Vu la procédure suivante :
M. D... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision du 18 juin 2019 par laquelle le président du conseil départemental de l'Hérault a rejeté son recours administratif préalable formé contre la décision du 1er avril 2019 refusant de l'admettre au bénéfice du revenu de solidarité active et d'enjoindre à cette autorité de procéder à la détermination de ses droits et de lui verser les sommes dues. Par une ordonnance n° 1904835 du 23 octobre 2019, le juge des référés a suspendu l'exécution de cette décision et enjoint au président du conseil départemental de procéder au réexamen de la situation de M. B... afin de prendre une nouvelle décision, à titre provisoire et conservatoire, dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'ordonnance.
Par un pourvoi, enregistré le 8 novembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le département de l'Hérault demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Eric Buge, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme A... C..., rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Meier-Bourdeau, Lecuyer et associés, avocat du département de l'Hérault, et à Me Le Prado, avocat de M. B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".
2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés qu'après avoir été radié du bénéfice du revenu de solidarité active en novembre 2017, à la suite de contrôles opérés par les services de la caisse d'allocations familiales de l'Hérault, M. B... a sollicité de nouveau, en décembre 2018, le bénéfice du revenu de solidarité active. Sa demande a été rejetée par une décision portée à sa connaissance par la caisse d'allocations familiales le 1er avril 2019 et confirmée le 18 juin 2019 par la décision du président du conseil départemental de l'Hérault rejetant son recours administratif préalable. M. B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler cette décision et a présenté une demande tendant à la suspension de son exécution. Par une ordonnance du 23 octobre 2019, contre laquelle le département de l'Hérault se pourvoit en cassation, le juge des référés du tribunal administratif a suspendu l'exécution de la décision du 18 juin 2019 et enjoint au président du conseil départemental de l'Hérault de réexaminer la situation de M. B... afin de prendre une nouvelle décision, à titre provisoire et conservatoire, jusqu'à ce qu'il soit statué sur sa requête au fond.
3. La condition d'urgence à laquelle est subordonné le prononcé d'une mesure de suspension doit être regardée comme remplie lorsque l'exécution de la décision contestée porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue.
4. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que M. B... a créé en 2016 une société par actions simplifiée à associé unique, ayant pour activité principale la location de matériels et véhicules nécessaires à la logistique de production itinérante de photos et vidéos terrestres et aériennes, qu'il préside. Les comptes de l'exercice allant du 1er octobre 2017 au 30 septembre 2018 font apparaître des immobilisations corporelles brutes de 95 915 euros et nettes de 67 088 euros à la clôture de l'exercice, financées par le capital social de la société, de 30 000 euros, et par des apports en compte courant de 57 920 euros, alors même que la société n'a eu quasiment aucune activité au cours des exercices clos le 30 septembre 2017 et le 30 septembre 2018. Ayant perçu 50 522 euros de la vente, en mars 2018, d'un appartement qu'il possédait en Polynésie française, M. B... a procédé à de nouveaux apports en compte courant à sa société, à hauteur de 34 000 euros, en octobre et novembre 2018, et a versé 10 230 euros à son bailleur, notamment pour le règlement d'avance de onze mois d'un loyer mensuel de 700 euros. Dans ces conditions, en jugeant que la situation financière dans laquelle se trouvait M. B... justifiait la suspension du refus opposé à sa demande de revenu de solidarité active dans l'attente du jugement de sa requête au fond, alors que cette situation résultait largement de choix personnels, notamment d'arbitrages opérés au profit de la société qu'il présidait, le juge des référés a dénaturé les pièces du dossier dont il était saisi.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens du pourvoi, que le département de l'Hérault est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance qu'il attaque.
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge du département, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions du département présentées au même titre.
D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier du 23 octobre 2019 est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Montpellier.
Article 3 : Les conclusions des parties présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au département de l'Hérault et à M. D... B....