Vu la procédure suivante :
M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 21 février 2017 par laquelle la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a, d'une part, annulé la décision de l'inspectrice du travail de la section 19-2 de l'unité territoriale de Paris refusant d'autoriser son licenciement par la société Lancry Protection Sécurité et, d'autre part, autorisé son licenciement. Par un jugement n° 1703088/3-3 du 10 avril 2018, le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 18PA01931 du 24 octobre 2019, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par M. C... contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 2 avril et 2 juillet 2020 et le 15 mars 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de la société Lancry Protection Sécurité le versement à la SCP Gadiou Chevallier, son avocat, de la somme de 3 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du travail ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme B... A..., auditrice,
- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gadiou, Chevallier, avocat de M. C... et à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la société Lancry Protection Sécurité ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. C..., recruté par la société Lancry Protection Sécurité en qualité d'agent de sécurité depuis le 3 avril 2006, exerçait les fonctions de conseiller du salarié et de représentant de section syndicale. A la suite de son refus d'accepter trois affectations sur des postes d'agent de sécurité localisés respectivement à Paris, au Chesnay (Yvelines) et aux Ulis (Essonne), son employeur a sollicité l'autorisation de le licencier pour faute. Par une décision du 29 juillet 2016, l'inspectrice du travail de section 19-2 de l'unité territoriale de Paris a rejeté cette demande. Toutefois, le ministre chargé du travail, par une décision du 21 février 2017, a retiré sa décision implicite rejetant le recours hiérarchique de la société Lancry Protection, annulé la décision de l'inspectrice du travail et autorisé le licenciement de M. C.... Par un jugement du 10 avril 2018, le tribunal administratif de Paris a rejeté le recours de M. C... tendant à l'annulation de cette décision. M. C... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 24 octobre 2019 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son appel formé contre ce jugement.
2. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.
3. En l'absence de mention contractuelle du lieu de travail d'un salarié, la modification de ce lieu de travail constitue un simple changement des conditions de travail, dont le refus par le salarié est susceptible de caractériser une faute de nature à justifier son licenciement, lorsque le nouveau lieu de travail demeure à l'intérieur d'un même secteur géographique, lequel s'apprécie, eu égard à la nature de l'emploi de l'intéressé, de façon objective, en fonction de la distance entre l'ancien et le nouveau lieu de travail ainsi que des moyens de transport disponibles. En revanche, sous réserve de la mention au contrat de travail d'une clause de mobilité ou de fonctions impliquant par elles-mêmes une mobilité, tout déplacement du lieu de travail du salarié, qui doit être distingué de déplacements occasionnels, dans un secteur géographique différent du secteur initial constitue une modification du contrat de travail.
4. En premier lieu, il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour administrative d'appel de Paris a constaté que les postes proposés à M. C..., situés respectivement à Paris, au Chesnay (Yvelines) et aux Ulis (Essonne), relevaient de sa qualification et ne comportaient ni changement de rémunération ni changement de secteur géographique, ce dont elle a déduit qu'ils ne constituaient qu'un changement des conditions d'exécution du contrat de travail de M. C..., et non une modification de ce contrat. Par suite, si, à l'appui de son pourvoi en cassation, M. C... soutient que la cour s'est méprise dans l'interprétation de la clause de son contrat de travail relative à la mobilité géographique, un tel moyen est inopérant, dès lors qu'il porte sur un motif surabondant de l'arrêt, la cour ayant, comme il vient d'être dit, retenu que les affectations proposées devaient être regardées comme un simple changement des conditions de travail du salarié.
5. En second lieu, en jugeant, après avoir relevé, d'une part, que la circonstance que M. C... n'ait pas bénéficié d'un entretien professionnel depuis l'année 2014 résultait de son absence d'activité professionnelle depuis l'année 2012, d'autre part, qu'aucun élément ne permettait d'établir un lien entre la demande d'autorisation de licenciement et les procédures ayant donné lieu à un arrêt de la cour d'appel de Paris ayant jugé que le syndicat UNSA Lancry n'était pas représentatif en raison d'un défaut d'indépendance avec l'employeur, et, enfin, que les précédentes demandes d'autorisation de licenciement du même salarié étaient fondées sur des griefs distincts, que le projet de licenciement de M. C... n'était pas en lien avec l'exercice de ses mandats syndicaux, la cour administrative d'appel de Paris a porté sur les faits de l'espèce une appréciation souveraine exempte de dénaturation.
6. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de M. C... doit être rejeté, y compris, par voie de conséquence, les conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au même titre par la société Lancry Protection Sécurité.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de M. C... est rejeté.
Article 2 : Les conclusions présentées par la société Lancry Protection Sécurité au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. D... C..., à la société Lancry Protection Sécurité et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.