Vu la procédure suivante :
M. C... A... et Mme D... B... ont demandé à la Cour nationale du droit d'asile d'annuler la décision du 21 septembre 2017 par laquelle l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a refusé de réexaminer leur demande d'asile et de leur reconnaître la qualité de réfugié ou, à défaut, de leur accorder le bénéfice de la protection subsidiaire.
Par une décision n° 18007113, 18007114 du 31 décembre 2018, la Cour nationale du droit d'asile a rejeté leurs demandes.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les
29 mai et 29 août 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... et Mme B... demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette décision ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leurs demandes.
Ils soutiennent que la Cour nationale du droit d'asile :
- s'est irrégulièrement abstenue de tirer les conséquences de la violation par l'OFPRA de la garantie fondamentale de la procédure d'asile que constitue le droit pour un demandeur de bénéficier d'un entretien individuel ;
- a entaché sa décision d'une contradiction de motifs ;
- a commis une erreur de qualification juridique des faits en estimant que leurs déclarations étaient peu étayées s'agissant du déroulement de l'attaque de la maison familiale intervenue en 1999 et qu'ils n'étaient pas personnellement exposés à des persécutions en cas de retour au Kosovo.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967 relatifs au statut des réfugiés ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative, l'ordonnance n°2020-1402 du
18 novembre 2020 et le décret 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
Après avoir entendu en séance publique :
Le rapport de Mme Dominique Bertinotti, conseiller d'Etat,
Les conclusions de Mme Sophie Roussel, rapporteur public,
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à Me Brouchot, avocat de
M. A... et Mme B... ;
Considérant ce qui suit :
1. En vertu de l'article L. 723-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'Office de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) se prononce sur la reconnaissance de la qualité de réfugié ou l'octroi de la protection subsidiaire au terme d'une instruction unique au cours de laquelle le demandeur d'asile est mis en mesure de présenter les éléments à l'appui de sa demande. L'article L. 723-3 du même code dispose que : " L'office convoque le demandeur à une audition. Il peut s'en dispenser s'il apparaît que : / a) L'office s'apprête à prendre une décision positive à partir des éléments en sa possession ; / b) Le demandeur d'asile a la nationalité d'un pays pour lequel ont été mises en oeuvre les stipulations du 5 du C de l'article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ; / c) Les éléments fournis à l'appui de la demande sont manifestement
infondés ; / d) Des raisons médicales interdisent de procéder à l'entretien ". Aux termes de l'article L. 723-16 du même code : " A l'appui de sa demande de réexamen, le demandeur indique par écrit les faits et produit tout élément susceptible de justifier un nouvel examen de sa demande d'asile./ L'office procède à un examen préliminaire des faits ou des éléments nouveaux présentés par le demandeur intervenus après la décision définitive prise sur une demande antérieure ou dont il est avéré qu'il n'a pu en avoir connaissance qu'après cette décision./ Lors de l'examen préliminaire, l'office peut ne pas procéder à un entretien./ Lorsque, à la suite de cet examen préliminaire, l'office conclut que ces faits ou éléments nouveaux n'augmentent pas de manière significative la probabilité que le demandeur justifie des conditions requises pour prétendre à une protection, il peut prendre une décision d'irrecevabilité ".
2. Il appartient, en principe, à la Cour nationale du droit d'asile, qui est saisie d'un recours de plein contentieux, non d'apprécier la légalité de la décision de l'OFPRA qui lui est déférée, mais de se prononcer elle-même sur le droit de l'intéressé à la qualité de réfugié ou au bénéfice de la protection subsidiaire au vu de l'ensemble des circonstances de fait dont elle a connaissance au moment où elle statue. Toutefois, lorsque le recours dont est saisie la Cour est dirigé contre une décision par laquelle l'Office a statué sur une demande d'asile sans procéder à l'audition du demandeur prévue par l'article L. 723-3, il revient à la Cour, eu égard au caractère essentiel et à la portée de la garantie en cause, si elle juge que l'Office n'était pas dispensé par la loi de convoquer le demandeur à un entretien et que le défaut d'entretien est imputable à l'Office, d'annuler la décision qui lui est déférée et de renvoyer l'examen de la demande d'asile à l'Office, sauf à ce qu'elle soit en mesure de prendre immédiatement une décision positive sur la demande de protection au vu des éléments établis devant elle.
3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. C... A... et son épouse, Mme D... B..., de nationalité kosovare et d'origine rom, ont présenté une demande de réexamen de leur demande d'asile qui a été rejetée comme irrecevable par une décision de l'OFPRA en date du 21 septembre 2017 sans que les intéressés aient été reçus à un entretien par l'Office. Dès lors que la Cour nationale du droit d'asile a jugé que
M. A... et Mme B... avaient présenté, à l'appui de leurs demandes de réexamen, des éléments nouveaux augmentant de manière significative la probabilité qu'ils justifient des conditions requises pour bénéficier d'une protection, elle devait annuler la décision d'irrecevabilité prise par l'OFPRA et lui renvoyer les demandes de réexamen, sauf à être en mesure de prendre immédiatement une décision positive sur les demandes de protection au vu des éléments établis devant elle. En rejetant le recours des intéressés sans renvoyer l'examen de leurs demandes à l'OFPRA afin qu'ils soient mis à même de bénéficier de la garantie que constitue leur audition, la cour a dès lors méconnu son office.
4. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, M. A... et Mme B... sont fondés à demander l'annulation de la décision qu'ils attaquent.
D E C I D E :
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Article 1er : La décision de la Cour nationale du droit d'asile du 31 décembre 2018 est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la Cour nationale du droit d'asile.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. C... A..., à Mme D... B... et à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.