Vu la procédure suivante :
La SCI du château de Silleron et M. D... C... ont demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 29 janvier 2015 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a autorisé la société Parc éolien du Bois Désiré à exploiter un parc éolien sur le territoire des communes de La Gaillarde et Saint-Pierre-le-Viger. Par un jugement n° 1502362 du 30 novembre 2017, le tribunal administratif a rejeté cette demande.
Par un arrêt n° 18DA00242 du 15 octobre 2019, la cour administrative d'appel de Douai a, sur appel de la SCI du château de Silleron et de M. C..., annulé ce jugement et l'arrêté du 29 janvier 2015.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés le 10 décembre 2019 et le 9 mars 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Parc éolien du Bois Désiré demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de la SCI du château de Silleron et autre ;
3°) de mettre à la charge de la SCI du château de Silleron et de M. C... la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la directive n° 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 ;
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme A... B..., auditrice,
- les conclusions de M. Olivier Fuchs, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de la société Parc éolien du Bois Désiré et à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de la SCI du château de Silleron et autre ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 29 janvier 2015, pris au titre de la législation relative aux installations classées pour la protection de l'environnement, le préfet de la Seine-Maritime a autorisé la société Parc éolien du Bois Désiré à exploiter un parc éolien sur le territoire des communes de La Gaillarde et de Saint-Pierre-le-Viger. La société Parc éolien du Bois Désiré se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 15 octobre 2019 de la cour administrative d'appel de Douai qui a annulé l'arrêté du 29 janvier 2015.
2. Aux termes de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, issu de l'ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale : " I. Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre une autorisation environnementale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés : / 1° Qu'un vice n'affecte qu'une phase de l'instruction de la demande d'autorisation environnementale, ou une partie de cette autorisation, peut limiter à cette phase ou à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et demander à l'autorité administrative compétente de reprendre l'instruction à la phase ou sur la partie qui a été entachée d'irrégularité ; / 2° Qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par une autorisation modificative peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si une telle autorisation modificative est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. (...) ".
3. D'une part, si, saisi d'une demande d'annulation d'une autorisation d'exploiter, le juge retient que le caractère incomplet du dossier soumis à enquête publique concernant les capacités techniques et financières du demandeur a nui à l'information du public et affecté la légalité de la décision prise, il lui appartient de prendre en compte, le cas échéant, les éléments produits devant lui permettant de retenir, à la date à laquelle il statue, que ce vice a été régularisé. En outre, saisi de conclusions en ce sens, il lui appartient également, dès lors qu'il estime que le vice constaté n'est pas, ou que partiellement, régularisé, de se prononcer sur la possibilité de mettre en oeuvre les dispositions de l'article L. 181-18 du code de l'environnement afin de permettre une telle régularisation, cette mise en oeuvre pouvant notamment avoir pour objet de compléter l'information du public.
4. D'autre part, lorsqu'un vice de procédure entache l'avis de l'autorité environnementale qui a été soumis au public, notamment dans le cadre d'une enquête publique, préalablement à l'adoption de la décision attaquée, il appartient au juge, saisi de conclusions en ce sens, de surseoir à statuer en vue de la régularisation de l'avis, en précisant les règles selon lesquelles le public devra être informé et, le cas échéant, mis à même de présenter des observations et des propositions, une fois le nouvel avis émis et en fonction de son contenu.
5. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour annuler l'arrêté du 29 janvier 2015, la cour administrative d'appel de Douai s'est fondée, d'une part, sur l'insuffisance des capacités financières dont faisait état la société Parc éolien du Bois Désiré, d'autre part, sur un vice de procédure tiré de l'irrégularité de l'avis émis par l'autorité environnementale et sur le fait que ces carences avaient nui à la complète information de la population. En refusant de mettre en oeuvre les pouvoirs qu'elle tire des dispositions mentionnées au point 3, alors qu'elle était saisie de conclusions en ce sens, au motif que les vices retenus affectaient deux phases distinctes de la procédure d'instruction de la demande d'autorisation et que le vice tiré de l'insuffisance des capacités financières de la société pétitionnaire n'était pas régularisable, alors que les vices relevés étaient, au contraire, susceptibles d'être régularisés par une décision modificative, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que la société Parc éolien du Bois Désiré est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.
7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société Parc éolien du Bois Désiré au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la société Parc éolien du Bois Désiré, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 15 octobre 2019 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Douai.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la société Parc éolien du Bois Désiré est rejeté.
Article 4 : Les conclusions présentées par la SCI du château de Silleron et M. C... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société Parc éolien du Bois Désiré, à la SCI du château de Silleron, à M. D... C... et à la ministre de la transition écologique.