Vu la procédure suivante :
M. A... B... et le syndicat fédération nationale des salariés de la construction, bois et ameublement (FNSCBA) CGT ont demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 27 octobre 2014, par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a, d'une part, annulé la décision du 19 mars 2014 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité de contrôle de la 18ème section des Hauts-de-Seine a refusé d'autoriser le licenciement de M. B... et, d'autre part, autorisé la société Entreprise Petit à le licencier. Par un jugement n° 1500547 du 3 octobre 2017, le tribunal administratif a fait droit à sa demande.
Par un arrêt n° 17VE03614 du 7 juillet 2020, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la société Entreprise Petit contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 8 septembre et 8 décembre 2020 et le 4 juin 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Petit, venant aux droits de la société Entreprise Petit, demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de M. B... et du syndicat FNSCBA CGT la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Sylvain Monteillet, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gatineau, Fattaccini, Rebeyrol, avocat de la société Petit et à la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de M. A... B... et du syndicat FNSCBA CGT ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Entreprise Petit, devenue depuis lors la société Petit, a sollicité auprès de l'inspecteur du travail de la 18ème section des Hauts-de-Seine l'autorisation de licencier M. B..., maître ouvrier occupant le poste de boiseur, et exerçant les fonctions de délégué du personnel, délégué syndical et de membre du comité d'entreprise. Par une décision du 19 mars 2014, l'inspecteur du travail a refusé de délivrer l'autorisation de licenciement sollicitée. Le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, saisi par un recours hiérarchique formé par l'employeur, a, par une décision du 27 octobre 2014, retiré sa décision implicite de rejet née du silence gardé sur ce recours, annulé la décision de l'inspecteur du travail en date du 19 mars 2014 et autorisé le licenciement. Par un jugement du 3 octobre 2017, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, sur demande de M. B... et du syndicat fédération nationale des salariés de la construction, bois et ameublement (FNSCBA) CGT, annulé cette décision. La société Petit se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 7 juillet 2020 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté son appel contre ce jugement.
2. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec leur appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi. Un agissement du salarié intervenu en-dehors de l'exécution de son contrat de travail ne peut motiver un licenciement pour faute, sauf s'il traduit la méconnaissance par l'intéressé d'une obligation découlant de ce contrat.
3. Il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué qu'après avoir relevé que le projet de licenciement qu'il avait été demandé à l'administration d'autoriser était un licenciement pour faute à raison de faits commis dans le cadre de l'exercice du mandat d'un salarié protégé, la cour administrative d'appel de Versailles s'est bornée à examiner si ces faits rendaient impossible le maintien de ce salarié dans son entreprise. En statuant ainsi, alors qu'il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu'il appartient au juge administratif saisi d'un recours contre une décision autorisant le licenciement d'un salarié protégé pour faute à raison de tels faits de contrôler si l'administration a pu légalement estimer que les faits reprochés, bien qu'ayant eu lieu en-dehors de l'exécution du contrat de travail du salarié, ne constituaient pas un manquement à ses obligations contractuelles et étaient d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, la cour a entaché son arrêt d'erreur de droit.
4. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que la société Petit est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.
5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre la charge de la société Petit qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... et du syndicat fédération nationale des salariés de la construction, bois et ameublement (FNSCBA) CGT une somme à verser à la Société Petit au titre de ces mêmes dispositions.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles n° 17VE03614 du 7 juillet 2020 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Versailles.
Article 3 : Les conclusions présentées par la société Petit, par M. B... et par le syndicat fédération nationale des salariés de la construction, bois et ameublement (FNSCBA) CGT, au titre de l'article L. 761-1 du code de la justice administrative, sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Petit, à M. A... B... et au syndicat fédération nationale des salariés de la construction, bois et ameublement (FNSCBA) CGT.
Copie en sera adressée pour information au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.
Délibéré à l'issue de la séance du 12 mai 2022 où siégeaient : Mme Maud Vialettes, présidente de chambre, présidant ; Mme Carine Soulay, conseillère d'Etat et M. Sylvain Monteillet, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 15 juin 2022.
La présidente :
Signé : Mme Maud Vialettes
Le rapporteur :
Signé : M. Sylvain Monteillet
La secrétaire :
Signé : Mme Romy Raquil