Vu la procédure suivante :
Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler pour excès de pouvoir la délibération du jury de l'université de Bretagne Sud du 5 juillet 2016 pour la validation de la première année du master " politiques sociales, santé et solidarité, spécialité administration et coordination des interventions sociales et de santé " au titre de l'année 2015-2016 en tant qu'elle fait application de la règle " de double validation " des unités d'enseignement théoriques et pratiques. Par un jugement n° 1700715 du 29 mars 2018, le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 18NT02173 du 8 novembre 2019, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par Mme B... contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 8 janvier, 25 juin et 7 décembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'éducation ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Laurent Cabrera, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat de Mme B... et à la SCP Spinosi, avocat de l'université de Bretagne Sud ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme B..., maître de conférence à l'université de Bretagne Sud, a demandé au tribunal administratif de Rennes l'annulation pour excès de pouvoir de la délibération du 5 juillet 2016 du jury de l'université de Bretagne Sud, dont elle était membre, pour l'obtention du master 1 " politiques sociales, santé et solidarité, spécialité administration et coordination des interventions sociales et de santé " (master P3S) au titre de l'année universitaire 2015-2016, en ce qu'elle a appliqué la double validation des unités d'enseignement théoriques et pratiques à chacun des semestres de la première année de ce master ainsi qu'au master 1 dans son ensemble. Par un jugement du 29 mars 2018, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision. Mme B... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 8 novembre 2019 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel qu'elle a formé contre ce jugement.
Sur l'intervention de la fédération Sud Education :
2. La fédération Sud Education, qui défend en particulier " les intérêts professionnels et économiques et les droits matériels et moraux des salariées et salariés, et enseignées et enseignés, des établissements publics dépendant de l'Education nationale " justifie, eu égard à l'objet et à la nature du litige, d'un intérêt suffisant à l'annulation de l'arrêt attaqué, la rendant recevable à intervenir au soutien du pourvoi.
Sur le pourvoi :
3. Aux termes du huitième alinéa de l'article L. 613-1 du code de l'éducation : " Les aptitudes et l'acquisition des connaissances sont appréciées, soit par un contrôle continu et régulier, soit par un examen terminal, soit par ces deux modes de contrôle combinés. Les modalités de ce contrôle tiennent compte des contraintes spécifiques des étudiants accueillis au titre de la formation continue. Elles sont adaptées aux contraintes spécifiques des étudiants ou personnes bénéficiant de la formation continue présentant un handicap ou un trouble invalidant de la santé ou en état de grossesse. Elles doivent être arrêtées dans chaque établissement au plus tard à la fin du premier mois de l'année d'enseignement et elles ne peuvent être modifiées en cours d'année. ". Aux termes de l'article L. 712-6-1 du même code : " I.- La commission de la formation et de la vie universitaire du conseil académique est consultée sur les programmes de formation des composantes. / Elle adopte : / (...) 2° Les règles relatives aux examens ; / 3° Les règles d'évaluation des enseignements ; (...) ".
4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'en application du huitième alinéa de l'article L. 613-1 du code de l'éducation cité au point 3, les règles relatives à la validation des épreuves et à l'obtention des diplômes délivrés par l'université de Bretagne Sud au terme de cycles de masters, au nombre desquels figure le master professionnel " Politiques sociales, santé et solidarité, spécialité administration et coordination des interventions sociales et de santé " (Master P3S), sont fixées par une charte des examens adoptée chaque année par la commission de la formation et de la vie universitaire de l'université Bretagne Sud au début de chaque année universitaire. Il ressort également des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la charte des examens adoptée à ce titre pour l'année universitaire 2014-2015 et celle adoptée pour l'année universitaire 2015-2016 prévoient que, pour les diplômes à finalité professionnelle, au nombre desquels figure le master P3S, " Les diplômes de licence professionnelle et de Master professionnel 2 ne peuvent être obtenus que sous la réserve d'une validation générale et de la double validation des épreuves théoriques et des épreuves pratiques ". Par suite, après avoir relevé, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, que la règle de la double validation applicable à l'année universitaire entière était reprise par la charte des examens applicable à l'année universitaire 2015-2016 " en termes similaires " par rapport à celle applicable à l'année universitaire 2014-2015, la cour administrative d'appel de Nantes n'a pas entaché son arrêt d'erreur de droit en écartant comme inopérant le moyen tiré de l'illégalité de la délibération contestée qui résulterait de ce que la charte des examens applicable à l'année universitaire 2015-2016 et le règlement de contrôle des connaissances du master en cause seraient contradictoires en ce que cette charte ne prévoyait l'application de la règle de la double validation qu'à chacun des semestres, dès lors que la délibération contestée a mis en œuvre la règle de la double validation applicable à l'année universitaire entière, laquelle est prévue tant par la charte des examens applicable à l'année universitaire 2015-2016 que par le règlement de contrôle des connaissances du master en cause.
5. En second lieu, aux termes de l'article D. 123-13 du code de l'éducation : " L'application nationale aux études supérieures et aux diplômes nationaux de la construction de l'Espace européen de l'enseignement supérieur se caractérise par : / a) Une architecture des études fondée principalement sur les trois grades de licence, master et doctorat ; / b) Une organisation des formations en semestres et en unités d'enseignement ; / c) La mise en œuvre du système européen d'unités d'enseignement capitalisables et transférables, dit " système européen de crédits-ECTS " (...) ". Aux termes de l'article D. 123-14 du même code : " Pour la mise en œuvre de l'article D. 123-13, la politique nationale a pour objectifs : / (...) d) D'encourager la mobilité, d'accroître l'attractivité des formations françaises à l'étranger et permettre la prise en compte et la validation des périodes de formation, notamment à l'étranger ;(...) ".
6. Si Mme B... soutient que les modalités d'évaluation du master P3S pour l'année universitaire 2015-2016, qui incluent la règle de la double validation applicable à l'année universitaire entière, seraient contraires au principe de la " semestrialisation " résultant des dispositions des articles D. 123-13 et D. 123-14 du code de l'éducation, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les formations du master " politiques sociales, santé et solidarité, spécialité administration et coordination des interventions sociales et de santé " étaient, pour l'année universitaire 2015-2016, organisées en semestres et en unités d'enseignement, et que l'application de la règle de la double validation applicable à l'année universitaire entière avait seulement pour objet et pour effet de permettre au jury de vérifier, pour l'obtention d'un diplôme ou d'une année de master, l'obtention d'une moyenne minimale dans certains unités d'enseignement théoriques et pratiques. Par suite, le moyen tiré de ce que la cour aurait entaché son arrêt de dénaturation des pièces du dossier et d'erreur de droit en jugeant que les dispositions réglementaires sur le fondement desquelles a été prise la délibération contestée méconnaîtraient les dispositions des articles D. 123-13 et D. 123-14 du code de l'éducation, ne peut être qu'écarté.
7. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de Mme B... tendant à l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par l'université Bretagne Sud au titre de ces mêmes dispositions. La fédération Sud Education n'ayant pas la qualité de partie dans la présente instance, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'université Bretagne Sud.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'intervention de fédération Sud Education est admise.
Article 2 : Le pourvoi de Mme B... est rejeté.
Article 3 : Les conclusions présentées par l'université Bretagne Sud et par la fédération Sud Education au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme D... B... et à l'université de Bretagne Sud.
Copie en sera adressée à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation et à la fédération Sud Education.
Délibéré à l'issue de la séance du 24 février 2022 où siégeaient : Mme Fabienne Lambolez, conseillère d'Etat, présidant ; Mme Carine Soulay, conseillère d'Etat et M. Laurent Cabrera, conseiller d'Etat-rapporteur.
Rendu le 6 avril 2022.
La présidente :
Signé : Mme Fabienne Lambolez
Le rapporteur :
Signé : M. Laurent Cabrera
La secrétaire :
Signé : Mme A... C...