Vu les procédures suivantes :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association Vent de colère sur l'Auxois-Sud, Mme D... E..., M. B... F... et M. A... C... ont demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 17 septembre 2013 par lequel le préfet de la région Bourgogne a délivré à la société Ferme éolienne de Marcilly-Ogny une autorisation d'exploiter six éoliennes et un poste de livraison sur le territoire de la commune de Marcilly-sur-Orge. Par un jugement n° 1400857 du 28 juin 2016, le tribunal administratif a rejeté leur demande.
Par un arrêt n° 16LY03067 du 15 mai 2018, la cour administrative d'appel de Lyon a, sur appel de l'association Vent de colère sur l'Auxois-Sud et autres, annulé le jugement du tribunal administratif de Dijon et l'arrêté préfectoral du 17 septembre 2013.
Procédures devant le Conseil d'État :
1°, Sous le n° 422027, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 6 juillet et 5 octobre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, la société Ferme éolienne de Marcilly-Ogny demande au Conseil d'État :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de l'association Vent de colère sur l'Auxois-Sud et autres ;
3°) de mettre à la charge de l'association Vent de colère sur l'Auxois-Sud, Mme D... E..., M. B... F... et M. A... C... solidairement la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société Ferme éolienne de Marcilly-Ogny soutient que l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon qu'elle attaque est entaché :
- d'une erreur de droit en ce qu'il juge que le préfet de région ne peut, en tant qu'autorité compétente pour délivrer l'autorisation du projet, exercer la compétence consultative en matière d'environnement, sans rechercher si une séparation fonctionnelle est assurée entre les services instructeurs de l'avis et de la demande d'autorisation ;
- d'une erreur de qualification juridique des faits ou d'une dénaturation des pièces du dossier en ce qu'il juge implicitement que n'était pas assurée en l'espèce une séparation fonctionnelle garantissant une autonomie réelle de l'autorité environnementale ;
- d'une erreur de droit et d'une méconnaissance de l'office de la cour en ce qu'il juge que, eu égard au stade de la procédure auquel se rapporte l'illégalité de l'acte contesté et à la nature de cette illégalité, il n'y a pas lieu pour celle-ci de faire application des dispositions de l'article L. 181-18 du code de l'environnement ;
- d'une dénaturation de ses écritures et de celles du ministre de la transition écologique et solidaire en ce qu'il se prononce sur la seule application du 1° du I de l'article L. 181-18 du code de l'environnement alors qu'ils avaient demandé à la cour de faire usage de la faculté prévue au 2° du I du même article ;
- d'une erreur de qualification juridique des faits ou d'une dénaturation des pièces du dossier en ce qu'il juge que la nature de l'illégalité entachant la décision contestée fait obstacle à toute régularisation sur le fondement de l'article L. 181-18 du code de l'environnement.
2°, Sous le n° 422300, par un pourvoi, enregistré 17 juillet 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire demande au Conseil d'État d'annuler le même arrêt.
Le ministre soutient que l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon qu'il attaque est entaché :
- d'une insuffisance de motivation, d'une erreur de droit et d'une dénaturation des pièces du dossier en ce qu'il juge que la décision litigieuse est irrégulière en raison des conditions dans lesquelles a été recueilli l'avis de l'autorité environnementale, sans rechercher si la qualité de l'étude d'impact, dont aucune insuffisance n'avait été relevée, était de nature à assurer l'information complète du public et à éclairer l'autorité administrative compétente pour délivrer l'autorisation ;
- d'une erreur de droit en ce que, en méconnaissance de son office, la cour se borne à écarter la possibilité d'une annulation partielle sur le fondement du 1° du I de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, sans se prononcer sur la possibilité de prononcer un sursis à statuer à fin de régularisation sur le fondement du 2° du I du même article ;
- d'une insuffisance de motivation, d'une erreur de droit et d'une erreur de qualification juridique des faits en ce que, alors que la cour était saisie de conclusions en ce sens, il refuse implicitement de faire application des dispositions du 2° du I de l'article L. 181-18 du code de l'environnement ;
- d'une insuffisance de motivation, d'une erreur de droit et d'une erreur de qualification juridique des faits en ce qu'il juge que, eu égard au stade de la procédure auquel se rapporte l'illégalité fondant l'annulation et à la nature de cette illégalité, il n'y a pas lieu pour celle-ci de faire application des dispositions du 1° du I de l'article L. 181-18 du code de l'environnement.
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Fanélie Ducloz, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de la société Ferme éolienne de Marcilly-Ogny et à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de l'association Vent de Colère sur l'Auxois-Sud ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 17 septembre 2013, le préfet de la région Bourgogne a autorisé la société Ferme éolienne de Marcilly-Ogny à exploiter six éoliennes d'une hauteur de 150 mètres et un poste de livraison sur le territoire de la commune de Marcilly-Ogny. Par un jugement du 28 juin 2016, le tribunal administratif de Dijon a rejeté la demande de l'association Vent de colère sur l'Auxois-Sud, de Mme E..., de M. F... et de M. C... tendant à l'annulation de cet arrêté. Sur appel de ces derniers, la cour administrative d'appel de Lyon a annulé le jugement du tribunal administratif de Dijon et l'arrêté préfectoral du 17 septembre 2013. La société Ferme éolienne de Marcilly-Ogny et le ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire se pourvoient en cassation contre cet arrêt. Il y a lieu de joindre leurs pourvois pour statuer par une seule décision.
Sur l'arrêt attaqué en tant qu'il se prononce sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 6 de la directive du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement : " Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que les autorités susceptibles d'être concernées par le projet, en raison de leurs responsabilités spécifiques en matière d'environnement, aient la possibilité de donner leur avis sur les informations fournies par le maître d'ouvrage et sur la demande d'autorisation. À cet effet, les États membres désignent les autorités à consulter, d'une manière générale ou au cas par cas. (...) ". L'article L. 122-1 du code de l'environnement, pris pour la transposition des articles 2 et 6 de cette directive, dispose, dans sa rédaction applicable en l'espèce, que : " I. - Les projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements publics et privés qui, par leur nature, leurs dimensions ou leur localisation sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement ou la santé humaine sont précédés d'une étude d'impact. (...) / III. - Dans le cas d'un projet relevant des catégories d'opérations soumises à étude d'impact, le dossier présentant le projet, comprenant l'étude d'impact et la demande d'autorisation, est transmis pour avis à l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement. (...) / IV.- La décision de l'autorité compétente qui autorise le pétitionnaire ou le maître d'ouvrage à réaliser le projet prend en considération l'étude d'impact, l'avis de l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement et le résultat de la consultation du public (...) ". En vertu du III de l'article R. 122-6 du même code dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " Dans les cas ne relevant pas du I ou du II, l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement mentionnée à l'article L. 122-1 est le préfet de la région sur le territoire de laquelle le projet de travaux, d'ouvrage ou d'aménagement doit être réalisé. (...) ".
3. Les dispositions de l'article 6 de la directive du 13 décembre 2011 ont pour objet de garantir qu'une autorité compétente et objective en matière d'environnement soit en mesure de rendre un avis sur l'évaluation environnementale des plans et programmes susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement, avant leur approbation ou leur autorisation, afin de permettre la prise en compte de ces incidences. Eu égard à l'interprétation des dispositions de l'article 6 de la directive du 27 juin 2001 donnée par la Cour de justice de l'Union européenne par son arrêt rendu le 20 octobre 2011 dans l'affaire C-474/10, il résulte clairement des dispositions de l'article 6 de la directive du 13 décembre 2011 que, si elles ne font pas obstacle à ce que l'autorité publique compétente pour autoriser un projet soit en même temps chargée de la consultation en matière environnementale, elles imposent cependant que, dans une telle situation, une séparation fonctionnelle soit organisée au sein de cette autorité, de manière à ce qu'une entité administrative dispose d'une autonomie réelle, impliquant notamment qu'elle soit pourvue de moyens administratifs et humains qui lui sont propres, et soit ainsi en mesure de remplir la mission de consultation qui lui est confiée et de donner un avis objectif sur le projet concerné. Par une décision n° 400559 du 6 décembre 2017, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé les dispositions de l'article R. 122-6 citées au point 2 en raison de l'absence de disposition de nature à garantir que, dans les cas où le préfet de région est l'autorité compétente pour autoriser le projet, en particulier lorsqu'il agit en sa qualité de préfet du département où se trouve le chef-lieu de la région en vertu de l'article 7 du décret du 29 avril 2004 relatifs aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements, ou dans les cas où il est en charge de l'élaboration ou de la conduite du projet au niveau local, la compétence consultative en matière environnementale est exercée par une entité interne disposant d'une autonomie réelle à son égard, conformément aux exigences de la directive.
4. En premier lieu, il résulte de ce qui précède qu'il appartient au juge du fond, dès lors qu'il a constaté l'absence de disposition prise pour assurer sur ce point la transposition de l'article 6 de la directive du 13 décembre 2011, de rechercher si les conditions dans lesquelles l'avis a été rendu répondent ou non aux objectifs de cet article 6.
5. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, d'une part, que le préfet de région était également le préfet de département disposant de la compétence pour délivrer l'autorisation et, d'autre part, que si les services instructeurs étaient distincts, c'est le même préfet qui a rendu l'avis en matière environnementale et délivré l'autorisation. Dès lors, la cour a pu, sans entacher son arrêt d'une erreur de droit, d'une dénaturation des pièces du dossier ou d'une insuffisance de motivation sur ce point, se borner à juger que le préfet de région ne pouvait, en tant qu'autorité compétente pour délivrer l'autorisation du projet, exercer la compétence consultative en matière environnementale, sans avoir à se prononcer sur le caractère suffisant de l'étude d'impact.
Sur l'arrêt attaqué en tant qu'il se prononce sur les conclusions tendant à la mise en oeuvre de l'article L. 181-18 du code de l'environnement :
6. Aux termes de l'article L. 181-18 du code de l'environnement : " I. - Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre une autorisation environnementale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés : / 1° Qu'un vice n'affecte qu'une phase de l'instruction de la demande d'autorisation environnementale, ou une partie de cette autorisation, peut limiter à cette phase ou à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et demander à l'autorité administrative compétente de reprendre l'instruction à la phase ou sur la partie qui a été entachée d'irrégularité ; / 2° Qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par une autorisation modificative peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si une telle autorisation modificative est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. / II. En cas d'annulation ou de sursis à statuer affectant une partie seulement de l'autorisation environnementale, le juge détermine s'il y a lieu de suspendre l'exécution des parties de l'autorisation non viciées ".
7. La faculté ouverte par les dispositions précitées du 2° du I de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, relève de l'exercice d'un pouvoir propre du juge, qui n'est pas subordonné à la présentation de conclusions en ce sens. Lorsqu'il n'est pas saisi de telles conclusions, le juge du fond peut toujours mettre en oeuvre cette faculté, mais il n'y est pas tenu, son choix relevant d'une appréciation qui échappe au contrôle du juge de cassation. En revanche, lorsqu'il est saisi de conclusions en ce sens, le juge est tenu de mettre en oeuvre les pouvoirs qu'il tient du 2° du I de l'article L. 181-18 du code de l'environnement si les vices qu'il retient apparaissent, au vu de l'instruction, régularisables.
8. Il ressort des pièces du dossier qui lui était soumis que la cour administrative d'appel de Lyon a été saisie de conclusions tendant à ce qu'elle mette en oeuvre le pouvoir que ces dispositions lui confèrent. En se bornant à répondre qu'il n'y avait pas lieu de faire application des dispositions du 1° du I de l'article L. 181-18 sans motiver sa réponse sur le 2° du I du même article, la cour a entaché son arrêt d'une insuffisance de motivation.
9. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens des pourvois, la société Ferme éolienne de Marcilly-Ogny et le ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire sont fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent.
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat et de la société Ferme éolienne de Marcilly-Ogny qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association Vent de colère sur l'Auxois-Sud et autres le versement à la société Ferme éolienne de Marcilly-Ogny de la somme de 3 000 euros au titre de des mêmes dispositions.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 15 mai 2018 de la cour administrative d'appel de Lyon est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Lyon.
Article 3 : L'association Vent de colère sur l'Auxois-Sud et autres verseront à la société Ferme éolienne de Marcilly-Ogny une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par l'association Vent de colère sur l'Auxois-Sud et autres au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société Ferme éolienne de Marcilly-Ogny, à la ministre de la transition écologique et à l'association Vent de colère sur l'Auxois-Sud, représentante désignée, pour l'ensemble des défendeurs.