Vu la procédure suivante :
M. et Mme A...C...ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 19 février 2013 par lequel le maire de l'Île de Houat a accordé à Mme D...B...un permis de construire en vue de l'édification d'une maison d'habitation. Par un jugement n° 1302508 du 11 décembre 2015, le tribunal administratif a fait droit à leur demande.
Par un arrêt n° 16NT00334 du 29 mai 2017, la cour administrative d'appel de Nantes a, sur appel de MmeB..., annulé le jugement du tribunal administratif de Rennes et rejeté la demande formée par M. et MmeC....
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 27 juillet et 24 octobre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, M. et Mme C...demandent au Conseil d'État :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de Mme B...;
3°) de mettre à la charge de Mme B...la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Coralie Albumazard, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de M. et Mme C...et à la SCP Gaschignard, avocat de MmeB....
Vu la note en délibéré, enregistrée le 4 mars 2019, présentée par M. et Mme C....
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, par un arrêté du 19 février 2013, le maire de l'Île de Houat (Morbihan) a accordé à Mme B...un permis de construire en vue de l'édification d'une maison d'habitation. Par un jugement du 11 décembre 2015, le tribunal administratif de Rennes a, à la demande de M. et MmeC..., annulé pour excès de pouvoir cet arrêté au motif que la construction envisagée, uniquement desservie par un chemin côtier bénéficiant de la servitude de passage grevant les propriétés riveraines du domaine public maritime en application de l'article L. 160-6 du code de l'urbanisme, ne dispose pas de l'accès exigé par les dispositions de l'article UB 3 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune. Par un arrêt du 29 mai 2017, contre lequel M. et Mme C...se pourvoient en cassation, la cour administrative d'appel de Nantes a annulé le jugement du tribunal administratif et rejeté leur demande.
Sur les moyens relatifs aux accès et à la voirie :
2. L'article UB 3 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune de l'Île de Houat dispose : " I. Accès. Pour être constructible, un terrain doit avoir accès à une voie publique ou privée soit directement soit par l'intermédiaire d'un droit de passage acquis sur fond voisin. Les accès doivent être adaptés à l'opération et aménagés de façon à apporter la moindre gêne à la circulation publique. II. Voirie. Les dimensions, formes et caractéristiques techniques des voies publiques ou privées doivent être adaptées aux usages qu'elles supportent ou aux opérations qu'elles doivent desservir. Les voies doivent présenter des caractéristiques permettant de satisfaire aux exigences de la sécurité des usagers, de la lutte contre l'incendie et de la protection civile ".
3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que si le terrain d'emprise du projet litigieux est classé pour partie en zone UB et pour partie en zone NDA, l'assiette de la maison pour laquelle le permis de construire a été délivré se trouve entièrement en zone UB. Par suite, M. et Mme C...ne sont pas fondés à soutenir qu'en faisant application des dispositions régissant la zone UB alors que l'accès de la parcelle au chemin côtier se trouve en zone NDA, la cour aurait entaché son arrêt d'une erreur de droit, d'une erreur de qualification juridique ou d'une dénaturation des faits de l'espèce et des pièces du dossier.
4. En deuxième lieu, le premier alinéa de l'article L. 160-6 du code de l'urbanisme alors en vigueur, dont les dispositions sont aujourd'hui reprises à l'article L. 121-31 du même code, dispose que : " Les propriétés riveraines du domaine public maritime sont grevées sur une bande de trois mètres de largeur d'une servitude destinée à assurer exclusivement le passage des piétons ". Aux termes de l'article R. 160-26 du même code, alors en vigueur : " La servitude entraîne, pour toute personne qui emprunte le passage, l'obligation de n'utiliser celui-ci que conformément aux fins définies par l'article L. 160-6 (...) ". Si la servitude de passage sur les propriétés riveraines du domaine public maritime ainsi instituée a pour objet d'instaurer un droit de passage réservé aux piétons, elle peut en outre avoir pour effet, dans certaines circonstances, d'assurer la desserte d'une parcelle. Par suite, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en n'écartant pas, par principe, une telle possibilité.
5. En troisième lieu, en relevant qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier qui lui était soumis que le chemin côtier est inadapté à la desserte du projet de construction de MmeB..., après avoir relevé que les particularités de l'île de Houat, notamment l'exiguïté des voies de circulation et la quasi-absence de véhicules motorisés autorisés à circuler, conditionnent la circulation sur le territoire de la commune, que le projet de construction est une maison d'habitation aux dimensions moyennes et enfin que les contraintes posées par ces particularismes aux chantiers de construction entrepris sur l'île sont prises en compte par des modalités particulières de transport, lequel est assuré par une régie municipale, adaptées aux spécificités locales, la cour, qui n'a pas entaché son arrêt d'insuffisance de motivation, s'est livrée à une appréciation souveraine exempte de dénaturation.
6. En quatrième lieu, pour apprécier les possibilités d'accès des engins d'incendie et de secours au terrain d'assiette, il appartient à l'autorité compétente de s'assurer que les caractéristiques physiques d'une voie d'accès permettent l'intervention de leurs engins, la circonstance que cette voie ne serait pas ouverte à la circulation publique ou grevée d'une servitude de passage étant sans incidence. C'est, par suite, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation que la cour a retenu que les dispositions de l'article UB3 relatives à l'accès des services d'incendie et de secours n'avaient pas été méconnues, après avoir relevé que ceux présents sur l'île de Houat disposent d'un matériel d'intervention adapté aux dimensions réduites des différentes voies de circulation existant sur l'île, qu'il s'agisse de rues ou de chemins tels le chemin côtier.
Sur les autres moyens :
7. Aux termes du III de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme, aujourd'hui reprise à l'article L. 121-16 de ce code : " En dehors des espaces urbanisés, les constructions ou installations sont interdites sur une bande littorale de cent mètres à compter de la limite haute du rivage ou des plus hautes eaux pour les plans d'eaux intérieurs désignés à l'article 2 de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986. (...) ".
8. En premier lieu, la cour a relevé que le projet litigieux, classé en zone UB par le plan d'occupation des sols de la commune, est bordé à l'ouest par la parcelle sur laquelle se trouve déjà édifiée l'habitation de M. et MmeC..., et au sud par une parcelle sur laquelle est également édifiée une maison d'habitation appartenant à MmeB..., cette maison étant elle-même bordée de constructions sur chacun de ses côtés, et que le projet se trouve situé dans l'enveloppe bâtie que constitue le centre-bourg de la commune de l'île de Houat, étant également voisin, sur son côté est, du cimetière entourant l'église du centre-bourg, située à une trentaine de mètres. En jugeant que le projet litigieux devait ainsi être regardé comme situé dans un espace déjà urbanisé au sens de ces dispositions, la cour n'a pas dénaturé les pièces du dossier.
9. En second lieu, c'est par une appréciation souveraine exempte de dénaturation que la cour a jugé, pour les motifs énoncés au point précédent, que le classement en zone UB de la parcelle sur laquelle est situé le projet litigieux n'était pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C...ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent.
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de Mme B...qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. et Mme C...la somme de 3 500 euros à verser à MmeB..., au titre des mêmes dispositions.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de M. et Mme C...est rejeté.
Article 2 : M. et Mme C...verseront à Mme B...une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme A...C..., à Mme D...B...et à la commune de l'Île de Houat.