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29/11/2022 | FRANCE | N°464593

France | France, Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 29 novembre 2022, 464593


Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 464593, par des mémoires enregistrés le 1er septembre et le 18 octobre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Conseil national des barreaux demande au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir du décret n° 2022-462 du 31 mars 2022 pris pour l'application de l'article 1er de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire, de renvoyer au Conseil cons

titutionnel la question de la conformité aux droits et libertés gara...

Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 464593, par des mémoires enregistrés le 1er septembre et le 18 octobre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Conseil national des barreaux demande au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir du décret n° 2022-462 du 31 mars 2022 pris pour l'application de l'article 1er de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 38 quater de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, créé par la loi du 22 décembre 2021.

2° Sous le n° 464614, par un mémoire enregistré le 1er septembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Syndicat des avocats de France demande au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête tendant à l'annulation du décret n° 2022-462 du 31 mars 2022 pris pour l'application de l'article 1er de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 38 quater de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, créé par la loi du 22 décembre 2021.

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Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ;

- le code de procédure civile ;

- le code de procédure pénale ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Vincent Daumas, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat du Conseil national des barreaux et à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat du Syndicat des avocats de France ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. Les questions prioritaires de constitutionnalité soulevées par le Conseil national des barreaux et le Syndicat des avocats de France présentent à juger des questions semblables. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

3. D'une part, aux termes du premier alinéa de l'article 38 ter de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse : " Dès l'ouverture de l'audience des juridictions administratives ou judiciaires, l'emploi de tout appareil permettant d'enregistrer, de fixer ou de transmettre la parole ou l'image est interdit. Le président fait procéder à la saisie de tout appareil et du support de la parole ou de l'image utilisés en violation de cette interdiction ". D'autre part, aux termes de l'article 38 quater de la même loi, créé par l'article 1er de la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire : " I. - Par dérogation au premier alinéa de l'article 38 ter, l'enregistrement sonore ou audiovisuel d'une audience peut être autorisé, pour un motif d'intérêt public d'ordre pédagogique, informatif, culturel ou scientifique, en vue de sa diffusion. La demande d'autorisation d'enregistrement et de diffusion est adressée au ministre de la justice. L'autorisation est délivrée, après avis du ministre de la justice, par le président du Tribunal des conflits, le vice-président du Conseil d'Etat, le premier président de la Cour de cassation et le premier président de la Cour des comptes, concernant leurs juridictions respectives. Elle est délivrée, après avis du ministre de la justice, par le président de la juridiction concernant les juridictions administratives et les juridictions comprenant un magistrat du siège membre de la Cour de cassation, et par le premier président de la cour d'appel concernant les cours d'appel et les juridictions de l'ordre judiciaire de leur ressort. / Lorsque l'audience n'est pas publique, l'enregistrement est subordonné à l'accord préalable et écrit des parties au litige. Lorsqu'un majeur bénéficiant d'une mesure de protection juridique est partie à l'audience, qu'elle soit publique ou non, l'enregistrement est subordonné à l'accord préalable du majeur apte à exprimer sa volonté ou, à défaut, de la personne chargée de la mesure de protection juridique. Lorsqu'un mineur est partie à l'audience, qu'elle soit publique ou non, l'enregistrement est subordonné à l'accord préalable du mineur capable de discernement ainsi qu'à celui de ses représentants légaux ou, le cas échéant, de l'administrateur ad hoc désigné. / Les modalités de l'enregistrement ne portent atteinte ni au bon déroulement de la procédure et des débats, ni au libre exercice de leurs droits par les parties et les personnes enregistrées, dont la confidentialité des échanges entre l'avocat et son client. Le magistrat chargé de la police de l'audience peut, à tout moment, suspendre ou arrêter l'enregistrement. Cette décision constitue une mesure d'administration judiciaire insusceptible de recours. / La diffusion, intégrale ou partielle, de l'enregistrement n'est possible qu'après que l'affaire a été définitivement jugée. En cas de révision d'un procès en application de l'article 622 du code de procédure pénale, la diffusion de l'enregistrement peut être suspendue. / La diffusion est réalisée dans des conditions ne portant atteinte ni à la sécurité, ni au respect de la vie privée des personnes enregistrées, ni au respect de la présomption d'innocence. Cette diffusion est accompagnée d'éléments de description de l'audience et d'explications pédagogiques et accessibles sur le fonctionnement de la justice. / Sans préjudice de l'article 39 sexies de la présente loi, l'image et les autres éléments d'identification des personnes enregistrées ne peuvent être diffusés qu'avec leur consentement donné par écrit avant la tenue de l'audience. Les personnes enregistrées peuvent rétracter ce consentement dans un délai de quinze jours à compter de la fin de l'audience. / L'image et les autres éléments d'identification des mineurs ou des majeurs bénéficiant d'une mesure de protection juridique ne peuvent, en aucun cas, être diffusés. / Aucun élément d'identification des personnes enregistrées ne peut être diffusé cinq ans après la première diffusion de l'enregistrement ou dix ans après l'autorisation d'enregistrement. / L'accord écrit des parties au litige ou des personnes enregistrées ne peut faire l'objet d'aucune contrepartie. / II. - Après recueil de l'avis des parties, les audiences publiques devant le Conseil d'Etat et la Cour de cassation peuvent également être diffusées le jour même, sur décision de l'autorité compétente au sein de la juridiction, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. / III. - Le présent article est également applicable, par dérogation à l'article 11 du code de procédure pénale, aux audiences intervenant au cours d'une enquête ou d'une instruction ainsi qu'aux auditions, interrogatoires et confrontations réalisés par le juge d'instruction. Lors des auditions, interrogatoires et confrontations, l'enregistrement est subordonné à l'accord préalable et écrit des personnes entendues et le juge d'instruction peut, à tout moment, suspendre ou arrêter l'enregistrement. / IV. - Le fait de diffuser un enregistrement réalisé en application du I sans respecter les conditions de diffusion prévues au même I est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende. / V. - La cession des droits sur les images enregistrées emporte de droit transfert au cessionnaire des obligations et interdictions prévues au présent article. / VI. - Les modalités d'application du présent article sont précisées par décret en Conseil d'Etat ".

4. En premier lieu, le Syndicat des avocats de France soutient que le motif permettant d'autoriser l'enregistrement d'une audience juridictionnelle en vue de sa diffusion est défini de manière trop imprécise par la loi, compte tenu des risques d'atteinte à la présomption d'innocence, aux droits de la défense et à l'indépendance des magistrats que comporterait un tel enregistrement. Toutefois, d'une part, en subordonnant l'autorisation d'enregistrement à l'existence d'un motif d'intérêt public d'ordre pédagogique, informatif, culturel ou scientifique, le législateur a encadré strictement les raisons susceptibles de justifier que, par dérogation à l'interdiction figurant au premier alinéa de l'article 38 ter de la loi du 29 juillet 1881, une audience juridictionnelle puisse faire l'objet d'un enregistrement en vue de sa diffusion. D'autre part, en prévoyant que les modalités de l'enregistrement ne portent atteinte ni au bon déroulement de la procédure et des débats, ni au libre exercice de leurs droits par les parties et les personnes enregistrées, en exigeant que la diffusion de l'enregistrement ne porte pas davantage atteinte à la présomption d'innocence et en subordonnant en outre cette diffusion, en toute hypothèse, à la condition que l'affaire ait été définitivement jugée, le législateur a entouré le régime d'autorisation d'enregistrement des audiences qu'il a instauré des garanties propres à assurer la sauvegarde des principes invoqués. Par ailleurs, si le Syndicat des avocats de France soutient que le motif prévu par la loi serait défini de manière d'autant plus insuffisante lorsqu'est en cause une audience non publique, compte tenu de l'atteinte que la diffusion de son enregistrement porterait à l'intimité des parties, il résulte des dispositions du deuxième alinéa du I de l'article 38 quater de la loi du 29 juillet 1881 que la diffusion est, dans cette hypothèse, subordonnée à l'accord préalable et écrit des parties. Par suite, le grief tiré de ce que la loi, en définissant de manière trop imprécise le motif permettant d'autoriser l'enregistrement, porterait atteinte à la présomption d'innocence, aux droits de la défense, à l'indépendance des magistrats et au droit au respect de la vie privée des parties ne présente pas un caractère sérieux.

5. En deuxième lieu, le Conseil national des barreaux et le Syndicat des avocats de France soutiennent qu'eu égard aux risques que fait peser l'enregistrement d'une audience sur la sérénité et la sincérité des débats, qui participent tant de l'objectif de valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice que du droit à un procès équitable, le législateur aurait dû subordonner l'autorisation d'enregistrement, s'agissant des audiences publiques, à l'avis, voire à l'accord préalable, des parties, des magistrats et des avocats participant à l'audience et, s'agissant des audiences tenues devant les juridictions de l'ordre judiciaire du ressort des cours d'appel, à l'avis du chef de juridiction. Toutefois, d'une part, le législateur a prévu, ainsi qu'il a été dit au point précédent, que les modalités de l'enregistrement ne doivent pas porter atteinte au bon déroulement de la procédure et des débats et il a confié au magistrat chargé de la police de l'audience le pouvoir d'ordonner à tout moment, sans devoir s'en justifier et sans que sa décision soit susceptible d'aucun recours, la suspension ou l'arrêt de l'enregistrement. D'autre part, ainsi qu'il a également été dit au point précédent, le législateur a subordonné la diffusion de l'enregistrement réalisé, en toute hypothèse, à la condition que l'affaire ait été définitivement jugée. Par suite, et alors qu'il est au demeurant loisible aux autorités auxquelles la loi donne compétence pour se prononcer sur les demandes d'autorisation d'enregistrement et de diffusion des audiences de s'entourer de tous avis utiles pour éclairer leur appréciation des risques d'atteinte à la sérénité et à la sincérité des débats que pourrait comporter un tel enregistrement, le grief tiré de ce que le législateur n'aurait pas entouré le régime d'autorisation d'enregistrement des audiences qu'il a instauré des garanties propres à assurer la sauvegarde de la sérénité et de la sincérité des débats ne présente pas un caractère sérieux.

6. En troisième lieu, le Syndicat des avocats de France soutient que, s'agissant des audiences non publiques, le législateur aurait dû subordonner l'autorisation d'enregistrement à l'accord préalable des magistrats et des avocats participant à l'audience. Toutefois, d'une part, en ce qui concerne l'invocation par le syndicat des risques que l'enregistrement fait peser sur le déroulement du procès, il résulte des garanties mentionnées aux deux points précédents, qui s'appliquent tant aux audiences publiques qu'aux audiences non publiques, que le législateur a veillé à sauvegarder la présomption d'innocence, les droits de la défense, l'indépendance des magistrats, ainsi que la sérénité et la sincérité des débats. D'autre part, en ce qui concerne l'invocation par le syndicat de l'atteinte au droit au respect de la vie privée des magistrats et des avocats participant à l'audience, il résulte du sixième alinéa du I de l'article 38 quater de la loi du 29 juillet 1881 que l'image et les autres éléments susceptibles de permettre l'identification des personnes enregistrées, parmi lesquelles les magistrats et avocats participant à l'audience, ne peuvent être diffusés qu'avec leur consentement écrit. Par suite, le grief tiré de ce que, s'agissant des audiences non publiques, le législateur n'aurait pas prévu les garanties nécessaires pour prévenir les risques que leur enregistrement pourrait faire peser sur le déroulement du procès et sauvegarder le droit au respect de la vie privée des magistrats et des avocats qui y participent ne présente pas un caractère sérieux.

7. En quatrième lieu, le Conseil national des barreaux soutient que le législateur n'aurait pas prévu les garanties nécessaires à la préservation du secret des propos échangés à l'audience entre les avocats et leurs clients, qui participe du droit à un procès équitable. Toutefois, le législateur a expressément prévu, au troisième alinéa du I de l'article 38 quater de la loi du 29 juillet 1881, que les modalités de l'enregistrement ne doivent pas porter atteinte au libre exercice de leurs droits par les parties et les personnes enregistrées, dont la confidentialité des échanges entre l'avocat et son client. Il a également confié au magistrat chargé de la police de l'audience, ainsi qu'il a été dit au point 5, le pouvoir d'ordonner à tout moment la suspension ou l'arrêt de l'enregistrement, qu'il lui appartiendrait d'exercer s'il apparaissait qu'en dépit des précautions prises avant la tenue de l'audience, les conditions de réalisation de l'enregistrement méconnaissent l'obligation de préserver la confidentialité des échanges entre l'avocat et son client. Enfin, contrairement à ce que soutient le Conseil national des barreaux, les dispositions du IV de l'article 38 quater, qui punissent d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende le fait de diffuser un enregistrement réalisé en application du I sans respecter les conditions de diffusion prévues au même I, répriment notamment la diffusion d'un enregistrement réalisé en méconnaissance de cette obligation. Par suite, le grief tiré de ce que le législateur n'aurait pas prévu les garanties nécessaires à la préservation du secret des propos échangés à l'audience entre les avocats et leurs clients et, par voie de conséquence, aurait porté atteinte au droit à un procès équitable ne présente pas un caractère sérieux.

8. En cinquième lieu, le Conseil national des barreaux soutient que les garanties prévues par le législateur seraient insuffisantes pour assurer la protection des témoins déposant à l'audience, en particulier dans le cas des procès qui suscitent l'attention des médias, ce qui risquerait d'affecter la sincérité de leurs déclarations et par suite celle des débats tenus à l'audience. Toutefois, d'une part, le législateur a expressément prévu, au cinquième alinéa du I de l'article 38 quater de la loi du 29 juillet 1881, que la diffusion de l'enregistrement de l'audience est réalisée dans des conditions ne portant atteinte ni à la sécurité, ni au respect de la vie privée des personnes enregistrées. D'autre part, ainsi qu'il a été dit au point 6, il résulte du sixième alinéa du I de l'article 38 quater que l'image et les autres éléments susceptibles de permettre l'identification des personnes enregistrées, parmi lesquelles les témoins participant à l'audience, ne peuvent être diffusés qu'avec leur consentement écrit. Par suite, le grief tiré de ce que le législateur n'aurait pas prévu les garanties suffisantes pour assurer la protection des témoins déposant à l'audience et, par voie de conséquence, préserver la sincérité des débats tenus à l'audience ne présente pas un caractère sérieux.

9. En sixième lieu, le Conseil national des barreaux et le Syndicat des avocats de France soutiennent que le délai de quinze jours à compter de la fin de l'audience dans lequel le sixième alinéa du I de l'article 38 quater de la loi du 29 juillet 1881 prévoit que les personnes enregistrées ayant donné leur consentement à la diffusion de leur image et des autres éléments permettant leur identification peuvent rétracter ce consentement est insuffisant, et que le législateur aurait dû prévoir un délai permettant à ces personnes de retirer leur consentement une fois connu le sens du jugement rendu sur l'affaire ayant donné lieu à l'audience enregistrée. Toutefois, les personnes enregistrées lors de l'audience, y compris les parties et les témoins, disposent, à son issue, de tous les éléments leur permettant d'apprécier s'il y a lieu de maintenir ou rétracter leur consentement à la diffusion de leur image et des éléments permettant leur identification. Par suite, le grief tiré de ce que le législateur, en fixant à quinze jours à compter de la fin de l'audience le délai dans lequel ces personnes peuvent rétracter leur consentement, aurait méconnu les exigences découlant du droit au respect de la vie privée ne présente pas un caractère sérieux.

10. En septième lieu, le Syndicat des avocats de France soutient que le législateur n'a pas prévu les garanties suffisantes pour assurer le droit au respect de la vie privée des personnes mineures et des personnes majeures protégées. Toutefois, d'une part, il résulte du septième alinéa du I de l'article 38 quater de la loi du 29 juillet 1881 que l'image et les autres éléments susceptibles de permettre l'identification des mineurs ou des majeurs bénéficiant d'une mesure de protection juridique ne peuvent, en aucun cas, être diffusés. D'autre part, le deuxième alinéa du I de ce même article prévoit que, lorsque l'une de ces personnes est partie à l'audience, qu'elle soit publique ou non, l'enregistrement même de l'audience est subordonné, dans le cas d'un mineur, à son accord préalable s'il est capable de discernement et à celui de ses représentants légaux et, dans le cas d'un majeur protégé, à son accord préalable s'il est apte à exprimer sa volonté ou, à défaut, à celui de la personne chargée de la mesure de protection. Par suite, le grief tiré de ce que le législateur n'aurait pas entouré des garanties suffisantes l'enregistrement et la diffusion des audiences auxquelles peuvent apparaître soit des personnes mineures, soit des personnes majeures protégées, en méconnaissance des exigences découlant du droit au respect de la vie privée de ces personnes, ne présente pas un caractère sérieux.

11. En huitième et dernier lieu, le Conseil national des barreaux soutient que la condition tenant à ce que l'affaire soit définitivement jugée, à laquelle la loi subordonne toute diffusion de l'enregistrement d'une audience, est insuffisamment précise dans les hypothèses prévues par les dispositions du III de l'article 38 quater de la loi du 29 juillet 1881, qui ouvrent la possibilité d'enregistrer des audiences intervenant au cours d'une enquête ou d'une instruction ainsi que des auditions, interrogatoires et confrontations réalisés par le juge d'instruction. Toutefois, il résulte de la combinaison des dispositions du I de l'article 38 quater de la loi du 29 juillet 1881 avec celles de son III que la condition tenant à ce que l'affaire soit définitivement jugée doit être entendue, lorsqu'est en cause l'enregistrement de l'une des audiences ou de l'un des actes d'instruction mentionnés par les dispositions de ce III, comme impliquant que les faits ayant donné lieu à l'ouverture de l'enquête pénale ou de l'information judiciaire aient fait l'objet d'une décision juridictionnelle insusceptible d'être remise en cause par l'exercice d'un recours en appel ou en cassation. En outre, ces mêmes dispositions prévoient que l'enregistrement des auditions, interrogatoires et confrontations auxquelles procède le juge d'instruction est subordonné à l'accord préalable et écrit des personnes entendues. Enfin, il résulte des dispositions du sixième alinéa du I de l'article 38 quater de la loi du 29 juillet 1881 que l'image et les autres éléments susceptibles de permettre l'identification des personnes enregistrées lors de l'une des audiences ou de l'un des actes d'instruction mentionnés par les dispositions de son III ne peuvent être diffusés qu'avec leur consentement écrit, qu'elles peuvent retirer dans le délai de quinze jours à compter de la fin, selon le cas, de l'audience, de l'audition, de l'interrogatoire ou de la confrontation. Par suite, le grief tiré de ce que la possibilité ouverte par les dispositions précitées d'enregistrer des audiences et certains actes d'instruction intervenant dans le cours d'une enquête pénale ou d'une information judiciaire porterait atteinte à la présomption d'innocence ne présente pas un caractère sérieux.

12. Il résulte de tout ce qui précède que les questions soulevées, qui ne sont pas nouvelles, ne présentent pas un caractère sérieux. Ainsi, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité invoquées, le moyen tiré de ce que l'article 38 quater de la loi du 29 juillet 1881 porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté.

D E C I D E :

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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité soulevées par le Conseil national des barreaux et par le Syndicat des avocats de France.

Article 2 :. La présente décision sera notifiée au Conseil national des barreaux, au Syndicat des avocats de France et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 6ème - 5ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 464593
Date de la décision : 29/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 29 nov. 2022, n° 464593
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Vincent Daumas
Rapporteur public ?: M. Nicolas Agnoux
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:464593.20221129
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