Vu la procédure suivante :
M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 11 décembre 2019 par laquelle le préfet de la Loire-Atlantique a refusé d'échanger son permis de conduire sri-lankais contre un permis français et d'enjoindre au préfet de réexaminer sa demande et de procéder à cet échange. Par un jugement n° 2000881 du 23 juillet 2020, le tribunal administratif a annulé la décision du 11 décembre 2019 du préfet de la Loire-Atlantique et lui a enjoint de réexaminer la demande de M. C... dans un délai de deux mois.
Par un pourvoi, enregistré le 23 septembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de M. C....
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu
- le code de la route ;
- l'arrêté du 12 janvier 2012 fixant les conditions de reconnaissance et d'échange des permis de conduire délivrés par les Etats n'appartenant ni à l'Union européenne, ni à l'Espace économique européen, modifié notamment par l'arrêté du 9 avril 2019 ;
- le code de justice administrative;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Dominique Langlais, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. C... a demandé le 24 juillet 2018 l'échange de son permis de conduire sri-lankais contre un titre de conduite français. Par une décision du 11 décembre 2019, le préfet de la Loire-Atlantique s'est fondé sur l'absence d'accord de réciprocité entre la France et le Sri Lanka pour rejeter sa demande. Le ministre de l'intérieur se pourvoit en cassation contre le jugement du 23 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a, sur la demande de M. C..., annulé cette décision et enjoint au préfet de la Loire-Atlantique de réexaminer la demande d'échange dans un délai de deux mois.
2. Aux termes de l'article R. 222-3 du code de la route : " Tout permis de conduire national, en cours de validité, délivré par un Etat ni membre de l'Union européenne, ni partie à l'accord sur l'Espace économique européen, peut être reconnu en France jusqu'à l'expiration d'un délai d'un an après l'acquisition de la résidence normale de son titulaire. Pendant ce délai, il peut être échangé contre le permis français, sans que son titulaire soit tenu de subir les examens prévus au premier alinéa de l'article D. 221-3 Les conditions de cette reconnaissance et de cet échange sont définies par arrêté du ministre chargé de la sécurité routière, après avis du ministre de la justice et du ministre chargé des affaires étrangères. Au terme de ce délai, ce permis n'est plus reconnu et son titulaire perd tout droit de conduire un véhicule pour la conduite duquel le permis de conduire est exigé ". Pour l'application de ces dispositions, l'article 5 de l'arrêté du 12 janvier 2012 fixant les conditions de reconnaissance et d'échange des permis de conduire délivrés par les Etats n'appartenant ni à l'Union européenne, ni à l'Espace économique européen dispose que : " I. ' Pour être échangé contre un titre français, tout permis de conduire délivré par un Etat n'appartenant ni à l'Union européenne, ni à l'Espace économique européen doit répondre aux conditions suivantes :/ A. ' Avoir été délivré au nom de l'Etat dans le ressort duquel le conducteur avait alors sa résidence normale, sous réserve qu'il existe un accord de réciprocité entre la France et cet Etat conformément à l'article R. 222-1 du code de la route. Seul le dernier titre délivré peut être présenté à l'échange (...) ".
3. Dans sa rédaction en vigueur jusqu'au 19 avril 2019, le I de l'article 11 du même arrêté du 12 janvier 2012 disposait que : " I. Les dispositions du A du I de l'article 5 ne sont pas applicables au titulaire d'un permis de conduire délivré par un Etat n'appartenant ni à l'Union européenne, ni à l'Espace économique européen possédant un titre visé au I de l'article 4 comportant la mention " réfugié " ". Ces dispositions ont toutefois été abrogées par l'article 1er de l'arrêté du 9 avril 2019 modifiant l'arrêté du 12 janvier 2012 fixant les conditions de reconnaissance et d'échange des permis de conduire délivrés par les Etats n'appartenant ni à l'Union européenne, ni à l'Espace économique européen, qui a été publié au Journal officiel de la République française le 18 avril 2019 et est entré en vigueur le lendemain de sa publication.
4. D'une part, sauf dispositions expresses contraires, il appartient à l'autorité administrative de statuer sur les demandes dont elle est saisie en faisant application des textes en vigueur à la date de sa décision. Il en va notamment ainsi, en l'absence de texte y dérogeant, des décisions que l'administration est amenée à prendre, implicitement ou expressément, sur les demandes d'échange de permis de conduire qui lui sont présentées en application des dispositions citées au point 1.
5. D'autre part, si l'article L. 221-4 du code des relations entre le public et l'administration dispose que : " Sauf s'il en est disposé autrement par la loi, une nouvelle réglementation ne s'applique pas aux situations juridiques définitivement constituées avant son entrée en vigueur ou aux contrats formés avant cette date ", le dépôt d'une demande d'échange de permis de conduire ne saurait être regardé comme instituant, au profit du demandeur, une situation juridique définitivement constituée à la date de ce dépôt. Par suite, la circonstance qu'une demande d'échange de permis de conduire a été déposée avant l'entrée en vigueur des modifications introduites par l'arrêté du 9 avril 2019 ne saurait faire obstacle à ce que ces modifications lui soient applicables.
6. Il résulte de ce qui précède qu'en jugeant que la rédaction postérieure au 19 avril 2019 du I de l'article 11 de l'arrêté du 12 janvier 2012 n'était pas applicable à la demande présentée avant cette date par M. C..., pour en déduire que sa qualité de réfugié faisait obstacle à ce que l'absence d'accord de réciprocité entre la France et le Sri-Lanka puisse lui être utilement opposée, le tribunal administratif a commis une erreur de droit qui justifie l'annulation de son jugement.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 23 juillet 2020 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Montreuil.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'intérieur et à M. D... C....
Délibéré à l'issue de la séance du 13 janvier 2022 où siégeaient : M. Olivier Yeznikian, conseiller d'Etat, présidant ; M. Jean-Philippe Mochon, conseiller d'Etat et M. Jean-Dominique Langlais, conseiller d'Etat-rapporteur.
Rendu le 3 février 2022.
Le président :
Signé : M. Olivier Yeznikian
Le rapporteur :
Signé : M. Jean-Dominique Langlais
La secrétaire :
Signé : Mme B... A...