Vu la procédure suivante :
L'établissement public territorial Paris Est Marne et Bois, à l'appui de sa demande tendant à l'annulation de l'avis de somme à payer n° 165 émis le 21 juillet 2021 par la métropole du Grand Paris et à la décharge de la somme de 290 047 euros, a produit un mémoire, enregistré le 17 décembre 2021 au greffe du tribunal administratif de Paris, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, par lequel il soulève une question prioritaire de constitutionnalité.
Par une ordonnance n° 2120419 du 14 avril 2022, enregistrée le 14 avril 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la présidente de la 2ème section du tribunal administratif de Paris a décidé, avant qu'il soit statué sur la demande de l'établissement public territorial Paris Est Marne et Bois et par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du 3° du II de l'article 255 de la loi du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.
Par la question prioritaire de constitutionnalité transmise et par un mémoire en réplique enregistré le 12 mai 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'établissement public territorial Paris Est Marne et Bois soutient que les dispositions du 3° du II de l'article 255 de la loi du 29 décembre 2020 de finances pour 2021, applicables au litige, méconnaissent le principe d'égalité devant la loi, le principe d'égalité devant les charges publiques, le principe de clarté de la loi, l'objectif d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi et le principe de clarté et de sincérité des débats parlementaires.
Par deux mémoires, enregistrés les 3 et 24 mai 2022, la métropole du Grand Paris soutient que les conditions posées par l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 ne sont pas remplies, et, en particulier, que les dispositions contestées ne sont pas applicables au litige et que la question posée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux.
Par un mémoire, enregistré le 17 juin 2022, le ministre de l'intérieur soutient que les conditions posées par l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 ne sont pas remplies, et, en particulier, que la question posée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021, notamment son article 255 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Mathieu Le Coq, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Laurent Cytermann, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à Me Occhipinti, avocat de l'établissement public territorial Paris Est Marne et Bois et à la SCP Delamarre, Jéhannin, avocat de la métropole du Grand Paris ;
Considérant ce qui suit :
1. Il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.
2. Aux termes de l'article 255 de la loi du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 : " II.- Le XV de l'article 59 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République est ainsi modifié : (...) / 3° Le 2 du G est complété par deux alinéas ainsi rédigés : " A titre exceptionnel, la dotation d'équilibre versée en 2021 par chaque établissement public territorial à la métropole du Grand Paris est augmentée d'un montant égal aux deux-tiers de la différence, si elle est positive, entre le produit de la cotisation foncière des entreprises perçu en 2021 et celui perçu en 2020 par chaque établissement public territorial. Le produit de la cotisation foncière des entreprises perçue en 2021 est majoré du montant du prélèvement sur recettes prévu au 3 du A du III de l'article 29 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021. / A titre exceptionnel, la Ville de Paris verse à la métropole du Grand Paris une dotation d'équilibre en 2021. Le montant de cette dotation d'équilibre est égal aux deux-tiers de la différence, si elle est positive, entre le produit de la cotisation foncière des entreprises perçu en 2021 et celui perçu en 2020 par la Ville de Paris ".
3. Les dispositions du 3° du II de l'article 255 de la loi du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 sont applicables au litige et n'ont pas été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel. Le moyen tiré de ce qu'elles portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment aux principes d'égalité devant la loi et d'égalité devant les charges publiques, garantis par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, soulève une question présentant un caractère sérieux. Ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée.
D E C I D E :
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Article 1er : La question prioritaire de constitutionnalité portant sur les dispositions du 3° du II de l'article 255 de la loi du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 est transmise au Conseil constitutionnel.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'établissement public territorial Paris Est Marne et Bois, à la métropole du Grand Paris et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, à la Première ministre, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la Ville de Paris.
Délibéré à l'issue de la séance du 20 juin 2022 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Guillaume Goulard, M. Pierre Collin, présidents de chambre ; M. Stéphane Verclytte, M. Christian Fournier, M. Mathieu Herondart, M. Hervé Cassagnabère, M. Pierre Boussaroque, conseillers d'Etat et M. Mathieu Le Coq, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 7 juillet 2022.
Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
Le rapporteur :
Signé : M. Mathieu Le Coq
La secrétaire :
Signé : Mme Elsa Sarrazin