Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 12 avril 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération nationale des médecins radiologues, le Conseil professionnel de la radiologie française, la Confédération des syndicats médicaux français, le Syndicat national de la médecine nucléaire et l'Union nationale des médecins spécialistes confédérés demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 16 janvier 2017 du directeur général de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (UNCAM) relative à la liste des actes et prestations pris en charge par l'assurance maladie, ainsi que la décision implicite par laquelle l'UNCAM a rejeté le recours gracieux formé contre cette décision le 10 février 2017 par la Fédération nationale des médecins radiologues ;
2°) de mettre à la charge de l'UNCAM la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016 ;
- le code de justice administrative.
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Marie Sirinelli, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de la Fédération nationale des médecins radiologues, du Conseil professionnel de la radiologie française, de la Confédération des syndicats médicaux français, du Syndicat national de la médecine nucléaire et de l'Union nationale des médecins spécialistes confédérés, et à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie.
Considérant ce qui suit :
1. Par la décision du 16 janvier 2017 dont les organisations requérantes demandent l'annulation pour excès de pouvoir, le directeur général de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (UNCAM) a, d'une part, diminué certains des tarifs des forfaits techniques destinés à rémunérer les frais d'amortissement et de fonctionnement des équipements de scanographie, de remnographie et de tomographie à émission de positons figurant au sous-titre 3 de l'annexe 1 de la convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l'assurance maladie, signée le 25 août 2016 et approuvée par un arrêté du 20 octobre 2016, et, d'autre part, modifié la classification de ces équipements figurant à l'annexe 3 de la liste des actes et prestations pris en charge par l'assurance maladie adoptée par la décision de l'UNCAM du 11 mars 2005 modifiée.
Sur l'intervention de la Fédération des médecins de France :
2. La Fédération des médecins de France justifie d'un intérêt suffisant à l'annulation de la décision attaquée. Ainsi, son intervention au soutien de la requête de la Fédération nationale des médecins radiologues et des autres organisations requérantes, de même que, par mémoire distinct, au soutien de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par celles-ci, est recevable.
Sur la question prioritaire de constitutionnalité :
3. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.
4. Par le I de l'article 99 de la loi du 23 décembre 2016 de financement de la sécurité sociale pour 2017, le législateur a modifié l'article L. 162-5 du code de la sécurité sociale pour prévoir qu'il appartenait aux conventions nationales conclues entre l'UNCAM et les organisations syndicales représentatives de médecins de déterminer non seulement " les rémunérations liées à l'acquisition et au fonctionnement des équipements lourds d'imagerie médicale " mais aussi " la classification associée " et a introduit, dans ce code, deux nouveaux articles L. 162-1-9 et L. 162-1-9-1 instaurant une procédure particulière de renégociation, au moins une fois tous les trois ans, de ces rémunérations et de cette classification, ainsi que de détermination par le directeur général de l'UNCAM, à défaut d'accord conventionnel. Aux termes du II de cet article, il a prévu que : " Par dérogation à la procédure prévue à l'article L. 162-1-9-1 du code de la sécurité sociale, dans un délai d'un mois à compter de la publication de la présente loi, le directeur général de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie peut procéder à la fixation des rémunérations et de la classification mentionnées au même article L. 162-1-9-1. Cette décision est transmise par le directeur général de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie aux ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale. Elle est réputée approuvée sauf opposition motivée des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale avant l'expiration d'un délai de quarante-cinq jours ". Par ces dispositions, ainsi qu'il ressort des travaux préparatoires à l'adoption de la loi du 23 décembre 2016, le législateur a entendu, pour assurer le respect de l'exigence constitutionnelle d'équilibre financier de la sécurité sociale qui découle du dix-neuvième alinéa de l'article 34 de la Constitution, créer un mécanisme garantissant la réactualisation, à intervalles réguliers, des forfaits techniques destinés à rémunérer les frais d'amortissement et de fonctionnement des équipements lourds d'imagerie médicale et, à titre dérogatoire, autoriser l'UNCAM à procéder immédiatement à une première réactualisation, alors que, ainsi que la Cour des comptes l'avait relevé dans un rapport d'avril 2016, la base de leur détermination n'avait pas été revue de longue date en dépit d'une augmentation de 40 % de la dépense correspondante depuis 2010 et que les négociations sectorielles engagées sur ce point n'avaient pu aboutir.
5. En premier lieu, les requérants soutiennent que les dispositions du II de l'article 99 de la loi du 23 décembre 2016, en permettant au directeur général de l'UNCAM de modifier unilatéralement les tarifs des forfaits techniques issus de la convention nationale conclue le 25 août 2016, méconnaissent le principe de liberté contractuelle. Il résulte notamment de ce principe que législateur ne saurait porter aux contrats légalement conclus une atteinte qui ne soit justifiée par un motif d'intérêt général suffisant sans méconnaître les exigences résultant des articles 4 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Toutefois, eu égard tant à l'objectif poursuivi qu'à la nature particulière des conventions conclues entre l'UNCAM et les organisations représentatives de médecins sur le fondement de l'article L. 162-5 du code de la sécurité sociale, dont l'approbation par les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale en vertu de l'article L. 162-15 du même code, nécessaire à leur entrée en vigueur, a pour effet de conférer un caractère réglementaire à leurs stipulations, le législateur pouvait permettre, par le II de l'article 99 précité, qu'il soit unilatéralement procédé à la modification d'une telle convention sans porter atteinte au principe de liberté contractuelle.
6. En second lieu, les requérants soutiennent que, par les mêmes dispositions, le législateur a méconnu sa propre compétence dans des conditions de nature à affecter la liberté d'entreprendre découlant de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Aux termes de l'article 34 de la Constitution : " (...) la loi détermine les principes fondamentaux : (...) de la sécurité sociale (...) ". Figure au nombre des principes fondamentaux relevant de la compétence du législateur celui d'après lequel le tarif des actes dispensés aux assurés sociaux par un professionnel de santé dans le cadre d'un exercice libéral est fixé par voie de convention passée avec les professionnels concernés ou leurs organisations représentatives ou, à défaut, par voie d'autorité. De même, relèvent de sa compétence les exceptions apportées à ce principe. En revanche, ressortit à la compétence du pouvoir réglementaire la détermination des modalités de mise en oeuvre des principes fondamentaux posés par le législateur. En donnant compétence au directeur général de l'UNCAM pour fixer les rémunérations liées à l'acquisition et au fonctionnement des équipements lourds d'imagerie médicale ainsi que leur classification, pour une période transitoire d'une durée limitée à un mois, le législateur a défini avec une précision suffisante les conditions de la procédure dérogatoire qu'il instaurait. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'incompétence négative doit être écarté.
7. La question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente donc pas un caractère sérieux. Il en résulte que, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que le II de l'article 99 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté.
Sur les autres moyens de la requête :
8. En premier lieu, l'article L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale prévoit que la liste des actes et prestations pris en charge par l'assurance maladie est établie par l'UNCAM, le II de l'article L. 182-2-4 du même code précisant que : " Le collège des directeurs : / 1° Met en oeuvre les orientations fixées par le conseil relatives aux inscriptions d'actes et prestations prévues aux articles L. 162-1-7 et L. 162-1-7-2 (...) ". Toutefois, le II de l'article 99 précité de la loi du 23 décembre 2016 dispose que : " (...) dans un délai d'un mois à compter de la publication de la présente loi, le directeur général de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie peut procéder à la fixation des rémunérations et de la classification mentionnées au même article L. 162-1-9-1 (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pendant la période considérée, le directeur général de l'UNCAM pouvait légalement, non seulement modifier les rémunérations liées à l'acquisition et au fonctionnement des équipements matériels lourds d'imagerie médicale, mais également, par dérogation à la compétence confiée au collège des directeurs par l'article L. 182-2-4 précité du code de la sécurité sociale et à la procédure instaurée par l'article L. 162-1-9-1 du même code, modifier la classification qui leur est associée, figurant à l'annexe 3 de la liste des actes et prestations adoptée par décision de l'UNCAM. Le moyen tiré de l'incompétence du directeur général de l'UNCAM pour prendre la décision du 16 janvier 2017, en ce qu'elle procède à une telle modification, doit donc être écarté.
9. En deuxième lieu, il résulte, de même, des dispositions précitées du II l'article 99 de la loi du 23 décembre 2016 que les procédures de consultation et d'information prévues, pour l'établissement ou la modification de la liste des actes et prestations, par l'article L. 162-1-7 et le II de l'article R. 162-52 du code de la sécurité sociale, ne trouvaient pas à s'appliquer à la décision prise par le directeur général de l'UNCAM sur leur fondement. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait intervenue au terme d'une procédure irrégulière, faute d'avoir été précédée de l'avis de la Haute Autorité de santé et de l'Union nationale des organismes d'assurance maladie complémentaire, ainsi que de l'information de la Fédération nationale des médecins radiologues, doit être écarté.
10. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que la décision attaquée, qui diminue certains tarifs de forfaits techniques applicables aux équipements lourds d'imagerie médicale, tout en modifiant la classification de ces équipements figurant à l'annexe 3 de la liste des actes et prestations pris en charge par l'assurance maladie, réduit, dans une proportion de l'ordre de 2 %, la dépense qui en résulte pour l'assurance maladie. Elle repose sur le constat d'écarts entre le montant des forfaits techniques, s'élevant à plus d'1,1 milliard d'euros en 2016, et les coûts d'investissement et d'exploitation des équipements qu'ils visent à financer, exposé notamment dans le rapport consacré par la Cour des comptes en 2016 à l'imagerie médicale, ainsi que sur l'exigence constitutionnelle, énoncée à l'article 34 de la Constitution, de poursuite de l'équilibre financier de la sécurité sociale. Dans ces conditions, et alors que les requérants ne précisent pas les difficultés que cette mesure est susceptible d'engendrer pour l'exercice, par les médecins radiologues, de leur activité, concourant à la qualité du système de soins, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entachée la décision attaquée doit être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de la Fédération nationale des médecins radiologues, du Conseil professionnel de la radiologie française, de la Confédération des syndicats médicaux français, du Syndicat national de la médecine nucléaire et de l'Union nationale des médecins spécialistes confédérés doit être rejetée, y compris leurs conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : L'intervention de la Fédération des médecins de France est admise.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la Fédération nationale des médecins radiologues, le Conseil professionnel de la radiologie française, la Confédération des syndicats médicaux français, le Syndicat national de la médecine nucléaire et l'Union nationale des médecins spécialistes confédérés.
Article 3 : La requête de la Fédération nationale des médecins radiologues, du Conseil professionnel de la radiologie française, de la Confédération des syndicats médicaux français, du Syndicat national de la médecine nucléaire et de l'Union nationale des médecins spécialistes confédérés est rejetée.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la Fédération nationale des médecins radiologues, première dénommée, pour l'ensemble des requérants, à la Fédération des médecins de France, à l'Union nationale des caisses d'assurance maladie et à la ministre des solidarités et de la santé.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.