Vu la procédure suivante :
Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 5 mars 2015 du conseil départemental de Vaucluse de l'ordre des sages-femmes refusant d'engager une action disciplinaire à l'encontre de M. D... ainsi que la décision du 16 juin 2015 du Conseil national de l'ordre des sages-femmes confirmant la décision du conseil départemental de l'ordre, et d'enjoindre au conseil départemental de Vaucluse de l'ordre des sages-femmes de transmettre sa plainte à la chambre disciplinaire de première instance dans un délai de trois mois, et en cas de carence du conseil départemental, d'ordonner au Conseil national de l'ordre de saisir son président pour qu'il procède à cette transmission.
Par une ordonnance du 8 septembre 2015, le président du tribunal administratif de Paris a transmis cette demande au tribunal administratif de Nîmes.
Par un jugement n° 1502825 du 1er juin 2017, le tribunal administratif a annulé la décision du Conseil national de l'ordre des sages-femmes du 16 juin 2015, en tant qu'elle refusait de transmettre à la chambre disciplinaire de première instance de l'ordre des sages-femmes la plainte de Mme C..., a enjoint au président du Conseil national de l'ordre des sages-femmes de transmettre à cette instance la plainte de Mme C... dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de Mme C..., notamment celles tendant à l'annulation de la décision du Conseil national en tant que ce dernier refuse de porter plainte contre M. D....
Par un arrêt n° 17MA03141 du 28 septembre 2018, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par le Conseil national de l'ordre des sages-femmes contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire enregistrés les 28 novembre 2018 et 5 février 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Conseil national de l'ordre des sages-femmes demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, d'annuler les articles 1er et 2 du jugement du tribunal administratif de Nîmes rendu le 1er juin 2017 et de rejeter les conclusions afférentes de la demande de Mme C... ;
3°) de mettre à la charge de Mme C... la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- la loi 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Tiphaine Pinault, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat du Conseil national de l'ordre des sages-femmes et à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de Mme C....
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, saisi d'une plainte de Mme C... contre M. D..., sage-femme au centre hospitalier de Carpentras, le conseil départemental de Vaucluse de l'ordre des sages-femmes a refusé, par une décision du 5 mars 2015, de traduire l'intéressé devant la chambre disciplinaire de première instance de l'ordre des sages-femmes. Mme C... a alors saisi le Conseil national de l'ordre des sages-femmes, lequel a également refusé, par décision du 16 juin 2015, de saisir la juridiction disciplinaire. Par un jugement du 1er juin 2017, le tribunal administratif de Nîmes a annulé la décision du Conseil national de l'ordre des sages-femmes du 16 juin 2015, en tant qu'elle refusait de transmettre à la chambre disciplinaire de première instance de l'ordre des sages-femmes la plainte de Mme C..., a enjoint au président du Conseil national de l'ordre des sages-femmes de transmettre à cette instance la plainte de Mme C... dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de Mme C.... Le Conseil national de l'ordre des sages-femmes se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 28 septembre 2018 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par le Conseil national de l'ordre des sages-femmes contre ce jugement en tant qu'il lui faisait grief.
2. Aux termes de l'article L. 4123-2 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable à la date des décisions attaquées : " Il est constitué auprès de chaque conseil départemental une commission de conciliation composée d'au moins trois de ses membres. (...) / Lorsqu'une plainte est portée devant le conseil départemental, son président en accuse réception à l'auteur, en informe (...) la sage-femme mis[e] en cause et l[a] convoque dans un délai d'un mois à compter de la date d'enregistrement de la plainte en vue d'une conciliation. En cas d'échec de celle-ci, il transmet la plainte à la chambre disciplinaire de première instance avec l'avis motivé du conseil dans un délai de trois mois à compter de la date d'enregistrement de la plainte, en s'y associant le cas échéant. / (...) / En cas de carence du conseil départemental, l'auteur de la plainte peut demander au président du conseil national de saisir la chambre disciplinaire de première instance compétente. Le président du conseil national transmet la plainte dans le délai d'un mois ".
3. Par dérogation à ces dispositions, l'article L. 4124-2 du code la santé publique prévoit, s'agissant des " sages-femmes chargé[e]s d'un service public et inscrit[e]s au tableau de l'ordre ", qu'elles " ne peuvent être traduit[e]s devant la chambre disciplinaire de première instance, à l'occasion des actes de leur fonction publique, que par le ministre chargé de la santé, le représentant de l'Etat dans le département, le directeur général de l'agence régionale de santé, le procureur de la République, le conseil national ou le conseil départemental au tableau duquel le praticien est inscrit (...) ". Les personnes et autorités publiques mentionnées à cet article ont seules le pouvoir de traduire un ou une sage-femme chargé d'un service public devant la juridiction disciplinaire à raison d'actes commis dans l'exercice de cette fonction publique. En particulier, le Conseil national de l'ordre des sages-femmes, autant qu'un conseil départemental de l'ordre des sages-femmes, exerce en la matière une compétence propre.
4. Il résulte de ce qui vient d'être dit que la cour administrative d'appel de Marseille a commis une erreur de droit en jugeant, pour rejeter l'appel du Conseil national de l'ordre des sages-femmes, que la décision par laquelle le Conseil national de l'ordre des sages-femmes a refusé de traduire le praticien concerné devant la chambre disciplinaire était au nombre de celles pour lesquelles l'article L. 4123-2 du code de la santé publique exige que lorsque le Conseil national de l'ordre des sages-femmes est saisi d'une plainte fondée sur des manquements allégués aux règles de déontologie, il lui appartient de transmettre la plainte à la chambre disciplinaire de première instance compétente. Dès lors, son arrêt doit être annulé, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
6. Il découle de ce qui a été dit au point 3 que les dispositions de l'article L. 4123-2 du code la santé publique citées au point 2 ne s'appliquent pas aux décisions par lesquelles le Conseil national de l'ordre des sages-femmes apprécie, sur le fondement de l'article L. 4124-2 du même code, s'il y a lieu de traduire une sage-femme chargée d'une fonction publique devant la juridiction disciplinaire à raison d'actes commis dans l'exercice de cette fonction publique.
7. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Nîmes s'est fondé sur ces dispositions pour annuler la décision du Conseil national de l'ordre des sages-femmes du 16 juin 2015 en tant qu'elle refusait de transmettre à la chambre disciplinaire de première instance de l'ordre des sages-femmes la plainte de Mme C.... En l'absence d'autres moyens présentés par Mme C..., en première instance ou en appel, contre cette décision, qu'il aurait appartenu au juge d'appel, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif, d'examiner, le Conseil national de l'ordre des sages-femmes est fondé à soutenir que c'est à tort que par l'article 1er de son jugement du 1er juin 2017, le tribunal administratif de Nîmes a annulé cette décision et que par son article 2, il a enjoint au président du Conseil national de l'ordre des sages-femmes de transmettre à cette instance la plainte de Mme C... dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement.
8. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge du Conseil national de l'ordre des sages-femmes, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme C..., au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme C... la somme demandée par Conseil national de l'ordre des sages-femmes au même titre.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 28 septembre 2018 et les articles 1er et 2 du jugement du 1er juin 2017 du tribunal administratif de Nîmes sont annulés.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la demande de Mme B... devant le tribunal administratif de Nîmes est rejeté.
Article 3: Les conclusions présentées par le Conseil national de l'ordre des sages-femmes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les conclusions présentées par le conseil de Mme C... au titre des mêmes dispositions et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au Conseil national de l'ordre des sages-femmes et à Mme C....
Copie en sera adressée au conseil départemental de Vaucluse de l'ordre des sages-femmes.