispositions précitées de l'article L. 521-1 du code de justice administrative et, sans qu'il y ait lieu de rechercher s'il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée, n'est par suite pas fondée à demander la suspension de l'exécution de la décision du 21 octobre 2016 du président du conseil départemental du Val-de-Marne.
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge du département du Val-de-Marne qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le département du Val-de-Marne au titre des mêmes dispositions.
D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Melun du 9 novembre 2016 est annulée.
Article 2 : La demande présentée par Mme A...devant le juge des référés du tribunal administratif de Melun est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions du département du Val-de-Marne présenté au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au conseil départemental du Val-de-Marne et à Mme B...A....
Copie en sera adressée à la ministre de la fonction publique.