Vu la procédure suivante :
M B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de La Réunion, sur le fondement de l'article L.521-1 du code de justice administrative, de suspendre, d'une part, la décision du président du conseil régional de La Réunion du 2 septembre 2020 suspendant le versement de sa rémunération à compter du 5 juillet 2020 et, d'autre part, le titre de recette émis le 30 septembre 2020 en vue du recouvrement d'un trop-perçu de rémunération fixé à 4 870,31 euros et d'enjoindre à la région Réunion, sous astreinte, de lui verser l'intégralité de sa rémunération à compter du 5 juillet 2020. Par une ordonnance n° 2100123 du 25 février 2021, le juge des référés du tribunal administratif de La Réunion a fait droit à sa demande.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 12 et 26 mars 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la région Réunion demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) statuant en référé de rejeter la requête de M. A... ;
3°) de mettre à la charge de M. A..., la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Juliana Nahra, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la région Réunion et à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. B... A... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de La Réunion que M. B... A..., technicien territorial principal de 1ère classe auprès de la région Réunion a été placé en congé pour invalidité temporaire imputable au service (CITIS). Par une décision du 2 septembre 2020 le président du conseil régional de La Réunion a suspendu rétroactivement la rémunération de M. A... à compter du 5 juillet 2020, date de son élection en tant que maire de Cilaos au motif que sa rémunération ne pouvait être cumulée avec son indemnité de maire. Le président du conseil régional de La Réunion a également émis, le 30 septembre 2020, un titre de recette en vue du recouvrement d'un trop-perçu de rémunération de 4 870,31 euros. M. A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de La Réunion, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre, d'une part, l'exécution de la décision du 2 septembre 2020 suspendant rétroactivement sa rémunération et, d'autre part, le titre de recettes émis le 30 septembre 2020. Par une ordonnance du 25 février 2021, le juge des référés du tribunal administratif de La Réunion a fait droit à sa demande. La région Réunion se pourvoit en cassation contre cette ordonnance.
2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". L'urgence justifie la suspension de l'exécution d'un acte administratif lorsque celui-ci porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés, saisi d'une demande tendant à la suspension d'une telle décision, d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de celle-ci sur la situation de ce dernier ou le cas échéant, des personnes concernées, sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. Il lui appartient également, l'urgence s'appréciant objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de chaque espèce, de faire apparaître dans sa décision tous les éléments qui, eu égard notamment à l'argumentation des parties, l'ont conduit à considérer que la suspension demandée revêtait un caractère d'urgence.
3. Pour estimer que la condition d'urgence était remplie, le juge des référés du tribunal administratif de La Réunion, après avoir rappelé que M. A... était privé de sa rémunération d'environ 3 000 euros par mois à laquelle il pouvait prétendre en étant placé en CITIS, s'est fondé sur l'importance des charges auxquelles il devait faire face, notamment pour subvenir aux besoins de ses enfants, alors même qu'il disposait de ses indemnités de fonctions de maire et que sa concubine n'était pas sans revenus. En statuant ainsi, alors, d'une part, que les éléments présentés par M. A... pour justifier de ses charges, et notamment des dépenses de loyer engagées pour ses enfants, ne permettent pas d'en vérifier la réalité, et que, d'autre part, M. A... disposait, pour couvrir les charges de son foyer, de son indemnité de maire, supérieure à 2 000 euros et des revenus de sa concubine, le juge des référés a entaché son ordonnance de dénaturation des faits de l'espèce.
4. Dès lors, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, la région Réunion est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque.
5. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé.
6. Il résulte de l'instruction que M. A... perçoit pour l'exercice de ses fonctions de maire une indemnité de 2 139,17 euros et que sa concubine, mère de ses enfants n'est pas sans revenus et peut donc participer aux charges courantes du ménage. Si M. A... fait valoir des charges courantes mensuelles d'un montant d'environ 3 128 euros, les justificatifs qu'il apporte au soutien de ses allégations ne permettent de vérifier la réalité des dépenses exposées qu'à hauteur de 2 043 euros. Dès lors, M. A... ne justifie pas, en l'état de l'instruction, que la décision de suspension de sa rémunération du 2 septembre 2020 et le titre de recettes émis le 30 septembre 2020 porteraient atteinte de façon suffisamment grave à sa situation et seraient de nature à caractériser une urgence justifiant leur suspension. L'une des conditions posées par l'article L. 521-1 du code de justice administrative n'étant pas remplie, les demandes de suspension présentées par M. A... ne peuvent qu'être rejetées.
7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la région Réunion au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la région Réunion qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de La Réunion du 25 février 2021 est annulée.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le juge des référés du tribunal administratif de La Réunion, ainsi que ses conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions de la région Réunion présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la région Réunion et à M. B... A....
Délibéré à l'issue de la séance du 9 mai 2022 où siégeaient : M. Guillaume Goulard, président de chambre, présidant ; M. Christian Fournier, conseiller d'Etat et Mme Juliana Nahra, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.
Rendu le 21 juin 2022.
Le président :
Signé : M. Guillaume Goulard
La rapporteure :
Signé : Mme Juliana Nahra
La secrétaire :
Signé : Mme Nathalie Martinez-Casanova