Vu la procédure suivante :
Par un mémoire distinct, enregistré le 25 avril 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, Mme A...B...demande au Conseil d'État, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête tendant à l'annulation de la décision du 6 février 2019 par laquelle la commission des sanctions de l'Agence française de lutte contre le dopage a prononcé à son encontre l'interdiction, pendant une durée de neuf mois, de participer directement ou indirectement à l'organisation et au déroulement de toute manifestation sportive donnant lieu à une remise de prix en argent ou en nature, de participer directement ou indirectement à l'organisation et au déroulement de toute manifestation sportive autorisée ou organisée par une fédération sportive française délégataire ou agréée, ainsi qu'aux entraînements y préparant organisés par une fédération agréée ou l'un des membres de celle-ci, d'exercer les fonctions définies à l'article L. 212-1 du code du sport ainsi que toute fonction d'encadrement au sein d'une fédération agréée ou d'un groupement ou d'une association affiliés à une telle fédération, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du d) du 1° du I de l'article L. 232-23 du code du sport.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code du sport, notamment son article L. 232-23;
- la loi n° 2016-1528 du 15 novembre 2016 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Stéphanie Vera, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Guillaume Odinet, rapporteur public,
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rousseau, Tapie, avocat de MmeB..., et à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de l'Agence française de lutte contre le dopage ;
1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.
2. Aux termes de l'article L. 232-23 du code du sport, dans sa version applicable au litige, modifiée par la loi du 15 novembre 2016 ratifiant l'ordonnance n° 2015-1682 du 17 décembre 2015 portant simplification de certains régimes d'autorisation préalable et de déclaration des entreprises et des professionnels et modifiant le code du sport : " I.- L'Agence française de lutte contre le dopage, dans l'exercice de son pouvoir de sanction en matière de lutte contre le dopage, peut prononcer : / 1° A l'encontre des sportifs ayant enfreint les dispositions des articles L. 232-9, L. 232-9-1, L. 232-14-5, L. 232-15, L. 232-15-1, L. 232-17 ou du 3° de l'article L. 232-10 : / a) Un avertissement ; / b) Une interdiction temporaire ou définitive de participer aux manifestations sportives autorisées par une fédération délégataire ou organisées par une fédération agréée ainsi qu'aux entraînements y préparant organisés par une fédération agréée ou l'un des membres de celle-ci ; / c) Une interdiction temporaire ou définitive de participer directement ou indirectement à l'organisation et au déroulement des compétitions et manifestations sportives autorisées par une fédération délégataire ou organisées par une fédération agréée ainsi qu'aux entraînements y préparant ; / d) Une interdiction temporaire ou définitive d'exercer les fonctions définies à l'article L. 212-1 ; / e) Une interdiction d'exercer les fonctions de personnel d'encadrement au sein d'une fédération agréée ou d'un groupement ou d'une association affiliés à la fédération ; / La sanction prononcée à l'encontre d'un sportif peut être complétée par une sanction pécuniaire dont le montant ne peut excéder 45 000 €. Elle est complétée par une décision de publication nominative de la sanction, dans les conditions fixées par l'article L. 232 23 3 1 ; / (...) / IV.- Les sanctions sont prononcées dans le respect des droits de la défense. (...) ".
3. L'article L. 212-1 du code du sport prévoit que : " seuls peuvent, contre rémunération, enseigner, animer ou encadrer une activité physique ou sportive ou entraîner ses pratiquants, à titre d'occupation principale ou secondaire, de façon habituelle, saisonnière ou occasionnelle ", les titulaires d'un diplôme, titre à finalité professionnelle ou certificat de qualification professionnelle garantissant la compétence de son titulaire en matière de sécurité des pratiquants et des tiers dans l'activité considérée et enregistré au répertoire national des certifications professionnelles et que peuvent également exercer contre rémunération ces fonctions les personnes en cours de formation pour la préparation à ce diplôme, titre à finalité professionnelle ou certificat de qualification professionnelle.
4. Mme B...soutient que les dispositions du d) du 1° du I de l'article L. 232-23 du code du sport en tant qu'elles prévoient la sanction de l'interdiction d'exercer les fonctions définies à l'article L. 212-1 du même code à l'encontre des sportifs ayant enfreint les dispositions de l'article L. 232-9 de ce code sont contraires aux principes constitutionnels de nécessité des peines et de liberté d'entreprendre, garantis respectivement par les articles 8 et 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
5. Ces dispositions ont pour objectifs d'intérêt général la protection de la santé des sportifs ainsi que la garantie de l'équité et de l'éthique des compétitions sportives. La protection des pratiquants d'une activité physique ou sportive contre le dopage justifie qu'un sportif sanctionné pour dopage ne puisse enseigner, animer ou encadrer cette activité physique ou sportive ou entraîner ses pratiquants. Ainsi cette sanction n'est pas manifestement inadéquate ou disproportionnée au regard de ces objectifs d'intérêt général, les dispositions des articles L. 232-23-3-5 et L. 232-23-3-10 du code du sport permettant à la commission des sanctions de l'Agence française de lutte contre le dopage de prendre en compte la gravité du manquement ainsi que le comportement du sportif poursuivi et les circonstances particulières de l'affaire au regard du principe de proportionnalité lorsqu'elle décide du quantum de la sanction.
6. Ces dispositions ne sont pas non plus contraires à la liberté d'entreprendre, laquelle peut faire l'objet de limitations justifiées par ces objectifs d'intérêt général dès lors qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de ces objectifs poursuivis, le sportif sanctionné pouvant exercer une autre activité professionnelle. Par suite, les questions soulevées, qui ne sont pas nouvelles, ne présentent pas un caractère sérieux.
7. Il résulte de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité invoquées.
D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité soulevées par MmeB....
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme A...B...et à l'agence française de lutte contre le dopage.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, au Premier ministre et à la ministre des sports.