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24/07/2019 | FRANCE | N°411058

France | France, Conseil d'État, 4ème - 1ère chambres réunies, 24 juillet 2019, 411058


Vu la procédure suivante :

M. C...B...et l'union départementale GCT du Puy-de-Dôme ont demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir la décision de l'inspecteur du travail de l'unité territoriale du Puy-de-Dôme du 31 janvier 2013 autorisant Me D...A..., en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Philippe Schiochet, à licencier M. B...et, d'autre part, de condamner Me A...à les indemniser des préjudices subis du fait de cette décision. Par un jugement n°s 1300498-1300496 du 2 février 2015, le tribunal admin

istratif a annulé la décision du 31 janvier 2013 et rejeté le surplus ...

Vu la procédure suivante :

M. C...B...et l'union départementale GCT du Puy-de-Dôme ont demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir la décision de l'inspecteur du travail de l'unité territoriale du Puy-de-Dôme du 31 janvier 2013 autorisant Me D...A..., en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Philippe Schiochet, à licencier M. B...et, d'autre part, de condamner Me A...à les indemniser des préjudices subis du fait de cette décision. Par un jugement n°s 1300498-1300496 du 2 février 2015, le tribunal administratif a annulé la décision du 31 janvier 2013 et rejeté le surplus de leurs conclusions.

Par un arrêt n° 15LY00759 du 30 mars 2017, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel de Me A...formé contre ce jugement en tant qu'il annule la décision du 31 janvier 2013.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 31 mai et 30 août 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Me A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de M. B...et de l'union départementale GCT du Puy-de-Dôme la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de commerce ;

- le code du travail ;

- la décision n°2012-242 QPC du 14 mai 2012 du Conseil constitutionnel ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Françoise Tomé, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Jean-Philippe Caston, avocat de Me D...A...et à la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de M. B...;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'inspecteur du travail de l'unité territoriale du Puy-de-Dôme, saisi par Me A... en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Philippe Schiochet, a autorisé, par une décision du 31 janvier 2013, le licenciement pour motif économique de M.B..., salarié protégé de cette société. Par un jugement du 2 février 2015, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a, sur la demande de M. B...et de l'union départementale CGT du Puy-de-Dôme, annulé pour excès de pouvoir cette décision, au motif que l'inspecteur du travail avait omis de prendre en considération le mandat de conseiller prud'homme de M.B.... Me A...se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 30 mars 2017 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté son appel contre ce jugement.

2. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Pour opérer les contrôles auxquels il lui incombe de procéder lorsqu'elle statue sur une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé, l'autorité administrative doit prendre en compte l'ensemble des mandats, au titre desquels le salarié est protégé, qui doivent être portés à sa connaissance par l'employeur, auquel il appartient de mentionner dans sa demande d'autorisation de licenciement l'intégralité des mandats du salarié protégé dont il est informé ou réputé avoir été informé. Il en va ainsi y compris si les éléments en question ont été directement portés à la connaissance de l'inspecteur du travail, notamment au cours de l'enquête contradictoire. A ce titre, lorsque le salarié protégé détient un mandat extérieur à l'entreprise, il doit, ainsi que l'a jugé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2012-242 QPC du 14 mai 2012, prendre l'initiative d'en informer son employeur au plus tard lors de l'entretien préalable au licenciement, sauf à ce qu'il soit établi que ce dernier en a eu autrement connaissance.

3. En application de ces principes, dans le cas particulier d'une entreprise placée en situation de liquidation judiciaire, l'administration doit, à peine d'illégalité de sa décision d'autorisation de licenciement, tenir compte, quelle que soit la façon dont ils sont portés à sa connaissance, de l'ensemble des mandats extérieurs à l'entreprise détenus par le salarié protégé, à la condition que ceux-ci aient été, postérieurement au placement en liquidation, portés à la connaissance du liquidateur, par le salarié lui-même ou par tout autre moyen, au plus tard à la date de l'entretien préalable au licenciement.

4. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour administrative d'appel de Lyon a estimé que le liquidateur de la société Philippe Schiochet avait eu connaissance, à l'occasion d'une réunion du comité d'entreprise de la société, le 20 novembre 2012, soit antérieurement à l'entretien préalable au licenciement de M.B..., de ce que ce dernier détenait un mandat de conseiller prud'homme. En déduisant de cette appréciation souveraine des pièces du dossier, exempte de dénaturation, que, même si M. B...n'avait pas pris l'initiative d'informer lui-même le liquidateur de l'existence de ce mandat, il appartenait à ce dernier de le faire connaître à l'administration saisie de la demande d'autorisation de licenciement, elle n'a pas commis d'erreur de droit. Elle n'a pas davantage commis d'erreur de droit en en déduisant que, alors même que le liquidateur n'avait pas rempli cette obligation d'information, il incombait à l'administration de tenir compte de ce mandat, sous peine d'illégalité de sa décision.

5. Il résulte de tout ce qui précède que Me A...n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon qu'il attaque. Par suite, les conclusions de son pourvoi doivent être rejetées, y compris les conclusions qu'il présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Me A...la somme que demandent M. B... et l'union départementale GCT du Puy-de-Dôme au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de Me A...est rejeté.

Article 2 : Le surplus des conclusions de M. B...et de l'union départementale GCT du Puy-de-Dôme, présenté au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, est rejeté.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Me D...A..., à M. C...B...et à l'union départementale CGT du Puy-de-Dôme.

Copie en sera adressée à la ministre du travail.


Synthèse
Formation : 4ème - 1ère chambres réunies
Numéro d'arrêt : 411058
Date de la décision : 24/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01 TRAVAIL ET EMPLOI. - LICENCIEMENTS. - AUTORISATION ADMINISTRATIVE - SALARIÉS PROTÉGÉS. - PRISE EN COMPTE PAR L'AUTORITÉ ADMINISTRATIVE DE L'ENSEMBLE DES MANDATS DU SALARIÉ - 1) MANDATS CONCERNÉS - MANDATS DONT L'EMPLOYEUR EST INFORMÉ OU RÉPUTÉ AVOIR ÉTÉ INFORMÉ, Y COMPRIS CEUX DIRECTEMENT PORTÉS À LA CONNAISSANCE DE L'INSPECTEUR DU TRAVAIL [RJ1] - SALARIÉ TENU D'INFORMER SON EMPLOYEUR DE SES MANDATS EXTÉRIEURS AU PLUS TARD LORS DE L'ENTRETIEN PRÉALABLE AU LICENCIEMENT [RJ2], SAUF À CE QU'IL SOIT ÉTABLI QUE CE DERNIER EN A EU AUTREMENT CONNAISSANCE [RJ3] - 2) APPLICATION AU CAS D'UNE ENTREPRISE PLACÉE EN SITUATION DE LIQUIDATION JUDICIAIRE - PRISE EN COMPTE PAR L'AUTORITÉ ADMINISTRATIVE DE L'ENSEMBLE DES MANDATS DU SALARIÉ PORTÉS À LA CONNAISSANCE DU LIQUIDATEUR PAR LE SALARIÉ LUI-MÊME OU PAR TOUT AUTRE MOYEN [RJ4], AU PLUS TARD À LA DATE DE L'ENTRETIEN PRÉALABLE AU LICENCIEMENT.

66-07-01 1) En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Pour opérer les contrôles auxquels il lui incombe de procéder lorsqu'elle statue sur une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé, l'autorité administrative doit prendre en compte l'ensemble des mandats, au titre desquels le salarié est protégé, qui doivent être portés à sa connaissance par l'employeur, auquel il appartient de mentionner dans sa demande d'autorisation de licenciement l'intégralité des mandats du salarié protégé dont il est informé ou réputé avoir été informé. Il en va ainsi y compris si les éléments en question ont été directement portés à la connaissance de l'inspecteur du travail, notamment au cours de l'enquête contradictoire. A ce titre, lorsque le salarié protégé détient un mandat extérieur à l'entreprise, il doit, ainsi que l'a jugé le Conseil constitutionnel dans sa décision n°2012-242 QPC du 14 mai 2012, prendre l'initiative d'en informer son employeur au plus tard lors de l'entretien préalable au licenciement, sauf à ce qu'il soit établi que ce dernier en a eu autrement connaissance.......2) En application de ces principes, dans le cas particulier d'une entreprise placée en situation de liquidation judiciaire, l'administration doit, à peine d'illégalité de sa décision d'autorisation de licenciement, tenir compte, quelle que soit la façon dont ils sont portés à sa connaissance, de l'ensemble des mandats extérieurs à l'entreprise détenus par le salarié protégé, à la condition que ceux-ci aient été, postérieurement au placement en liquidation, portés à la connaissance du liquidateur, par le salarié lui-même ou par tout autre moyen, au plus tard à la date de l'entretien préalable au licenciement.


Références :

[RJ1]

Comp., avant l'intervention de la décision du Conseil constitutionnel du 14 mai 2012, n° 2012-242 QPC, CE, 9 mars 1983, Durand, n° 40052, T. p. 224 ;

CE, 22 juillet 1992, Cirelli, n° 109709, T. p. 1348....

[RJ2]

Rappr. Cons. const., 14 mai 2012, n° 2012-242 QPC....

[RJ3]

Rappr., Cass. soc. 11 juin 2013, n° 12-12.738, Bull. soc. 2013, V, n° 150....

[RJ4]

Rappr., Cass. soc., 1er juin 2017, n° 16-12.221, Bull. soc. 2017, V, n° 102.


Publications
Proposition de citation : CE, 24 jui. 2019, n° 411058
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Françoise Tomé
Rapporteur public ?: Mme Sophie-Justine Lieber
Avocat(s) : SCP THOUVENIN, COUDRAY, GREVY ; SCP JEAN-PHILIPPE CASTON

Origine de la décision
Date de l'import : 23/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:411058.20190724
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