Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon et la Société de développement et de promotion de l'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon (Sodépar) ont demandé au tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon, d'une part, de condamner la société de participations industrielles (SPI), venant aux droits du GIE Exploitation des carrières, et la société Artélia Ville et Transport, venant aux droits de la société Sogréah, à les indemniser intégralement de tous les préjudices subis dans le cadre de l'exécution du marché n° 00-08 relatif au lot n° 2 portant sur la réalisation de la partie maritime d'un émissaire en mer de la station de prétraitement des eaux usées de Saint-Pierre, en raison des désordres affectant l'émissaire en mer, à hauteur respectivement des sommes de 1 161 596,25 euros et de 301 545 euros, sommes assorties des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts et, d'autre part, de mettre les frais d'expertise à la charge de la société SPI pour un montant de 84 432,91 euros et de la société Artélia Ville et Transport pour un montant de 21 918,57 euros.
Par un jugement n° 626/07 du 13 juillet 2016, le tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon, après avoir rejeté les demandes d'intervention forcée formées par la société SPI à l'encontre des sociétés Ingérop et international offshore technical assistance Survey (IOTA Survey) et par la société Artélia Ville et Transport à l'encontre de la société Sodépar et de la direction des territoires de l'alimentation et de la mer, a condamné la société SPI à verser à la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon une somme de 720 405 euros avec les intérêts au taux légal à compter du 24 juillet 2007, la capitalisation des intérêts à compter du 13 juin 2016 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date, outre 67 676,19 euros au titre des frais d'expertise. Le tribunal administratif a également condamné la société Artélia Ville et Transport à verser à la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon une somme de 240 135 euros avec les intérêts au taux légal à compter du 24 juillet 2007, la capitalisation des intérêts à compter du 13 juin 2016 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date, outre 22 558,73 euros au titre des frais d'expertise.
Par un arrêt n°s 16BX03251, 16BX03274 du 27 décembre 2018, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, sur appel de la société SPI et de la société Artélia Ville et Transport, annulé ce jugement en tant qu'il avait rejeté les conclusions en garantie de la société SPI comme présentées devant une juridiction incompétente pour en connaître. La cour a ramené les sommes que le tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon avait mises à la charge de la société SPI et de la société Artélia Ville et Transport respectivement de 720 405 euros à 495 405 euros et de 240 135 euros à 165 135 euros, décidé que la société Ingérop et la société IOTA Survey garantiraient la SPI à hauteur de 10 % chacune des condamnations prononcées à son encontre, y compris des frais d'expertise, et rejeté le surplus des conclusions d'appel des parties.
Procédure devant le Conseil d'Etat
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 27 février et 27 mai 2019 et le 26 février 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société IOTA Survey et Maître B... A..., commissaire au plan de redressement de cette société, demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter les conclusions d'appel de la société SPI tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon en tant que ce jugement a rejeté les conclusions d'appel en garantie de cette société ;
3°) de mettre à la charge de la société SPI, de la société Artélia Ville et Transport, de la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon, de la société Archipel développement et de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- le code des marchés publics ;
- la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 ;
- l'arrêté du 13 mars 1990 portant approbation de la convention de mise à disposition du président du conseil général des services extérieurs de l'Etat, prévue à l'article 33 de la loi n° 85- 95 du 11 juin 1985 relative au statut de l'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon ;
- le code de justice administrative.
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Yves Ollier, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, Sebagh, avocat de la société international offshore technical assistance (IOTA) Survey, au cabinet Munier-Apaire, avocat de la société SPI, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de la société Artélia Ville et Transport venant aux droits de la societe Sogréah, à la SCP Ohl, Vexliard, avocat de la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon et à la SCP Jean-Philippe Caston, avocat de la société Ingérop ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 14 octobre 2020, présentée par la société IOTA Survey et Maître B... A..., commissaire au plan de redressement de cette société ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon a conclu le 11 avril 2000 avec le GIE Exploitation des carrières, aux droits duquel vient la société SPI, un marché pour la réalisation d'un émissaire en mer de la station de prétraitement des eaux usées de Saint-Pierre. La société Ingérop a réalisé, sans contrat, des études pour le compte du GIE Exploitation des carrières, et la société IOTA Survey est intervenue dans le cadre d'un contrat conclu avec la société Ingérop pour calculer les contraintes hydrodynamiques sur la conduite et sur l'ouvrage d'atterrage. Les travaux ont été réalisés entre le 19 juillet et le mois de septembre 2000 pour l'essentiel, et achevés en décembre de la même année. Au mois de novembre 2000, à la suite d'une tempête, des désordres sont apparus sur la partie maritime de l'ouvrage exposée au marnage, dont la protection par enrochements avait en partie disparu. La réception a été prononcée avec réserves à effet du 30 juin 2004. Par une ordonnance du 26 février 2008, le président du tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon, saisi par la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon et par son mandataire, la société Sodépar, a désigné un expert avec pour mission de donner un avis motivé sur les causes et origines des désordres affectant l'émissaire en mer et d'indiquer le coût et la nature des travaux nécessaires pour remédier à la situation. Celui-ci a déposé son rapport le 19 avril 2013. Par un jugement du 13 juillet 2016, le tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon a notamment condamné la société SPI à verser à la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon une somme de 720 405 euros, avec les intérêts au taux légal à compter du 24 juillet 2007, la capitalisation des intérêts à compter du 13 juin 2016 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date, outre 67 676,19 euros au titre des frais d'expertise. Il a rejeté les conclusions d'appel en garantie de cette société à l'encontre des sociétés Ingérop et IOTA Survey, après avoir relevé qu'elles étaient ses sous-traitantes et qu'en conséquence il n'appartenait pas au juge administratif de se prononcer sur de telles conclusions. Par un arrêt du 27 décembre 2018, la cour administrative d'appel de Bordeaux a notamment annulé ce jugement en tant qu'il avait rejeté les conclusions en garantie de la société SPI comme présentées devant une juridiction incompétente pour en connaître, réduit les sommes mises à la charge de la société SPI de 720 405 euros à 495 405 euros et condamné la société Ingérop et la société IOTA Survey à garantir chacune la société SPI à hauteur de 10% des condamnations prononcées à son encontre, y compris les frais d'expertise.
2. En premier lieu, le litige né de l'exécution d'un marché de travaux publics et opposant des participants à l'exécution de ces travaux relève de la compétence de la juridiction administrative, sauf si les parties en cause sont unies par un contrat de droit privé. Par suite, après avoir relevé, par une appréciation souveraine et exempte de dénaturation, d'une part, que la société IOTA Survey était intervenue en qualité de sous-traitant de la société Ingérop, notamment pour calculer les contraintes dues à l'action de la houle et, d'autre part, qu'elle n'était liée avec la société SPI par aucun contrat de droit privé, la cour administrative d'appel de Bordeaux, dont l'arrêt est suffisamment motivé, n'a commis aucune erreur de droit en en déduisant que l'appel en garantie de la société SPI contre la société IOTA Survey relevait de la compétence de la juridiction administrative.
3. En second lieu, dans le cadre d'un litige né de l'exécution de travaux publics, le titulaire du marché peut rechercher la responsabilité quasi-délictuelle des autres participants à la même opération de construction avec lesquels il n'est lié par aucun contrat, notamment s'ils ont commis des fautes qui ont contribué à l'inexécution de ses obligations contractuelles à l'égard du maître d'ouvrage, sans devoir se limiter à cet égard à la violation des règles de l'art ou à la méconnaissance de dispositions législatives et réglementaires. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, ainsi qu'il a été dit aux points 1 et 2, que ni la société Ingérop ni la société IOTA Survey n'était liée à la société SPI par un contrat. Par suite, la cour administrative d'appel de Bordeaux, après avoir relevé, par une appréciation souveraine, exempte de dénaturation, que la société Ingérop et la société IOTA Survey avaient tardé à remettre ou n'avaient pas remis des documents d'exécution et que la société Iota, spécialisée dans les calculs de contraintes hydrodynamiques, avait préconisé le dimensionnement de l'ouvrage en l'absence de données essentielles, sans se déplacer sur le site, et que c'est à partir de ces calculs erronés que les travaux avaient été exécutés par la SPI, n'a pas inexactement qualifié ces faits en retenant qu'ils présentaient un caractère fautif et un lien de causalité direct avec les dommages que la société SPI avait été condamnée à indemniser, ni commis d'erreur de droit en considérant qu'ils étaient de nature à engager le responsabilité de la société IOTA Survey à l'égard de la société SPI.
4. Il résulte de ce qui précède que la société IOTA Survey et Maître A... ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent. Leurs conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent par suite qu'être rejetées. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à leur charge la somme de 1 500 euros à verser à la société SPI et la somme de 1 500 euros à verser à la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon, au titre de ces dispositions.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la société IOTA Survey et de Me A... est rejeté.
Article 2 : La société IOTA Survey et Maître A... verseront une somme de 1 500 euros à la société SPI et une somme de 1 500 euros à la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société international offshore technical assistance Survey, à Maître B... A..., à la société de Participations Industrielles (SPI), à la société Artélia Ville et Transport, à la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon, à la société Archipel développement, à la ministre de la transition écologique et à la ministre des outre-mer.