Vu la procédure suivante :
M. Z... a demandé au tribunal administratif de Versailles de rectifier les résultats du premier tour des opérations électorales qui se sont déroulées le 15 mars 2020 en vue de l'élection des conseillers municipaux et communautaires de la commune de Chevreuse (Yvelines) et de proclamer élus à la majorité absolue des suffrages exprimés les candidats de la liste " Chevreuse 2020 " ou, à défaut, d'annuler le scrutin, de prononcer l'inéligibilité de M. D... et de Mme B... AK..., et de mettre à la charge de cette dernière la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 2002255 du 7 juillet 2020, ce tribunal a annulé l'élection des conseillers municipaux et communautaires de la commune de Chevreuse et rejeté le surplus des conclusions de la protestation.
Par une requête, un mémoire en réplique et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 4 août, 10 novembre, 23 novembre et 14 décembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme AG... AK..., M. R... P..., Mme AH... AI..., M. C... K..., Mme F... Q..., M. N... D..., Mme Y... AS..., M. AD... A..., Mme X... AA..., M. V... AM..., Mme I... AP..., M. AU...-AD... AC..., Mme AF... AR..., M. AN... AE..., Mme AT..., M. G... L..., Mme H... O..., M. M... T..., Mme AQ... J..., M. W... AB..., Mme AJ... S... et M. U... R... demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement
2°) de rejeter la protestation de M. Z... ;
3°) de mettre à la charge de M. Z... la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code électoral ;
- le code de justice administrative et le décret n°2020-1406 du 18 novembre 2020.
Les parties ont été informées de ce que le Conseil d'Etat était susceptible d'étendre son contrôle à l'ensemble des bulletins du bureau de vote n° 3 annexés au procès-verbal des opérations électorales en vertu des articles L. 66, R. 66 et R. 68 du code électoral.
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Marc Vié, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme E... AO..., rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à Me Goldman Laurent, avocat de Mme B... AK... et à la SCP Foussard, Froger, avocat de M. Z... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il résulte de l'instruction qu'à l'issue du premier tour des opérations électorales qui se sont déroulées le 15 mars 2020 dans la commune de Chevreuse (Yvelines) en vue de l'élection des conseillers municipaux et communautaires, la liste " Ensemble pour Chevreuse " conduite par Mme B... AK..., maire sortante, a obtenu 1 014 voix, et la liste " Chevreuse 2020 " conduite par M. Z... 1 013 voix. La liste " Ensemble pour Chevreuse " a ainsi obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour.
2. Saisi sur protestation de M. Z..., le tribunal administratif de Versailles, après avoir estimé qu'un suffrage exprimé en faveur de la liste conduite par ce dernier avait été écarté à tort comme irrégulier, a annulé cette élection par un jugement du 7 juillet 2020 dont Mme B... AK... et autres relèvent appel.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. Il résulte des dispositions combinées de l'article R. 773-1 du code de justice administrative et des articles R. 119 et R. 120 du code électoral que, par dérogation aux dispositions de l'article R. 611-1 du code de justice administrative, les tribunaux administratifs ne sont pas tenus d'ordonner la communication des mémoires en défense des conseillers municipaux dont l'élection est contestée aux auteurs des protestations, ni des autres mémoires ultérieurement enregistrés et qu'il appartient seulement aux parties, si elles le jugent utile, de prendre connaissance de ces défenses et mémoires ultérieurs au greffe du tribunal administratif.
4. Il ressort des pièces de la procédure que Mme B... AK... et autres ont été informés de la possibilité de suivre l'état de l'instruction sur l'application Sagace. Ils doivent ainsi être regardés comme ayant été informés de l'enregistrement des mémoires présentés par M. Z... les 17 et 19 juin 2020. Les requérants ne sont, par suite, pas fondés à soutenir qu'ils n'auraient pas été en mesure de prendre connaissance en temps utile de ces mémoires, lesquels, au demeurant, faisant suite à quatre mémoires du protestataire et à deux mémoires en défense, ne contenaient aucun élément nouveau.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 66 du code électoral : " Les bulletins (...) dans lesquels les votants se sont fait connaître (...) n'entrent pas en compte dans le résultat du dépouillement. Mais ils sont annexés au procès-verbal ainsi que les enveloppes non réglementaires et contresignés par les membres du bureau. Chacun de ces bulletins annexés doit porter mention des causes de l'annexion (...) ".
6. Il résulte de l'instruction que l'enveloppe correspondant au suffrage regardé comme irrégulièrement émis en faveur de la liste " Chevreuse 2020 " au motif que le votant s'était fait connaître a été annexée au procès-verbal du bureau de vote n° 3, après qu'y a été portée la mention " 10 ", qui correspond au code de ce motif d'annulation sur la feuille de pointage des bulletins nuls. Il est toutefois constant que le bulletin en cause ne comporte aucun signe de reconnaissance, ni aucune anomalie apparente. Si les requérants soutiennent qu'une carte d'électeur aurait été retrouvée dans l'enveloppe contenant ce bulletin, il n'en est pas fait mention sur l'enveloppe, sur la feuille de recensement des bulletins nuls ou dans une quelconque autre pièce du dossier, et cette carte d'électeur n'a pas elle-même été annexée au procès-verbal. La circonstance qu'une carte d'électeur a été envoyée par les services de la mairie de Chevreuse à la sous-préfecture de Rambouillet le 19 mai 2020 n'est pas davantage de nature à permettre de tenir pour établies ces allégations. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le tribunal administratif aurait réintégré à tort ce suffrage dans le total obtenu par la liste " Chevreuse 2020 ".
7. Une protestation tendant à l'annulation d'une élection, lorsqu'elle est fondée sur des griefs tirés de la validité des bulletins de vote, saisit le juge de la validité des bulletins qui sont contestés devant lui et de tous ceux des mêmes bureaux.
8. Il y a lieu de constater, à ce titre, d'une part, que parmi les bulletins de vote annexés au procès-verbal du bureau de vote n° 3, une enveloppe contenait à la fois une profession de foi et un bulletin de vote en faveur de la liste " Ensemble pour Chevreuse ". C'est donc à tort que ce suffrage a été déclaré nul avec le code " 7 ", correspondant à l'utilisation d'une circulaire comme bulletin de vote.
9. D'autre part, il résulte de l'instruction que l'enveloppe correspondant au vote en faveur de la liste " Chevreuse 2020 " déclaré nul au motif qu'il avait été émis au moyen d'une circulaire contenait un document de même format que les bulletins de vote, constitué, au recto, d'un tract, et au verso, d'un bulletin de vote en faveur de la liste " Chevreuse 2020 ". Un tel document ayant valablement exprimé un suffrage en faveur de cette liste, ce dernier doit être ajouté au total de ses voix.
10. En second lieu et en revanche, s'agissant du suffrage déclaré nul par le bureau de vote n° 2 au motif que l'enveloppe ne contenait qu'une profession de foi de la liste " Ensemble pour Chevreuse ", il ne résulte pas de l'instruction, contrairement à ce que soutiennent Mme B... AK... et autres, que cette enveloppe aurait également contenu un bulletin de vote en faveur de cette liste.
12. Il résulte de tout ce qui précède que chacune des deux listes a obtenu le même nombre de voix, soit 1015.
13. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles, après avoir constaté qu'aucune des deux listes n'avait recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés à l'issue du premier tour de scrutin, a annulé l'élection.
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. Z..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que les requérants demandent à ce titre. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... AK... la somme demandée au même titre par M. Z....
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de Mme B... AK... et autres est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de M. Z... présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme AG... AK..., première dénommée pour l'ensemble des requérants, à M. AL... Z... et au ministre de l'intérieur.