Vu la procédure suivante :
La société ZF Grand Prix a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision du 29 juillet 2019 par laquelle la commune d'Eyguières a résilié la convention d'occupation du domaine public l'autorisant à occuper et exploiter une piste de karting.
Par une ordonnance n° 1907737 du 11 octobre 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a suspendu l'exécution de cette décision et a ordonné à la commune d'Eyguières de reprendre les relations contractuelles avec la société ZF Grand Prix.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 28 octobre et 11 novembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune d'Eyguieres demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) statuant en référé, de rejeter les demandes de la société ZF Grand Prix ;
3°) de mettre à la charge de la société ZF Grand Prix la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Yohann Bouquerel, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la commune d'Eyguières et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société ZF Grand Prix ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".
2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que la commune d'Eyguières a conclu le 19 juillet 2017 avec la société ZF Grand Prix une convention d'occupation du domaine public pour une durée de cinq ans, du 1er août 2017 au 31 juillet 2022, pour exploiter une piste de karting sur un terrain cadastré section BX n°0002, d'une superficie de 17 hectares, situé à l'angle sud-ouest de l'aérodrome de Salon-Eyguières. Après avoir décidé de lancer une procédure de création d'une société d'économie mixte à opération unique dans le but d'assurer l'aménagement et l'exploitation des ouvrages situés dans l'emprise de l'aérodrome, la commune d'Eyguières a, par courrier du 29 juillet 2019 notifié le 1er août suivant, informé la société ZF Grand Prix qu'elle résiliait la convention d'occupation du domaine public en cause pour un motif d'intérêt général. La société ZF Grand Prix a demandé, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de cette décision de résiliation. La commune d'Eyguières se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 11 octobre 2019 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a fait droit à la demande de la société ZF Grand Prix et ordonné à la commune d'Eyguières de reprendre les relations contractuelles avec cette société.
3. Il incombe au juge des référés saisi, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de conclusions tendant à la suspension d'une mesure de résiliation, après avoir vérifié que l'exécution du contrat n'est pas devenue sans objet, de prendre en compte, pour apprécier la condition d'urgence, d'une part, les atteintes graves et immédiates que la résiliation litigieuse est susceptible de porter à un intérêt public ou aux intérêts du requérant, notamment à la situation financière de ce dernier ou à l'exercice même de son activité, d'autre part, l'intérêt général ou l'intérêt de tiers, notamment du titulaire d'un nouveau contrat dont la conclusion aurait été rendue nécessaire par la résiliation litigieuse, qui peut s'attacher à l'exécution immédiate de la mesure de résiliation.
4. Il résulte des énonciations de l'ordonnance attaquée que le juge des référés du tribunal administratif de Marseille s'est borné, pour estimer que la condition d'urgence était remplie, à relever qu'eu égard au montant des investissements qu'avait réalisés la société ZF Grand Prix, la mesure de résiliation décidée par la commune d'Eyguières était de nature à porter atteinte à la situation financière de cette société, qui se voyait privée de la possibilité d'amortir ses investissements avant même le commencement de son exploitation. En se limitant à la prise en compte de ces éléments pour caractériser une atteinte grave et immédiate portée aux intérêts de l'entreprise par la résiliation de la convention, sans les rapporter aux autres données permettant d'évaluer sa situation financière globale, notamment à son chiffre d'affaires, alors d'ailleurs qu'il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis que la société ZF Grand Prix exploitait d'autres activités, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a entaché son ordonnance d'erreur de droit. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, la commune d'Eyguières est fondée à en demander l'annulation.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée par la société ZF Grand Prix en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
6. Les moyens tirés de ce que la résiliation de la convention d'occupation du domaine public ne reposerait pas sur un motif d'intérêt général, de ce qu'elle conduirait à un appauvrissement de la commune et de ce que le nouveau contrat constituerait une aide d'Etat ne sont pas propres, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux sur la légalité de cette décision. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition d'urgence, la demande de la société ZF Grand Prix tendant à la suspension de l'exécution de la décision de résiliation de la convention d'occupation du domaine public en vue de la reprise des relations contractuelles doit être rejetée.
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune d'Eyguières, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par la société ZF Grand Prix au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de cette société, au titre des mêmes dispositions, la somme de 4 500 euros au titre des procédures engagées tant devant le tribunal administratif que devant le Conseil d'Etat.
D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du 11 octobre 2019 du juge des référés du tribunal administratif de Marseille est annulée.
Article 2 : La demande de la société ZF Grand Prix présentée devant le juge des référés du tribunal administratif de Marseille est rejetée.
Article 3 : La société ZF Grand Prix versera à la commune d'Eyguières une somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la commune d'Eyguieres et à la société ZF Grand Prix.