Vu la procédure suivante :
Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Pau :
- d'annuler la décision de la caisse d'allocations familiales des Pyrénées-Atlantiques du 15 décembre 2016 en tant qu'elle décide de récupérer un indu d'aide exceptionnelle de fin d'année de 228,67 euros au titre de l'année 2013 et de la décharger de l'obligation de payer cette somme ;
- d'annuler la décision de la même caisse du 7 novembre 2016 en tant qu'elle décide de récupérer un indu d'aide exceptionnelle de fin d'année de 457,34 euros au titre des années 2014 et 2015, ainsi que les décisions rejetant ses recours gracieux, et de la décharger de l'obligation de payer cette somme ;
- d'annuler les décisions implicites par lesquelles le président du conseil départemental des Pyrénées-Atlantiques a rejeté ses recours administratifs préalables obligatoires formés les 7 décembre 2016 et 3 janvier 2017 contre les décisions prises par cette caisse les 7 novembre et 15 décembre 2016 de récupérer des indus de revenu de solidarité active de 17 239,62 euros pour la période de novembre 2014 à octobre 2016 et de 7 800,70 euros pour la période de novembre 2013 à octobre 2014, de la décharger de ces indus et d'enjoindre au département de lui rembourser les sommes retenues.
Par un jugement n°s 1700761, 1700762, 1700271 du 22 mars 2019, le tribunal administratif de Pau a :
- annulé la décision du 15 décembre 2016 en tant qu'elle décide de récupérer un indu d'aide exceptionnelle de fin d'année au titre de 2013 et déchargé Mme D... de l'obligation de payer la somme de 228,67 euros ;
- annulé la décision du 7 novembre 2016 en tant qu'elle décide de récupérer un indu d'aides exceptionnelles de fin d'année au titre de 2014 et 2015 ;
- rejeté le surplus des conclusions des demandes de Mme D....
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 9 juillet et 1er août 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, Mme D... demande au Conseil d'État :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il rejette partiellement les conclusions de ses demandes ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire intégralement droit à ses demandes ;
3°) de mettre à la charge du département des Pyrénées-Atlantiques, de la caisse d'allocations familiales des Pyrénées-Atlantiques et de l'Etat la somme de 3 500 euros à verser à la SCP Delamarre, Jehannin, son avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme A... C..., auditrice,
- les conclusions de Mme Marie Sirinelli, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Delamarre, Jehannin, avocat de Mme D..., et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat du département des Pyrénées-Atlantiques ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond qu'après un contrôle de la situation de Mme D..., la caisse d'allocations familiales des Pyrénées a décidé, les 7 novembre et 15 décembre 2016, de récupérer à son encontre des indus de revenu de solidarité active de 17 239,62 euros pour la période de novembre 2014 à octobre 2016 et, après levée de la prescription biennale, de 7 800,70 euros pour la période de novembre 2013 à octobre 2014, ainsi que des indus d'aide exceptionnelle de fin d'année au titre des années 2013, 2014 et 2015. Saisi par Mme D..., le tribunal administratif de Pau, par un jugement du 22 mars 2019, a annulé les décisions de récupération d'indus d'aide exceptionnelle de fin d'année, a déchargé Mme D... de l'obligation de payer la somme de 228,67 euros et a rejeté le surplus de ses conclusions, tendant à l'annulation des décisions confirmant, sur recours préalable obligatoire, la récupération d'indus de revenu de solidarité active et, sur recours gracieux, la récupération d'indus d'aides exceptionnelles de fin d'année au titre des années 2014 et 2015, à la décharge des sommes correspondantes et au remboursement des sommes déjà retenues. Mme D... se pourvoit en cassation contre ce jugement en tant qu'il rejette partiellement les conclusions de ses demandes.
2. D'une part, aux termes de l'article L. 262-16 du code de l'action sociale et des familles : " Le service du revenu de solidarité active est assuré, dans chaque département, par les caisses d'allocations familiales et, pour leurs ressortissants, par les caisses de mutualité sociale agricole ". Aux termes de l'article L. 262-40 de ce code, dans sa rédaction applicable au litige : " Pour l'exercice de leurs compétences, le président du conseil départemental, les représentants de l'Etat et les organismes chargés de l'instruction et du service du revenu de solidarité active demandent toutes les informations nécessaires à l'identification de la situation du foyer : / 1° Aux administrations publiques, et notamment aux administrations financières ; / 2° Aux collectivités territoriales ; / 3° Aux organismes de sécurité sociale, de retraite complémentaire et d'indemnisation du chômage ainsi qu'aux organismes publics ou privés concourant aux dispositifs d'insertion ou versant des rémunérations au titre de l'aide à l'emploi. / Les informations demandées, que ces administrations, collectivités et organismes sont tenus de communiquer, doivent être limitées aux données nécessaires à l'instruction du droit au revenu de solidarité active, à sa liquidation et à son contrôle ainsi qu'à la conduite des actions d'insertion. / (...) / Les organismes chargés de son versement réalisent les contrôles relatifs au revenu de solidarité active selon les règles, procédures et moyens d'investigation applicables aux prestations de sécurité sociale. (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 114-19 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige : " Le droit de communication permet d'obtenir, sans que s'y oppose le secret professionnel, les documents et informations nécessaires : / 1° Aux agents des organismes de sécurité sociale pour contrôler la sincérité et l'exactitude des déclarations souscrites ou l'authenticité des pièces produites en vue de l'attribution et du paiement des prestations servies par lesdits organismes (...) ". Aux termes de l'article L. 114-20 de ce code, dans sa rédaction applicable : " Sans préjudice des autres dispositions législatives applicables en matière d'échanges d'informations, le droit de communication défini à l'article L. 114-19 est exercé dans les conditions prévues et auprès des personnes mentionnées à la section 1 du chapitre II du titre II du livre des procédures fiscales à l'exception des personnes mentionnées aux articles L. 82 C, L. 83 A, L. 83 B, L. 84, L. 84 A, L. 91, L. 95 et L. 96 B à L. 96 F ". Ces dispositions, par le renvoi qu'elles opèrent aux articles L. 83 et L. 85 du livre des procédures fiscales, permettent notamment l'exercice du droit de communication auprès des établissements bancaires afin d'obtenir d'eux les relevés de comptes et autres documents bancaires relatifs au bénéficiaire d'une prestation sociale ou à son ayant droit ou à un cotisant. Enfin, aux termes de l'article L. 114-21 du même code : " L'organisme ayant usé du droit de communication en application de l'article L. 114-19 est tenu d'informer la personne physique ou morale à l'encontre de laquelle est prise la décision de supprimer le service d'une prestation ou de mettre des sommes en recouvrement, de la teneur et de l'origine des informations et documents obtenus auprès de tiers sur lesquels il s'est fondé pour prendre cette décision. Il communique, avant la mise en recouvrement ou la suppression du service de la prestation, une copie des documents susmentionnés à la personne qui en fait la demande ".
4. Il résulte de ces dispositions que les caisses d'allocations familiales et les caisses de mutualité sociale agricole, chargées du service du revenu de solidarité active, réalisent les contrôles relatifs à cette prestation d'aide sociale selon les règles, procédures et moyens d'investigation applicables aux prestations de sécurité sociale, au nombre desquels figurent le droit de communication instauré par l'article L. 114-19 du code de la sécurité sociale au bénéfice des organismes de sécurité sociale pour contrôler la sincérité et l'exactitude des déclarations souscrites ou l'authenticité des pièces produites en vue de l'attribution et du paiement des prestations qu'ils servent, ainsi que les garanties procédurales qui s'attachent, en vertu de l'article L. 114-21 du même code, à l'exercice de ce droit par un organisme de sécurité sociale. Lorsqu'une caisse peut obtenir une même information auprès d'une même administration ou d'un même organisme tant sur le fondement de l'article L. 262-40 du code de l'action sociale et des familles, prévoyant des échanges d'informations avec les administrations publiques, les collectivités territoriales et les organismes sociaux, qu'au titre du droit de communication prévu par l'article L. 114-19 du code de la sécurité sociale, elle n'est tenue de mettre en oeuvre les garanties prévues par l'article L. 114-21 du même code que si elle a entendu se placer dans le cadre du droit de communication.
5. Pour écarter le moyen soulevé par Mme D..., tiré de la méconnaissance des garanties prévues par l'article L. 114-21 du code de la sécurité sociale, le tribunal administratif de Pau a jugé que les relevés bancaires qui avaient servi à déterminer les ressources du foyer et à calculer les indus en litige pouvaient avoir été obtenus sur le fondement de l'article L. 262-40 du code de l'action sociale et des familles et non dans le cadre du droit de communication instauré par l'article L. 114-19 du code de la sécurité sociale. En statuant ainsi, alors que les établissements bancaires détenteurs de ces documents ne sont pas au nombre des administrations, collectivités et organismes mentionnés par l'article L. 262-40 du code de l'action sociale et des familles, le tribunal a commis une erreur de droit.
6. Par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi, Mme D... est fondée à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Pau en tant que, par ses articles 2 et 7, il rejette partiellement les conclusions de ses demandes.
7. Mme D... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Delamarre, Jehannin, son avocat, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge du département des Pyrénées-Atlantiques une somme de 1 500 euros à verser à cette SCP. En revanche, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions du département des Pyrénées-Atlantiques présentées à ce titre.
D E C I D E :
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Article 1er : Les articles 2 et 7 du jugement du tribunal administratif de Pau du 22 mars 2019 sont annulés.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Pau dans la mesure de la cassation prononcée.
Article 3 : Le département des Pyrénées-Atlantiques versera à la SCP Delamarre, Jehannin, avocat de Mme D..., une somme de 1 500 euros au titre des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette SCP renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Les conclusions du département des Pyrénées-Atlantiques présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme B... D..., au département des Pyrénées-Atlantiques et au ministre des solidarités et de la santé.
Copie en sera adressée à la caisse d'allocations familiales des Pyrénées-Atlantiques.