Vu la procédure suivante :
La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Lille-Douai a demandé à la section des assurances sociales de la chambre disciplinaire de première instance de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes du Nord-Pas-de-Calais de condamner M. B...A...dit C... à l'une des sanctions prévues par l'article L. 145-5-2 du code de la sécurité sociale et au remboursement de la somme de 85 609,56 euros au titre des honoraires abusifs. Par une décision n° 2014-007 du 26 mai 2015, la section des assurances sociales a rejeté ces conclusions.
Par une décision n° 003-2015 du 1er août 2016, la section des assurances sociales du Conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes, saisie d'un appel de la CPAM de Lille-Douai, a annulé cette décision, infligé à M. A...dit C... la sanction de l'interdiction du droit de donner des soins aux assurés sociaux pendant une durée de 90 jours dont 45 jours assortis du bénéfice du sursis, et rejeté la demande de remboursement présentée par la CPAM au titre des abus d'honoraires.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 30 septembre et 30 décembre 2016 et 20 septembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la CPAM de Lille-Douai demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette décision en tant qu'elle rejette ses conclusions tendant à ce que M. A...dit C... lui rembourse la somme de 85 609,56 euros ou, à titre subsidiaire, de 20 657,28 euros ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à l'ensemble des conclusions présentées par elle en appel et en première instance ;
3°) de mettre en charge de M. A...dit C... une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Alain Seban, conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Laurence Marion, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de Lille-Douai, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de M. A...C...et à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat du conseil national de l'ordre national des masseurs-kinésithérapeutes ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, saisie par la caisse primaire d'assurance-maladie (CPAM) de Lille-Douai d'une plainte à l'encontre de M. B...A...dit C... , la chambre disciplinaire de première instance du Nord-Pas-de-Calais de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes a, par une décision du 26 mai 2015, estimé qu'il n'y avait pas lieu d'infliger à l'intéressé une des sanctions prévues à l'article L. 145-5-2 du code de la sécurité sociale ; que, sur appel de la caisse, la section des assurances sociales du Conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes a, par une décision du 1er août 2016, retenu, eu égard aux nombres d'actes déclarés par ce praticien et à la durée moyenne de trente minutes résultant de la nomenclature générale de l'activité professionnelle, que l'intéressé avait dispensé des soins dans des conditions ne permettant pas d'en assurer la qualité et lui a infligé la sanction de l'interdiction du droit de donner des soins aux assurés sociaux pendant une durée de 90 jours, dont 45 jours assortis du bénéfice du sursis, mais rejeté la demande de remboursement présentée par la caisse primaire au titre d'abus d'honoraires ; que la caisse se pourvoit en cassation contre cette décision en tant qu'elle rejette sa demande de remboursement ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 145-5-2 du code de la sécurité sociale : " Les sanctions susceptibles d'être prononcées par la section des assurances sociales de la chambre disciplinaire de première instance et par la section des assurances sociales du conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes (...) sont : (...) 4° Dans le cas d'abus d'honoraires, le remboursement à l'assuré du trop-remboursé (...) " ; que constituent des honoraires abusifs au sens du 4° de l'article L. 145-2- du code de la sécurité sociale ceux qui sont réclamés pour un acte facturé sans avoir jamais été réalisé, pour un acte surcoté, pour un acte réalisé dans des conditions telles qu'alors même qu'il a été effectivement pratiqué il équivaut à une absence de soins, ou encore ceux dont le montant est établi sans tact ni mesure ;
3. Considérant qu'il résulte des termes mêmes de la décision attaquée que la section des assurances sociales du Conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes a estimé que, pour certaines périodes ou journées, M. A...dit C... avait facturé à ses patients un nombre de séances si important que le temps consacré à chacun d'eux ne pouvait avoir été suffisant pour garantir la qualité des soins, la durée réglementaire de trente minutes multipliée par le nombre de séances faisant apparaître, pour 214 journées au cours de la période soumise au contrôle, une durée d'activité théorique supérieure à 15 heures pour 214 journées et supérieure à 23 heures pour 23 journées ; qu'ayant ainsi relevé la pratique par l'intéressé d'un nombre très excessif de cotations journalières, la section des assurances sociales ne pouvait, sans commettre d'erreur de droit, écarter le grief tiré de ce qu'un tel comportement était constitutif d'un abus d'honoraires, en se fondant sur le seul motif que la caisse n'avait pas produit une appréciation médicale de la qualité des soins prodigués par M. A... dit C... ; qu'il lui appartenait de déterminer si le nombre global d'actes effectués par l'intéressé au cours d'une même journée révélait la cotation d'actes fictifs ou d'actes effectués dans des conditions telles qu'ils équivalaient à une absence de soins, constitutifs par suite d'un abus d'honoraires pouvant donner lieu à reversement de sa part aux organismes de sécurité sociale ; que, dans l'affirmative, il lui appartenait de prononcer la sanction de reversement, le cas échéant en la fixant selon des modalités différentes de celles proposées par la CPAM de Lille-Douai ; que, dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, la caisse requérante est fondée à demander l'annulation de cette décision en tant qu'elle rejette ses conclusions aux fins de remboursement d'honoraires ;
4. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la caisse primaire d'assurance maladie de Lille-Douai, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que M. A... dit C... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ce dernier la somme de 3 000 euros à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de Lille-Douai au titre des mêmes dispositions ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La décision du 1er août 2016 de la section des assurances sociales du conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes est annulée en tant qu'elle rejette les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de Lille-Douai tendant à ce que M. A... dit C... lui rembourse la somme de 85 609,56 euros.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans la limite de la cassation prononcée à l'article 1er ci-dessus, à la section des assurances sociales du conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes.
Article 3 : M. A... dit C... versera à la CPAM de Lille-Douai la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par M. A... dit C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la CPAM de Lille-Douai et à M. B... A...dit C... .