Vu la procédure suivante :
La société Sodex Saint-François a demandé à la cour administrative d'appel de Bordeaux d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 11 mars 2015 A...lequel le maire de la commune de Saint-François a accordé à la société Lunabam un permis de construire pour un bâtiment commercial comprenant une surface de plancher de 2 545 m². A...une ordonnance n° 17BX02040 du 14 août 2017, la présidente de la première chambre de la cour administrative d'appel a rejeté sa requête.
A...un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 16 octobre et 13 décembre 2017 et les 13 juillet et 1er octobre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Sodex Saint-François demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa requête ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-François la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de commerce ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Sara-Lou Gerber, auditeur,
- les conclusions de Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Monod, Colin, Stoclet, avocat de la société Sodex Saint-Francois et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Lunabam ;
Considérant ce qui suit :
1. La société Sodex Saint-François a demandé à la cour administrative d'appel de Bordeaux d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 11 mars 2015 A...lequel le maire de la commune de Saint-François (Guadeloupe) a accordé à la société Lunabam l'autorisation de construire un ensemble commercial d'une surface de plancher de 2 545 m. A...l'ordonnance attaquée du 14 août 2017, la présidente de la 1ère chambre de la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa requête.
2. Aux termes de l'article L. 752-1 du code de commerce : " Sont soumis à une autorisation d'exploitation commerciale les projets ayant pour objet : / 1° La création d'un magasin de commerce de détail d'une surface de vente supérieure à 1 000 mètres carrés, résultant soit d'une construction nouvelle, soit de la transformation d'un immeuble existant ; (...) ". Aux termes de l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet est soumis à autorisation d'exploitation commerciale au sens de l'article L.752-1 du code de commerce, le permis de construire tient lieu d'autorisation dès lors que la demande de permis a fait l'objet d'un avis favorable de la commission d'aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d'aménagement commercial ". Il résulte des termes mêmes de l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme qu'un permis, même délivré pour un projet soumis à autorisation d'exploitation commerciale en vertu de l'article L. 752-1 du code de commerce, ne peut tenir lieu d'une telle autorisation lorsque le projet n'a pas été, au préalable, soumis pour avis à une commission départementale d'aménagement commercial.
3. Il résulte A...ailleurs des dispositions de l'article L. 600-1-4 du code de l'urbanisme que " Lorsqu'il est saisi A...une personne mentionnée à l'article L. 752-17 du code de commerce d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis de construire mentionné à l'article L. 425-4 du présent code, le juge administratif ne peut être saisi de conclusions tendant à l'annulation de ce permis qu'en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale (...) / Lorsqu'il est saisi A...une personne mentionnée à l'article L. 600-1-2 d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis de construire mentionné à l'article L. 425-4, le juge administratif ne peut être saisi de conclusions tendant à l'annulation de ce permis qu'en tant qu'il vaut autorisation de construire. ". Figurent notamment au nombre des personnes mentionnées à l'article L. 752-17 du code de commerce, les professionnels dont l'activité, exercée dans les limites de la zone de chalandise définie pour le projet, est susceptible d'être affectée A...celui-ci.
4. En premier lieu, il est constant que le projet pour lequel a été délivré le permis litigieux n'a pas été soumis pour avis à la commission départementale d'aménagement commercial de Guadeloupe, ni d'ailleurs à aucune autre commission départementale. A...suite, alors même que ce projet présenterait une surface de vente le soumettant, en vertu de l'article L. 752-1 du code de commerce, à une autorisation d'exploitation commerciale, le permis délivré à la société Lunabam A...le maire de Saint-François ne tient pas lieu d'autorisation d'exploitation commerciale. L'ordonnance attaquée n'est donc pas entachée d'erreur de droit en ce qu'elle juge que la société Sodex Saint-François, qui ne fait état que de sa qualité de concurrent de la société Lunabam, n'est pas recevable à en demander l'annulation en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale.
5. En second lieu, dès lors que la requête de la société Sodex Saint-François était, comme il a été dit au point précédent, entachée d'une irrecevabilité manifeste insusceptible d'être couverte en cours d'instance, la présidente de la première chambre de la cour administrative d'appel, qui n'avait pas à inviter la société à régulariser sa requête, était compétente pour la rejeter, en vertu des dispositions des articles R. 222-1 et R. 351-4 du code de justice administrative. Il suit de là que la société Sodex Saint-François n'est pas fondée à soutenir que l'ordonnance qu'elle attaque, qui est suffisamment motivée, a été prise A...une juridiction incompétente.
6. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de la société Sodex Saint-François doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Sodex Saint-François une somme de 3 000 euros à verser à la société Lunabam, en application de ces mêmes dispositions.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la société Sodex Saint-François est rejeté.
Article 2 : La société Sodex Saint-François versera à la société Lunabam une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Sodex Saint-François et à la société Lunabam.
Copie en sera adressée à la commune de Saint-François.