Vu la procédure suivante :
Par une décision du 1er avril 2019, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, saisi du pourvoi du ministre des solidarités et de la santé tendant à l'annulation des arrêts nosA.2015.15, A.2015.25, A.2015.26, A.2015.27, A.2015.28, A.2015.29, A.2015.30 et A.2015.31 du 16 juin 2017 de la Cour nationale de la tarification sanitaire et sociale, a annulé ces arrêts et, réglant l'affaire au fond, a sursis à statuer jusqu'à ce que le tribunal judiciaire de Paris se soit prononcé sur la question de la portée que revêtent, à la date du litige, postérieurement à la loi du 17 janvier 2002, au décret du 19 mars 2004 et à l'arrêté du 22 septembre 2004 qui a créé le diplôme d'études spécialisées de médecine générale, pour la rémunération des médecins qualifiés spécialistes en médecine générale, d'une part, les stipulations de la convention collective nationale du 1er mars 1979 des médecins spécialistes qualifiés au regard du conseil de l'ordre travaillant dans les établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées, modifiée par le protocole d'accord du 6 avril 1993 concernant les médecins spécialistes, et, d'autre part, les stipulations de l'accord de transfert conclu le 26 mars 2003 au sein de l'association nationale de prévention de l'alcoolisme.
Par un jugement n° 19/04282 du 9 février 2021, le tribunal judiciaire de Paris s'est prononcé sur cette question.
Ce jugement a été communiqué au ministre des solidarités et de la santé et à l'association nationale de prévention en alcoologie et en addictologie, qui n'ont pas présenté de nouveau mémoire.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code du travail ;
- la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 ;
- le décret n° 2004-252 du 19 mars 2004 ;
- l'arrêté du 22 septembre 2004 fixant la liste et la réglementation des diplômes d'études spécialisées de médecine ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Marie Walazyc, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Vincent Villette, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de l'association nationale de prévention en alcoologie et en addictologie ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 314-6 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction applicable au litige : " Les conventions collectives de travail, conventions d'entreprise ou d'établissement et accords de retraite applicables aux salariés des établissements et services sociaux et médico-sociaux à but non lucratif dont les dépenses de fonctionnement sont, en vertu de dispositions législatives ou réglementaires, supportées, en tout ou partie, directement ou indirectement, soit par des personnes morales de droit public, soit par des organismes de sécurité sociale, ne prennent effet qu'après agrément donné par le ministre compétent après avis d'une commission où sont représentés des élus locaux et dans des conditions fixées par voie réglementaire. Ces conventions ou accords s'imposent aux autorités compétentes en matière de tarification (...) ".
2. L'association nationale de prévention en alcoologie et en addictologie gère des centres de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie, qui sont des établissements médico-sociaux au titre du 9° du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles, à but non lucratif et financés par une dotation globale de financement dont le montant est fixé par le directeur général de l'agence régionale de santé. Par une délibération du 11 janvier 2011, le bureau national de l'association a reconnu à ceux des médecins généralistes qu'elle emploie qui ont obtenu la qualification de spécialiste en médecine générale à la suite de la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale et des textes pris pour son application le droit, à compter du 1er janvier 2012, à l'entier bénéfice, à hauteur de 100 %, de la rémunération résultant, pour les médecins spécialistes, de l'application de la grille tarifaire prévue par la convention collective nationale du 1er mars 1979 des médecins spécialistes qualifiés au regard du conseil de l'ordre travaillant dans les établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées. Estimant que cette rémunération ne leur était pas opposable, faute que la délibération du 11 janvier 2011 ait été soumise à l'agrément prévu à l'article L. 314-6 du code de l'action sociale et des familles cité au point 1, les directeurs généraux des agences régionales de santé d'Auvergne, Rhône-Alpes et Languedoc-Roussillon n'en ont pas tenu compte dans leurs arrêtés des 8, [WM1]12, 14, 15 et 21 novembre et 10 décembre 2013 fixant, pour l'année 2013, la dotation globale de financement des centres de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie gérés par l'association et situés au Puy-en-Velay, à Chambéry, Seynod, Valence, Givors, Villefranche-sur-Saône, Villeurbanne et Perpignan[WM2]. Les tribunaux interrégionaux de la tarification sanitaire et sociale de Bordeaux et de Lyon ont, par un jugement du 4 mars 2015 et par sept jugements du 29 juin 2015, rejeté les demandes de l'association tendant à l'annulation de ces huit arrêtés en tant qu'ils n'ont pas tenu compte de cette augmentation de rémunération des médecins qualifiés spécialistes en médecine générale. Par huit arrêts, en date du 16 juin 2017, la Cour nationale de la tarification sanitaire et sociale a annulé ces jugements et fait droit aux demandes de l'association nationale de prévention en alcoologie et addictologie.
3. Par une décision du 1er avril 2019, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, saisi du pourvoi en cassation du ministre des solidarités et de la santé contre ces huit arrêts, les a annulés et, réglant les affaires au fond, les a jointes et a sursis à statuer jusqu'à ce que le tribunal judiciaire de Paris se soit prononcé sur la question de la portée que revêtent, à la date du litige, d'une part, les stipulations de la convention collective nationale du 1er mars 1979 modifiée concernant les médecins spécialistes et, d'autre part, les stipulations de l'accord de transfert du 26 mars 2003, conclu au sein de l'association requérante et agréé sur le fondement des dispositions mentionnées au point 1, organisant le transfert de l'accord d'entreprise du 28 mars 1986 agréé, jusqu'alors applicable en son sein, vers la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966 ainsi que vers la convention collective nationale du 1er mars 1979 mentionnée ci-dessus, à la suite de son adhésion à une organisation professionnelle d'employeurs signataire de ces deux conventions collectives nationales.
4. Pour contester les jugements qu'elle attaque, l'association nationale de prévention en alcoologie et en addictologie soutient que l'autorité tarifaire ne pouvait utilement lui opposer l'absence d'agrément, au titre de l'article L. 314-6 du code de l'action sociale et des familles, de la délibération du 11 janvier 2011 de son bureau national pour refuser de prendre en compte, lors de la fixation de la dotation globale de financement des centres de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie qu'elle gère, la rémunération des médecins qualifiés spécialistes en médecine générale à hauteur de 100 % de la grille tarifaire de la convention collective nationale du 1er mars 1979. A l'appui de ce moyen, elle fait valoir que les médecins généralistes reconnus spécialistes entrent dans le champ de la convention collective nationale de 1979, dont la grille tarifaire, pour les médecins spécialistes, est plus favorable que celle que prévoient les stipulations de l'accord de transfert de 2003 et que cette rémunération résulte de plein droit de l'application de la convention collective nationale de 1979, elle-même agréée, de même que son avenant de 1993, au titre de l'article L. 314-6 du code de l'action sociale et des familles.
5. Par un jugement du 9 février 2021, le tribunal judiciaire de Paris, saisi de la question posée par le Conseil d'Etat, a dit pour droit, d'une part, que les stipulations de la convention collective nationale du 1er mars 1979, modifiée par le protocole d'accord du 6 avril 1993, s'appliquent à l'ensemble des médecins qualifiés de spécialistes par le conseil de l'ordre, ce qui inclut les médecins spécialisés en médecine générale, d'autre part, que la convention collective nationale contient, à l'égard des médecins spécialisés en médecine générale, des dispositions plus favorables en termes de rémunération que l'accord de transfert conclu le 26 mars 2003 au sein de l'association requérante, enfin, que les médecins généralistes reconnus comme spécialistes entrent dans le champ de la convention collective nationale, dont la grille tarifaire, pour les médecins spécialistes, est plus favorable que celle que prévoient les stipulations de cet accord de transfert et que cette rémunération résulte de plein droit de l'application de la convention collective nationale, elle-même agréée, de même que son avenant de 1993, au titre de l'article L. 314-6 du code de l'action sociale et des familles.
6. Il suit de là que l'association requérante est fondée à soutenir que la rémunération des médecins qualifiés spécialistes en médecine générale, à hauteur de 100 % de la grille tarifaire de la convention collective nationale du 1er mars 1979, était opposable à l'autorité de tarification nonobstant l'absence d'agrément de la délibération du 11 janvier 2011 du bureau national de l'association et que l'autorité de tarification n'était ainsi pas fondée à refuser de prendre en compte cette rémunération lors de la fixation de la dotation globale de financement des centres de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie en cause. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que les tribunaux interrégionaux de la tarification sanitaire et sociale de Bordeaux et de Lyon se sont fondés, pour rejeter les demandes de l'association requérante tendant à l'annulation des arrêtés litigieux, sur la circonstance que la convention du 1er mars 1979 s'appliquait exclusivement aux médecins psychiatres ou neuropsychiatres travaillant dans les établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées[WM3].
7. Il résulte des dispositions de l'article R. 351-35 du code de l'action sociale et des familles que, lorsque le juge de la tarification sanitaire et sociale, saisi d'un recours introduit sur le fondement des dispositions de l'article L. 351-1 du code de l'action sociale et des familles, estime que le tarif a été illégalement fixé par l'administration, il lui appartient d'annuler ou de réformer, s'il y a lieu, cette décision en fixant alors lui-même, pour l'exercice en cause, un tarif conforme aux textes en vigueur ou, s'il ne peut y procéder, en renvoyant l'intéressé devant l'administration afin qu'elle procède à cette fixation sur les bases qu'il indique dans les motifs de son jugement.
8. Il y a lieu, en l'espèce, tout d'abord, s'agissant des appels de l'association enregistrés devant la Cour nationale de la tarification sanitaire et sociale sous les n° A.2015.25, A.2015.26, A.2015.27, A.2015.28, A.2015.29 et A.2015.30, d'annuler les arrêtés en litige du directeur général de l'agence régionale de santé de Rhône-Alpes des 12, 14, 15 et 21 novembre 2013 en tant qu'ils n'ont pas tenu compte de la rémunération, à compter du 1er janvier 2012, des médecins reconnus spécialistes en médecine générale à hauteur de 100 % de la grille tarifaire de la convention collective nationale du 1er mars 1979, ainsi que les jugements en litige, ayant à tort refusé d'annuler ces arrêtés.
9. Il y a lieu, de même, s'agissant de l'appel de l'association enregistré sous le n° A.2015.15, auquel l'association a, contrairement à ce que soutient la directrice de l'agence régionale de santé de la région Languedoc-Roussillon, joint le jugement contesté, d'annuler l'arrêté en litige du directeur général de l'agence régionale de santé de Languedoc-Roussillon du 10 décembre 2013 en tant qu'il n'a pas tenu compte de la rémunération, à compter du 1er janvier 2012, des médecins reconnus spécialistes en médecine générale à hauteur de 100 % de la grille tarifaire de la convention collective nationale du 1er mars 1979, ainsi que le jugement en litige, ayant à tort refusé d'annuler cet arrêté.
10. Il y a lieu, ensuite, s'agissant de l'appel de l'association enregistré sous le n° A.2015.31, d'annuler l'article 2 du jugement en litige, ayant à tort, après avoir annulé l'arrêté du 8 novembre 2013 du directeur général de l'agence régionale de santé d'Auvergne, fixé la dotation globale de financement du centre de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie du Puy-en-Velay pour l'année 2013 sans prendre en compte la rémunération des médecins reconnus spécialistes en médecine générale à hauteur de 100 % de la grille tarifaire de la convention collective nationale du 1er mars 1979.
11. Il y a lieu, en outre, s'agissant de l'ensemble des requêtes, de renvoyer l'association requérante devant l'administration afin que soit fixée la dotation globale de financement des centres de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie en cause conformément aux motifs figurant au point 6.
12. Il y a lieu, enfin, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de l'association requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros.
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement n° 2013-66-1 du 4 mars 2015 du tribunal interrégional de la tarification sanitaire et sociale de Bordeaux, les jugements n°s 13-73-48, 13-74-51, 13-26-50, 13-69-53, 13-69-54 et 13-69-52 du 29 juin 2015 du tribunal interrégional de la tarification sanitaire et sociale de Lyon et l'article 2 du jugement n° 13-43-49 du 29 juin 2015 du tribunal interrégional de la tarification sanitaire et sociale de Lyon sont annulés.
Article 2 : Les arrêtés des 8, 12, 14, 15 et 21 novembre et 10 décembre 2013 des directeurs généraux des agences régionales de santé d'Auvergne, de Rhône-Alpes et de Languedoc-Roussillon fixant pour l'année 2013 la dotation globale de financement des centres de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie gérés par l'association et situés au Puy-en-Velay, à Chambéry, Seynod, Valence, Givors, Villefranche-sur-Saône, Villeurbanne et Perpignan sont annulé en tant qu'ils ne tiennent pas compte de la rémunération, à compter du 1er janvier 2012, des médecins reconnus spécialistes en médecine générale à hauteur de 100 % de la grille tarifaire de la convention collective nationale du 1er mars 1979.
Article 3 : L'association nationale de prévention en alcoologie et en addictologie est renvoyée devant les agences régionales de santé des régions Auvergne-Rhône-Alpes et Occitanie pour le calcul et le versement de la dotation globale de financement pour l'année 2013, conformément aux motifs figurant au point 6, des centres de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie gérés par l'association et situés au Puy-en-Velay, à Chambéry, Seynod, Valence, Givors, Villefranche-sur-Saône, Villeurbanne et Perpignan.
Article 4 : L'Etat versera à l'association nationale de prévention en alcoologie et en addictologie une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au ministre des solidarités et de la santé et à l'association nationale de prévention en alcoologie et en addictologie.