Vu la procédure suivante :
Mme C... L... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision du 3 septembre 2021 de la présidente de l'Université de Paris, désormais dénommée Université Paris Cité, en tant qu'elle lui a refusé de se réinscrire en parcours d'accès santé spécifique (PASS) au titre de l'année universitaire 2021-2022 et d'enjoindre à l'université de l'y réinscrire. Par une ordonnance n° 2119121/1-3 du 28 septembre 2021, le juge des référés du tribunal administratif a rejeté sa demande.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 26 octobre et 5 novembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme L... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Gatineau, Fattaccini, Rebeyrol, son avocat, au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'éducation ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 ;
- le décret n° 2019-1125 du 4 novembre 2019 ;
- le décret n° 2021-934 du 13 juillet 2021 ;
- l'arrêté du 4 novembre 2019 relatif à l'accès aux formations de médecine, de pharmacie, d'odontologie et de maïeutique ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Thalia Breton, auditrice,
- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gatineau, Fattaccini, Rebeyrol, avocat de Mme L... et à la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, Sebagh, avocat de l'Université de Paris Cité ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, par une décision du 3 septembre 2021, la présidente de l'Université de Paris, désormais dénommée Université Paris Cité, a rejeté la demande de Mme C... L..., étudiante de cette université, inscrite en parcours accès santé spécifique (PASS) au titre de l'année universitaire 2020-2021, tendant à être autorisée à se réinscrire en PASS au titre de l'année universitaire 2021-2022. Mme L... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de cette décision et d'enjoindre à l'université de l'inscrire à nouveau en PASS. Mme L... se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 28 septembre 2021 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur le pourvoi :
2. D'une part, l'article 1er de la loi du 24 juillet 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé a réformé l'accès aux formations de médecine, de pharmacie, d'odontologie et de maïeutique. Comme le prévoit le décret du 4 novembre 2019 pris pour son application, l'accès en deuxième année est ouvert, à compter de l'année universitaire 2020-2021, aux étudiants inscrits en licence accès santé (LAS), mentionnée au 1° du I de l'article R. 631-1 du code de l'éducation, aux étudiants inscrits en PASS, mentionné au 2° du I de cet article et aux étudiants titulaires d'un titre ou d'un diplôme d'Etat d'auxiliaire médical, ainsi que le prévoit le 3° du I de cet article. Aux termes des deux derniers alinéas du I de l'article R. 631-1 du code de l'éducation, applicable aux étudiants inscrits en PASS : " Les universités proposent aux candidats ayant validé le parcours de formation mentionné au 2° [PASS], mais ne poursuivant pas en deuxième année d'une formation de médecine, de pharmacie, d'odontologie ou de maïeutique, une poursuite d'études dans un ou plusieurs parcours de formation relevant du 1° [LAS]. / Les candidats n'ayant pas validé ou n'ayant validé que partiellement le parcours de formation mentionné au 2° participent à la procédure nationale de préinscription mentionnée au I de l'article L. 612-3 [plateforme Parcoursup] ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article 13 de l'arrêté du 4 novembre 2019 relatif à l'accès aux formations de médecine, de pharmacie, d'odontologie et de maïeutique, dans sa version applicable au litige : " Les étudiants qui ne sont pas admis dans l'une des formations de médecine, de pharmacie, d'odontologie ou de maïeutique, en première année d'une formation relevant du livre III de la quatrième partie du code de la santé publique, ou en deuxième année d'une formation mentionnée au 1° de l'article R. 631-1 du code de l'éducation [PASS] sont réorientés dans les conditions définies au II de l'article D. 612-1-9-1 du code de l'éducation [relatif aux candidats inscrits sur la plateforme Parcoursup dans le cadre d'une réorientation] ". Il résulte de ces dispositions que les étudiants inscrits en PASS et qui n'ont pas été admis en deuxième année des études de santé ne peuvent, en principe, redoubler en PASS.
3. Toutefois, pour l'année universitaire 2020-2021, aux termes de l'article 6 bis du décret du 4 novembre 2019 dans sa rédaction issue du décret du 13 juillet 2021 : " Pour la seule année universitaire 2020-2021, les modalités d'admission en deuxième année du premier cycle des formations de médecine, de pharmacie, d'odontologie et de maïeutique, ainsi que les modalités de réorientation et de poursuite d'études pour les étudiants n'ayant pas été admis dans l'une de ces formations sont complétées par les dispositions suivantes : / I.-A titre dérogatoire et exceptionnel, le président de l'université dans laquelle se déroulent les épreuves mentionnées à l'article R. 631-1-2 du code de l'éducation met en place une commission d'examen des situations individuelles exceptionnelles dans le cadre de l'accès en deuxième année du premier cycle des formations de médecine, de pharmacie, d'odontologie et de maïeutique. / Cette commission a pour objet de permettre, postérieurement à la délibération du ou des jurys prévus à l'article R. 631-1-2 du même code et sur demande d'un étudiant, un réexamen de situations individuelles lorsque des circonstances exceptionnelles, liées notamment à son état de santé, à ses conditions matérielles d'études ou à sa situation personnelle dûment justifiés, ont affecté les chances réelles et sérieuses dont disposait un étudiant d'accéder en deuxième année du premier cycle des formations de médecine, de pharmacie, d'odontologie ou de maïeutique. (...) / III.- En tenant compte de la situation particulière et exceptionnelle que l'étudiant fait valoir dans sa demande, des notes obtenues aux épreuves mentionnées à l'article R. 631-1-2 du code de l'éducation, des acquis de sa formation, ainsi que des attendus des formations de médecine, de pharmacie, d'odontologie ou de maïeutique, et sur proposition de la commission mentionnée au II, le président de l'université peut décider de : / 1° Permettre à un étudiant inscrit dans une formation mentionnée au 2° du I de l'article R. 631-1 du même code de s'inscrire une nouvelle fois à la rentrée universitaire 2021 dans une formation relevant du 2° du I de l'article R. 631-1 de ce code par dérogation au dernier alinéa du I de ce même article R. 631-1 (...) ".
4. D'autre part, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) / 7o Refusent une autorisation, sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l'un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions du a au f du 2o de l'article L. 311-5 (...) ".
5. Il résulte des dispositions citées au point 3 que, pour la seule année universitaire 2020-2021, le président de l'université peut, sur proposition de la commission d'examen des situations individuelles exceptionnelles instituée dans chaque université, autoriser, à titre dérogatoire, un étudiant de PASS n'ayant pas été admis en deuxième année des études de santé à redoubler l'année de PASS lors de l'année universitaire 2021-2022. La décision refusant une telle autorisation doit être motivée en application des dispositions du 7° de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, citées au point 4. Il s'ensuit qu'en jugeant que Mme L... ne pouvait utilement faire valoir, au soutien de sa demande de suspension de l'exécution de la décision du 3 septembre 2021 lui refusant l'autorisation de redoubler la première année des études de santé dans la filière PASS, que cette décision n'était pas motivée, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a commis une erreur de droit.
6. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, Mme L... est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée par Mme L..., en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
Sur la demande de suspension de la décision de la présidente de l'Université Paris Cité :
8. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".
9. D'une part, eu égard aux conséquences de la décision contestée sur la situation de Mme L..., la condition d'urgence doit être regardée, dans les circonstances particulières de l'espèce, comme remplie.
10. D'autre part, il ressort des pièces versées au dossier de la procédure de référé que la décision contestée, pour justifier du refus d'accorder à Mme L... l'autorisation de redoubler en PASS au titre de l'année 2021-2022, se borne à faire référence à l'examen de son dossier, sans comporter l'énoncé des motifs de fait ayant conduit à lui refuser l'autorisation de redoubler. Il s'ensuit que le moyen tiré de la motivation insuffisante de cette décision est de nature à faire sérieusement douter de sa légalité.
11. Il résulte de ce qui précède que Mme L... est fondée à demander la suspension de l'exécution de la décision du 3 septembre 2021 lui refusant l'autorisation de redoubler en PASS au titre de l'année 2021-2022, laquelle, contrairement, à ce qui est soutenu en défense, constitue une décision faisant grief, susceptible de recours contentieux.
12. L'exécution de la présente décision n'implique toutefois pas qu'il soit enjoint à l'Université Paris Cité d'autoriser Mme L... à redoubler en PASS, mais seulement que le président de l'université se prononce à nouveau sur la demande de l'intéressée. Il y a donc lieu d'enjoindre à l'Université Paris Cité de réexaminer la demande de redoublement de Mme L..., au vu de la proposition de la commission d'examen des situations individuelles exceptionnelles qui a été émise, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la présente décision, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais d'instance :
13. Les conclusions présentées en cassation par Mme L... au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et L. 761-1 du code de justice administrative sont dirigées contre l'État, qui n'est pas partie au litige, et sont, par suite, irrecevables. Les conclusions présentées en première instance, au même titre, par Mme L... à l'encontre de l'Université Paris Cité, qui ne sont pas chiffrées, sont également irrecevables.
D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du 28 septembre 2021 du juge des référés du tribunal administratif de Paris est annulée.
Article 2 : L'exécution de la décision du 3 septembre 2021 de la présidente de l'Université Paris Cité est suspendue.
Article 3 : Il est enjoint à l'Université Paris Cité de réexaminer la demande de Mme L... dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la présente décision.
Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par Mme L... en cassation et en première instance est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme C... L... et à l'Université Paris Cité.
Copie en sera adressée à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.
Délibéré à l'issue de la séance du 8 avril 2022 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme A... K..., Mme E... J..., présidentes de chambre ; M. B... I..., Mme G... H..., M. Jean-Luc Nevache, conseillers d'Etat et Mme Thalia Breton, auditrice-rapporteure.
Rendu le 27 avril 2022.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
La rapporteure :
Signé : Mme Thalia Breton
La secrétaire :
Signé : Mme F... D...