Vu la procédure suivante :
Mme B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Pau, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au président du conseil départemental des Pyrénées-Atlantiques de lui attribuer un hébergement ainsi qu'à ses deux filles mineures, sans délai à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir. Par une ordonnance n° 1902027 du 16 septembre 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Pau a enjoint au département des Pyrénées-Atlantiques d'attribuer à Mme A... et à ses deux filles mineures une prise en charge au titre de l'article L. 222-5 du code de l'action sociale et des familles, dans un délai de 48 heures.
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 30 septembre et 7 octobre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le département des Pyrénées-Atlantiques demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) de rejeter les conclusions de première instance de Mme A....
Il soutient que :
- l'ordonnance contestée est entachée d'insuffisance de motivation dès lors qu'elle n'a pas précisé le fondement de l'obligation qui aurait été méconnue par le département des Pyrénées-Atlantiques à l'égard des enfants de Mme A... ;
- le juge des référés du tribunal administratif de Pau a jugé à tort que la condition d'urgence était remplie alors que Mme A... était à l'origine de la situation dans laquelle elle s'est placée dès lors qu'elle a refusé l'hébergement qui lui avait été proposé dans le cadre de l'aide au retour ;
- l'ordonnance litigieuse est entachée d'une première erreur de droit dès lors qu'elle a reconnu une carence manifestement illégale du département sans constat préalable de circonstances exceptionnelles pouvant justifier que le département prenne en charge l'hébergement d'urgence de Mme A... et de ses enfants et alors même qu'elle faisait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ;
- elle est entachée d'une seconde erreur de droit dès lors qu'il a été fait injonction au département de prendre en charge l'hébergement des enfants de Mme A... alors que leur prise en charge relevait de la compétence de l'Etat.
Par un mémoire en défense et un nouveau mémoire, enregistrés les 4 et 7 octobre 2019, Mme A... conclut au rejet de la requête du département des Pyrénées-Atlantiques. Elle soutient que ses moyens ne sont pas fondés, et demande, d'une part, de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et, d'autre part, à ce que soit mise à la charge du département des Pyrénées-Atlantiques la somme de 2 000 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Des observations, enregistrées le 7 octobre 2019, ont été présentées par l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, le département des Pyrénées-Atlantiques et l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, Mme A... ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du 9 octobre 2019 à 10 heures au cours de laquelle ont été entendus :
- Me Molinié, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat du département des Pyrénées-Atlantiques ;
- le représentant du département des Pyrénées-Atlantiques ;
- Me Hourdeaux, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de Mme A... ;
et à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction ;
Considérant ce qui suit :
1. Il résulte de l'instruction que Mme A..., de nationalité albanaise, a présenté une demande d'asile dont le rejet a été confirmé par une ordonnance de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 14 septembre 2018. Par un arrêté du préfet des Pyrénées-Atlantiques du 11 octobre 2018, devenu définitif à la suite d'un jugement du tribunal administratif de Pau du 13 décembre 2018, elle a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. Elle a présenté une demande de réexamen à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) qui l'a rejetée comme irrecevable par une décision du 21 mai 2019. Mme A... a bénéficié, avec son mari et leurs deux filles actuellement âgées de 4 et 10 ans, d'une prise en charge par l'Etat dans un centre d'accueil pour demandeurs d'asile, puis au titre de l'hébergement d'urgence, avant que ne leur soit notifiée la fin de leur prise en charge à compter du 19 août 2019. Par deux ordonnances des 19 et 28 août 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Pau a rejeté les demandes de M. et Mme A... d'enjoindre au préfet puis au président du conseil départemental des Pyrénées-Atlantiques, en application de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de leur fournir un hébergement. Saisi d'une nouvelle demande présentée uniquement par Mme A..., le même juge des référés, par une ordonnance du 16 septembre 2019, a enjoint au département des Pyrénées-Atlantiques d'attribuer à celle-ci, qui était alors enceinte de sept mois, ainsi qu'à ses deux filles, une prise en charge au titre du 4° de l'article L. 222-5 du code de l'action sociale et des familles dans un délai de 48 heures. Le département des Pyrénées-Atlantiques relève appel de cette ordonnance.
2. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ". Le respect de ces conditions revêt un caractère cumulatif. Le juge des référés apprécie l'urgence, en première instance comme en appel, à la date à laquelle il se prononce.
3. Il résulte de l'instruction, et notamment des pièces produites en appel par le département des Pyrénées-Atlantiques et par l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que ce dernier a formulé à plusieurs reprises à Mme A..., y compris au cours de la présente instance, une proposition, toujours valable, lui permettant d'être hébergée, avec ses enfants ainsi le cas échéant que M. A..., dans le Centre de préparation de l'aide au retour de Libourne, à la seule condition qu'elle sollicite cette aide, prévue par l'article L. 512-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Si Mme A..., dont le terme de la grossesse est prévu dans un mois environ, a refusé cette proposition en mettant en avant son souhait de rester en France, notamment dans l'attente de l'examen par la CNDA du recours qu'elle a formé contre la décision de l'OFPRA du 21 mai 2019 mentionnée au point 1, ce recours ne lui confère, en application de l'article L. 743-2 du même code, aucun droit à se maintenir sur le territoire français. Par ailleurs, il n'est pas sérieusement contesté que le département des Pyrénées-Atlantiques est prêt à prendre en charge le transport de Mme A... et de ses enfants jusqu'au centre d'hébergement en cause.
4. Dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens qu'il soulève, le département des Pyrénées-Atlantiques est fondé à soutenir que c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Pau a estimé que la condition d'urgence au sens de l'article L. 521-2 du code de justice administrative était remplie. Il y a lieu, par suite, d'annuler l'ordonnance qu'il attaque et de rejeter la demande présentée par Mme A....
5. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'admission de Mme A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle, à ce que le département des Pyrénées-Atlantiques, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à lui verser la somme qu'elle demande à ce titre.
O R D O N N E :
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Article 1er : L'ordonnance du 16 septembre 2019 du juge des référés du tribunal administratif de Pau est annulée.
Article 2 : La demande présentée par Mme A... devant le juge des référés du tribunal administratif de Pau et ses conclusions présentées devant le juge des référés du Conseil d'Etat sont rejetées.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée au département des Pyrénées-Atlantiques, à l'Office français de l'immigration et de l'intégration et à Mme B... A....