Vu la procédure suivante :
La société Sodigema a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires de taxe sur les surfaces commerciales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2014 à 2016. Par un jugement n° 1800058 du 4 avril 2019, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Par une ordonnance n° 19VE02084 du 12 juillet 2019, enregistrée le 17 juillet 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président de la cour administrative d'appel de Versailles a transmis au Conseil d'Etat, en application des dispositions de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi, enregistré le 7 juin 2019 au greffe de la cour administrative d'appel de Versailles, présenté par la société Sodigema contre ce jugement.
Par ce pourvoi et un mémoire complémentaire, enregistré le 9 décembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Sodigema demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 ;
- le décret n° 95-85 du 26 janvier 1995 ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Cécile Viton, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Richard, avocat de la société Sodigema ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Sodigema qui exploite un supermarché à l'enseigne Leclerc dans un immeuble situé 32-34 rue Gallieni à Rosny-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) a demandé la décharge des cotisations de taxe sur les surfaces commerciales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2014, 2015 et 2016. Le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande par un jugement du 4 avril 2019 dont elle demande l'annulation.
Sur l'application de la loi fiscale :
2. Aux termes de l'article 3 de la loi du 13 juillet 1972 instituant des mesures en faveur de certaines catégories de commerçants et artisans âgés, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " Il est institué une taxe sur les surfaces commerciales assise sur la surface de vente des magasins de commerce de détail, dès lors qu'elle dépasse 400 mètres carrés des établissements ouverts à partir du 1er janvier 1960 quelle que soit la forme juridique de l'entreprise qui les exploite (...) ". Aux termes de l'article 1er du décret du 26 janvier 1995 relatif à la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat : " (...) Il n'y a pas ouverture d'établissement en cas de changement d'exploitant pour quelque cause juridique que ce soit, notamment par transmission à titre onéreux ou gratuit ou par apport, même après fermeture pour travaux d'amélioration ou de transformation, pourvu que l'activité professionnelle demeure une activité de vente au détail (...) ". Il résulte de ces dispositions que la taxe sur les surfaces commerciales est due au titre d'un établissement ouvert après des travaux de construction faisant suite à la démolition d'un établissement au sein duquel une activité de commerce de détail était exercée antérieurement au 1er janvier 1960.
3. Il ressort des énonciations du jugement attaqué qu'après avoir relevé que l'exploitation des commerces de crémerie et de miroiterie existant au 1er janvier 1960 dans l'immeuble du 32-34 rue du général Gallieni à Rosny-Sous-Bois avait cessé en 1963 à la suite de la destruction de ces commerces et que l'exploitation d'un commerce de détail n'avait reprise qu'après la construction d'un supermarché, le tribunal a jugé que la condition d'exercice continu d'une activité de commerce de détail depuis au moins le 1er janvier 1960 n'était pas satisfaite. En statuant ainsi, le tribunal n'a pas commis d'erreur de droit.
Sur l'interprétation de la loi fiscale :
4. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration (...) ". Aux termes de l'article L. 80 B du même livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable :/1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal ".
5. En jugeant qu'en l'absence de rehaussements d'impositions antérieures, la société Sodigema n'était pas fondée à se prévaloir, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, de l'opposabilité du courrier du 12 mars 2010 par lequel le directeur de la caisse nationale du régime social des indépendants, alors chargé de l'assiette et du recouvrement de la taxe sur les surfaces commerciales, lui avait fait connaître qu'elle n'était pas assujettie à cette taxe dès lors que son établissement était ouvert avant le 1er janvier 1960, le tribunal n'a pas commis d'erreur de droit ni d'erreur de qualification juridique.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la société Sodigema n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque.
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi de société Sodigema est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Sodigema et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.