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21/12/2021 | FRANCE | N°456153

France | France, Conseil d'État, 10ème chambre, 21 décembre 2021, 456153


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 30 août et 8 novembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... C... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'acte de promulgation de l'acte dit " loi du pays " n° 2021-32 du 30 juillet 2021 portant sur la contribution de solidarité de la continuité territoriale du transport aérien interinsulaire et le secret professionnel incombant à la direction des impôts et des contributions publiques ;

2°) d'annuler cette " loi du pays " ;

3°) de mettr

e à la charge de la Polynésie française la somme de 3 000 euros au titre de l'article L...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 30 août et 8 novembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... C... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'acte de promulgation de l'acte dit " loi du pays " n° 2021-32 du 30 juillet 2021 portant sur la contribution de solidarité de la continuité territoriale du transport aérien interinsulaire et le secret professionnel incombant à la direction des impôts et des contributions publiques ;

2°) d'annuler cette " loi du pays " ;

3°) de mettre à la charge de la Polynésie française la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de rejeter comme irrecevables les conclusions présentées à ce titre par l'assemblée de la Polynésie française.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- la loi organique n°2004-192 du 27 février 2004 ;

- le code civil ;

- le code pénal ;

- le code des impôts de la Polynésie française ;

- la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;

- la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Réda Wadjinny-Green, auditeur,

- les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller, avocat de la Présidence de la Polynésie française ;

Considérant ce qui suit :

Sur la " loi du pays " attaquée :

1. En premier lieu, le II de l'article 151 de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française dispose que : " Le conseil économique, social, environnemental et culturel est consulté sur les projets et propositions d'actes prévus à l'article 140 dénommés " lois du pays " à caractère économique ou social. (... ) ". La " loi du pays " n° 2021-32 attaquée exclut de l'assiette de la taxe sur la valeur ajoutée la contribution de solidarité de la continuité territoriale et modifie certaines dispositions relatives au secret fiscal. Ces dispositions, qui ont un objet exclusivement fiscal, ne revêtent pas un caractère économique ou social au sens de l'article 151 de la loi organique. Par suite, le moyen tiré de ce que cette " loi du pays " est irrégulière en l'absence de consultation préalable du conseil économique, social, environnemental et culturel ne peut qu'être écarté.

2. En deuxième lieu, il résulte des dispositions de l'article 176 de la même loi organique qu'il n'appartient au Conseil d'Etat d'apprécier la légalité des " lois du pays " qu'au regard de la Constitution, des lois organiques, des engagements internationaux et des principes généraux du droit. Par suite, M. C... ne peut utilement soutenir que la " loi du pays " qu'il attaque serait irrégulière en l'absence de consultation préalable du comité des usagers fiscaux créé par l'arrêté n° 1967 CM du président de la Polynésie française en date du 7 décembre 2011.

3. En troisième lieu, d'une part, l'article LP. 3 de la " loi du pays " contestée introduit dans le code des impôts de la Polynésie française un article LP. 464-9 qui ouvre à l'administration fiscale la possibilité de solliciter un expert lorsque ce dernier est susceptible de l'éclairer pour l'exercice des missions d'étude, d'établissement et de contrôle de l'impôt ou d'instruction des réclamations relevant du même code, et seulement lorsque ces missions requièrent des connaissances ou des compétences particulières. Peuvent seuls être communiqués à l'expert les renseignements destinés à lui permettre de remplir la mission qui lui a été confiée. Des renseignements nominatifs ne sont communiqués que dans les seuls cas où la direction des impôts et des contributions publiques l'estime nécessaire, en considération de la mission confiée. Contrairement à ce que soutient le requérant, ces dispositions définissent avec une précision suffisante la finalité du transfert de données à caractère fiscal à des fins d'expertise et les modalités de cette communication.

4. D'autre part, ainsi qu'il vient d'être dit, seules les informations nécessaires à la conduite de l'expertise, notamment les données à caractère personnel des contribuables, peuvent être transmises à l'expert. La communication, la conservation et l'exploitation des données à caractère personnel sont soumises au respect de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, applicable en Polynésie française dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2018-1125 du 12 décembre 2018. En outre, il résulte des articles LP. 461-1 et LP. 462-1 du code des impôts de la Polynésie française que l'expert auquel sont transmis des renseignements fiscaux dans le cadre défini par l'article LP. 464-9 de ce code est tenu au secret professionnel et est passible des sanctions prévues aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal en cas de manquement à cette obligation, de même que l'agent qui lui communiquerait des informations excédant les limites définies par cet article LP. 464-9. Enfin, il résulte de l'article 1er de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, applicable en Polynésie française en vertu de son article 35, que les experts désignés par l'administration dans ce cadre, qui sont à ce titre chargés d'une mission de service public, doivent exercer leurs fonctions avec dignité, probité et intégrité, et veiller à prévenir ou faire cesser immédiatement tout conflit d'intérêts. Il appartient à l'administration fiscale de veiller au respect de ces exigences dans la désignation de ces experts. Eu égard à l'ensemble de ces garanties, le requérant, qui ne peut utilement invoquer à l'encontre de la " loi du pays " litigieuse la méconnaissance de l'article 12 de la Déclaration universelle des droits de l'homme des Nations-Unies, lequel est dépourvu d'effet direct en droit interne, ni celle de l'article 9 du code civil, qui n'est pas au nombre des normes au regard desquelles il appartient au Conseil d'Etat de se prononcer sur les " lois du pays " en vertu du III de l'article 176 de la loi organique du 27 février 2004, n'est pas fondé à soutenir que l'article LP. 3 de la " loi du pays " qu'il attaque méconnaîtrait le droit au respect de la vie privée garanti par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

Sur l'acte de promulgation de la " loi du pays " :

5. Aux termes du premier alinéa de l'article 180-2 de la loi organique du 27 février 2004 : " Les actes prévus à l'article 140 dénommés "lois du pays" relatifs aux impôts et taxes sont publiés au Journal officiel de la Polynésie française et promulgués par le président de la Polynésie française au plus tard le lendemain de leur adoption ". Eu égard à son objet, rappelé au point 1, l'acte dit " loi du pays " n° 2021-32 du 30 juillet 2021 est relatif aux impôts et aux taxes au sens de ces dispositions. Par suite, le requérant ne peut utilement soutenir que l'acte de promulgation de cette " loi du pays " serait irrégulier faute de respecter les règles particulières de promulgation des lois du pays qui ne sont pas relatives aux impôts et aux taxes prévues à l'article 177 de la loi organique.

6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les fins de non-recevoir soulevées par la Polynésie française, que la requête de M. C... doit être rejetée.

7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par la Polynésie française et, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de ces conclusions, par l'Assemblée de la Polynésie française.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. A... C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le président de la Polynésie française et par le président de l'assemblée de la Polynésie française au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A... C..., au président de la Polynésie française et au président de l'assemblée de la Polynésie française.

Copie en sera adressée au ministre des outre-mer et au haut-commissaire de la République en Polynésie française.

Délibéré à l'issue de la séance du 25 novembre 2021 où siégeaient : M. Alexandre Lallet, conseiller d'Etat, présidant ; Mme Nathalie Escaut, conseillère d'Etat et M. Réda Wadjinny-Green, auditeur-rapporteur.

Rendu le 21 décembre 2021.

Le président :

Signé : M. Alexandre Lallet

Le rapporteur :

Signé : M. Réda Wadjinny-Green

La secrétaire :

Signé : Mme B... D...


Synthèse
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 456153
Date de la décision : 21/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 21 déc. 2021, n° 456153
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Réda Wadjinny-Green
Rapporteur public ?: M. Laurent Domingo
Avocat(s) : SCP DE CHAISEMARTIN, DOUMIC-SEILLER

Origine de la décision
Date de l'import : 23/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:456153.20211221
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