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13/12/2021 | FRANCE | N°437134

France | France, Conseil d'État, 4ème chambre, 13 décembre 2021, 437134


Vu la procédure suivante :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 14 novembre 2012 par laquelle l'inspectrice du travail de la 2ème section de l'unité départementale du Jura a autorisé la société CetK Components à le licencier ainsi que la décision du 4 avril 2013 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a rejeté son recours contre cette décision. Par un jugement n° 1300697 du 7 juillet 2015, le tribunal administratif a rejeté sa demande.r>
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Vu la procédure suivante :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 14 novembre 2012 par laquelle l'inspectrice du travail de la 2ème section de l'unité départementale du Jura a autorisé la société CetK Components à le licencier ainsi que la décision du 4 avril 2013 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a rejeté son recours contre cette décision. Par un jugement n° 1300697 du 7 juillet 2015, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 15NC01911 du 26 janvier 2017, la cour administrative d'appel de Nancy a, sur appel de M. A..., annulé ce jugement et ces décisions.

Par une décision n° 409166 du 18 juillet 2018, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur le pourvoi formé par la société CetK Components, a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Nancy.

Par un arrêt n° 18NC02086 du 24 octobre 2019, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel de M. A....

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 26 décembre 2019 et 1er avril 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Catherine Brouard-Gallet, conseillère d'Etat en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Didier-Pinet, avocat de M. A... et à la SCP Gatineau, Fattaccini, Rebeyrol, avocat de la société CetK Components ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que par une décision du 14 novembre 2012, l'inspectrice du travail de la 2ème section de l'unité territoriale du Jura a autorisé la société CetK Components à licencier M. A..., salarié protégé, pour faute. Par une décision du 4 avril 2013, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a rejeté le recours hiérarchique formé contre cette décision. Par un jugement du 7 juillet 2015, le tribunal administratif de Besançon a rejeté la demande de M. A... tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de ces décisions. Par un arrêt du 26 janvier 2017, la cour administrative d'appel de Nancy a annulé ce jugement ainsi que les décisions du 14 novembre 2012 et du 4 avril 2013. Par une décision du 18 juillet 2018, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la cour administrative d'appel de Nancy. Par un arrêt du 24 octobre 2019, à l'encontre duquel M. A... se pourvoit en cassation, celle-ci a rejeté la requête de M. A....

2. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec leur appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi. Un agissement du salarié intervenu en-dehors de l'exécution de son contrat de travail ne peut motiver un licenciement pour faute, sauf s'il traduit la méconnaissance par l'intéressé d'une obligation découlant de ce contrat.

3. En premier lieu, le caractère contradictoire de l'enquête menée conformément aux dispositions de l'article R. 2421-4 du code du travail impose à l'autorité administrative, saisie d'une demande d'autorisation de licenciement pour faute d'un salarié protégé, d'informer le salarié concerné des agissements qui lui sont reprochés et de l'identité des personnes qui en ont témoigné. Il implique, en outre, que le salarié protégé soit mis à même de prendre connaissance de l'ensemble des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande, dans des conditions et des délais lui permettant de présenter utilement sa défense, sans que la circonstance que le salarié soit susceptible de connaître le contenu de certaines de ces pièces puisse exonérer l'inspecteur du travail de cette obligation. Ce n'est que lorsque l'accès à certains de ces éléments serait de nature à porter gravement préjudice à leurs auteurs que l'inspecteur du travail doit se limiter à informer le salarié protégé, de façon suffisamment circonstanciée, de leur teneur.

4. En l'espèce, après avoir relevé que M. A... avait été mis à même de demander, lorsqu'il avait été reçu par l'inspectrice du travail le 29 octobre 2018, l'accès à l'ensemble des témoignages relatifs aux faits reprochés et à leur intégralité, alors que pour certains de ces témoignages seuls les extraits les plus importants lui avaient été remis à cette occasion, la cour administrative d'appel, qui ne s'est pas méprise sur la portée des écritures de M. A... sur ce point, a pu en déduire, sans entacher son arrêt ni de dénaturation des pièces du dossier ni d'erreur de droit, que le caractère contradictoire de la procédure suivie devant l'inspectrice du travail n'avait pas été méconnu.

5. En deuxième lieu, il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour administrative d'appel de Nancy a, d'une part, relevé que M. A... avait tenu, dans les locaux de l'entreprise, à proximité de la salle de convivialité où se trouvait un autre salarié, le 11 septembre 2012, des propos injurieux à l'encontre du secrétaire du comité d'entreprise, élu CFDT, et de son trésorier, élu CFTC, auquel il avait, en outre, adressé des menaces de mort. L'arrêt attaqué relève par ailleurs que M. A..., a refusé de façon répétée de respecter les consignes de sécurité fixées par le règlement intérieur de l'entreprise en s'abstenant d'emprunter le portique de l'entrée réservée aux piétons pour pénétrer sur le site de production et revendiquant en outre ces manquements. En estimant que l'ensemble de ces faits, qu'elle a souverainement appréciés sans les dénaturer, étaient constitutifs de fautes commises par M. A... et qu'elles présentaient un caractère de gravité suffisant pour justifier son licenciement, la cour administrative d'appel de Nancy n'a pas inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis, ni commis d'erreur de droit.

6. En dernier lieu, la cour administrative d'appel n'a pas dénaturé les pièces du dossier en jugeant que la demande d'autorisation de licenciement de M. A... était dépourvue de lien avec son mandat.

7. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de M. A... doit être rejeté, y compris, par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... la somme demandée par la société CetK Components au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de M. A... est rejeté.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société CetK Components au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. D... A..., à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion et à la société CetK Components.

Délibéré à l'issue de la séance du 8 novembre 2021 où siégeaient : Mme Maud Vialettes, présidente de chambre, présidant ; Mme Carine Soulay, conseillère d'Etat et Mme Catherine Brouard-Gallet, conseillère d'Etat en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 13 décembre 2021.

La présidente :

Signé : Mme Maud Vialettes

La rapporteure :

Signé : Mme Catherine Brouard-Gallet

La secrétaire :

Signé : Mme B... C...


Synthèse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 437134
Date de la décision : 13/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 13 déc. 2021, n° 437134
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Catherine Brouard-Gallet
Rapporteur public ?: M. Raphaël Chambon
Avocat(s) : SARL DIDIER-PINET ; SCP GATINEAU, FATTACCINI, REBEYROL

Origine de la décision
Date de l'import : 15/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:437134.20211213
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